Shérazade : « Mon mari dit m’aimer mais sans le montrer »

Par Lalla Chams En Nour, le 11/11/2023

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Je viens vers vous pour vous raconter mon histoire car j'ai besoin d'un avis autre que celui de la famille qui consiste à dire : « Tu as des enfants, alors tu dois rester et subir ».

Voilà ma situation. Je suis mariée depuis 16 ans, maman de trois enfants. Le mari, choisi par moi-même mais pas sur un coup de foudre, remplissait toutes les cases pour ma famille, lui aussi par ailleurs. On s’est rencontrés et nous nous sommes mariés environ trois années après notre rencontre, sans avoir le temps et surtout la possibilité de faire connaissance. Car mon père m'empêchait de le voir même après le mariage religieux, on se voyait de temps en temps en cachette.

Le début n’était pas très épanouissant et, à vrai dire, c’était très ennuyeux. A plusieurs reprises, j'ai pris mes affaires pour partir sans savoir ou j'allais vraiment. Nous ne faisions rien ensemble, on ne sortait que très rarement ensemble. Si on sortait ensemble, c'était Carrefour ou Auchan. Le seul voyage, c'était avec ses cousins et sa famille puis plus rien.

Lorsque le week-end arrive, chacun s’occupe ou s’ennuie de son côté, de temps en temps il me demandait de sortir avec sa belle-sœur. Lorsqu’il sort, il ne me propose jamais de l’accompagner. Les cadeaux en 16 ans de mariage se comptent pour chaque anniversaire si non rien, aucun geste, ni cadeaux, je me suis assumée toute seule.

Quand je prenais de l'argent dans son compte, c'était un crédit que je devais lui rembourser. Il prend des décisions et ne me concerte jamais. Mon avis ne compte pas, j'ai arrêté de me projeter. Il ne s’intéresse qu’à lui et à l'argent, n’a aucune conversation... Lorsque je parle de mon travail ou des difficultés rencontrées, il ne m’écoute pas, j’ai donc arrêté. Je ne peux jamais me confier à lui. Notre vie se résume à s’occuper des enfants et de la maison, jamais de nous.

J’ai essayé plusieurs fois de proposer et de faire des activités mais il refuse même de marcher dans la forêt ou dans un parc. J’ai fait des dépressions silencieuses à plusieurs reprises. Il voit que je suis malheureuse et j’ai fini par le lui dire mais rien. A plusieurs reprises, j’ai voulu me séparer, mais le poids de la famille revient. Il fait un effort pour un jour puis reprend ses habitudes. C’est continuellement comme ça. Durant les 16 ans de mariage.

La sexualité était moyenne au début de la relation ; aujourd'hui, elle est douloureuse pour moi. Je n’éprouve plus aucun sentiment, je suis mariée et je n’ai jamais été épanouie. Je me rends compte que je souffrais au quotidien et que je souffre de plus en plus. Je montrais l’image de fille et d’épouse parfaite aux yeux de la famille et de la belle-famille alors qu’à l’intérieur, je souffre de l’ignorance de mon mari.

Aujourd'hui, j’ai appris à l’ignorer. Il a compris que je pouvais lui échapper et donc bouleverser l’équilibre et le quotidien. Je m’occupe de tout, de la maison, de la bouffe, de l'éducation des enfants, des rendez-vous, des devoirs, etc. Tout en ayant une activité professionnelle à l’extérieur. Il comprend que là, c’est fini mais il ne veut pas divorcer, il évite cette conversation.

Nous vivions en colocation, mais j’ai peur de partir, je pense aux enfants, à la famille... Je vis dans le silence de la tristesse. Avec un mari qui n’a pas su me rendre heureuse et qui dit m’aimer sans me le montrer.

Lalla Chems En Nour, psychanalyste

Chère Shérazade,

Vous avez droit à toute ma compassion, car vivre ainsi sans complicité, sans amour, dans une totale sécheresse de sentiments, cela est douloureux. Je m’inquiète d’ailleurs pour vos enfants car ils sont sensibles au climat qui règne dans le couple et, bien sûr, ils doivent percevoir le manque de générosité, de confiance, de légèreté qui règne entre vous et votre mari.

Vous dites avoir peur de partir et vous estimez que cela peut faire du tort aux enfants. C’est possible, mais il me semble que le tort est déjà fait. Ils seraient sans doute plus heureux avec une maman épanouie.

Je plains votre mari, sincèrement, de se suffire d’une vie aussi médiocre, et je comprends que vous cherchiez autre chose. Mais il y a cette peur qui vous fait accepter un traitement qui vous étouffe lentement. Vous travaillez, votre peur concerne-t-elle des difficultés financières ou une éventuelle solitude ? Faites-vous accompagner pour creuser ces questions et prendre du recul qui vous permettrait de pouvoir prendre une décision juste.

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