Arabie Saoudite : le prince héritier, assied son pouvoir

Par Samba Doucouré, le 06/11/2017

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Le prince héritier Mohammed Ben Salmane a fait arrêter une trentaine de princes et d’anciens hauts responsables de son pays. Le prince Walid Ben Talal, connu en France pour être le propriétaire du palace parisien George V, a également été arrêté lors de cette opération de purge, officiellement lancée pour combattre la corruption. Ce faisant, le prince héritier, à tout juste 32 ans, consolide son pouvoir.

Après l'arrestation de plusieurs leaders religieux saoudiens en septembre, c'est au tour de princes et de personnes de haut rang de subir les foudres du roi.

Le roi Salmane d’Arabie Saoudite a signé, samedi 4 novembre, un décret qui officialise la création d’une agence anticorruption. Dans la foulée, quatre ministres, onze princes et une trentaine d’anciens hauts responsables ont été arrêtés. Dans le même temps, à Djeddah, plusieurs avions privés ont été interdits de décoller afin d’éviter que certaines personnalités puissent quitter le royaume. A l’origine de cette opération, le prince héritier Mohammed Ben Salmane, alias MBS, qui rompt avec les pratiques qui consistaient à des arrangements financiers plutôt que d'user la manière forte.

Des têtes influentes au cachot

Parmi les hauts personnages touchés, on trouve au premier rang le prince multimilliardaire Walid Ben Talal, propriétaire de la Kingdom Holding Compagny. Il avait des parts dans plusieurs multinationales telles qu’Euro Disney et Apple et est le propriétaire du palace George V. Avec une fortune estimée à 32 milliards de dollars, le Saoudien se situe au 50e rang des personnes les plus riches du monde.

Il est également connu pour être parmi les princes saoudiens les plus libéraux. Si Mohammed Ben Salmane a en commun des idées modernistes avec Walid Ben Talal (ce dernier avait lancé un appel aux autorités saoudiennes en 2016 pour l'abrogation de l'interdiction de conduire pour les femmes) le prince héritier entend mettre aux arrêts un homme des plus influents en Occident, considéré comme un électron libre dans la famille.

Saleh Kamel, à la tête de la chaîne satellitaire Arabsat, a également été arrêté, à l’instar de Walid al-Ibrahim, propriétaire du puissant réseau satellitaire MBC. Le ministre de l'Économie Adel Fakih, l'ancien chambellan de feu le roi Abdallah Khaled al-Twaijri, ainsi que son fils Turki ont fait les frais de la purge. Le prince Mutaïb Ben Abdullah, fils de l’ancien roi et détenteur de l’hôtel Crillon à Paris, a aussi été touché par les foudres royales. Il s’agissait du dernier membre du clan rival, capable de gêner les plans de Mohammed Ben Salmane. Le prince héritier a décidé de protéger ses arrières, en faisant démettre de ses fonctions le patron de la Marine nationale.

Un prince héritier qui se prépare à concentrer tous les pouvoirs

Dans les colonnes du Figaro, François-Aïssa Touazi, ancien diplomate, explique que, « ce qui intéresse Mohammed Ben Salman, ce sont les classes moyennes et les jeunes qui forment 70 % de la société saoudienne » qui, d’après lui, vont « applaudir » cette opération. L’ambition du prince est de préparer la transition économique de l’après-pétrole et de réduire l’influence des religieux conservateurs. Il pourrait ainsi « remettre en cause le pacte fondateur vieux de plus de deux siècles entre les Saoud et les wahhabites, au terme duquel la famille régnante céda le contrôle du pouvoir aux religieux en échange de l'allégeance des wahhabites ».

Le prince MBS, présenté comme l'instigateur de l’autorisation de conduire pour les femmes, a ainsi déclaré face à des investisseurs et des journalistes étrangers fin octobre, lors de la présentation d'un méga-projet d’infrastructures en Arabie Saoudite (NEOM) évalué à près de 425 milliards d'euros, vouloir « revenir à ce que nous étions avant, à un islam du juste milieu, modéré, ouvert sur le monde, l’ensemble des religions et l’ensemble des traditions et des peuples ».

Affaibli par la maladie, le roi Salmane, âgé de 81 ans, pourrait abdiquer prochainement. Mohammed Ben Salmane deviendrait alors le plus jeune monarque de l’Arabie contemporaine.

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