Semaine de rencontres islamo-chrétiennes : « Sortir de nos aprioris, convertir nos regards »

Par Huê Trinh Nguyên, le 13/11/2017

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Pas moins de 70 évènements (débats, projections, repas partagés, cafés-couples, temps spirituels…) sont organisés pendant la 17e édition de la Semaine de rencontres islamo-chrétiennes (SERIC). Initiée par le Groupe d’amitié islamo-chrétienne (GAIC), elle dure bien avant et au-delà des dates officielles du 10 au 26 novembre et est accueillie dans près de 40 villes (Lyon, Cannes, Toulouse, Bordeaux, Paris, Antony…).

C’est dans un contexte de commémoration des attentats du 13 novembre 2015 que se déroule la 17e édition de la Semaine de rencontres islamo-chrétiennes (SERIC), initiée par le Groupe d’amitié islamo-chrétienne (GAIC), soutenue par le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD – Terre Solidaire) et le Secours Islamique France (SIF), et organisée par de nombreux acteurs locaux chrétiens et musulmans et associations impliquées dans le dialogue interreligieux.

« La SERIC 2017 se situe dans un contexte de crispations autour des religions et de questionnements sur leur positionnement dans la société », expliquent Hélène Millet et Haydar Demiryurek, du GAIC. « Même si les Français savent de mieux en mieux éviter les pièges de l’amalgame, l’actualité est parfois utilisée pour attiser les méfiances et le rejet », relèvent-ils. « Les événements SERIC proposés visent à faire expérimenter les bienfaits de la rencontre : nous sommes appelés à sortir de nos aprioris et de nos peurs, invités à convertir nos regards. »

Au programme, des évènements aussi diversifiés que des conférences, des projections-débats, des repas partagés, des séminaires de formation ou bien encore la représentation théâtrale de Djihad suivie d'une rencontre avec les comédiens (au Chesnay, le 27 novembre). On en dénombre quelque 70 organisés dans 40 lieux différents répartis dans les principales villes de France (voir la carte interactive).

« Chacun apporte sa contribution »

« Chacun apporte sa contribution et celles de nos traditions religieuses à la construction du vivre-ensemble dans la société française », estiment les organisateurs. À Paris, le 14 novembre, après la projection d’un court métrage sur l’islamophobie (« Et si je n’avais plus peur ») réalisé par les jeunes d’une association de réinsertion (Centre pour l’initiative des jeunes - CEPIJE 14e), le débat est consacré à « l’évolution actuelle de la perception de l’islam et des musulmans en France », en présence de Mohamed Bajrafil, linguiste et imam, Nicolas de Brémond d’Ars, sociologue et prêtre, Mehdi Bara et Michèle Fougeron, respectivement réalisateur du film et conseillère des jeunes pour la réalisation du film.

Le 16 novembre, en l’église de Saint-Merry (Paris 4e), le débat « Israël-Palestine 1917-2017 : 100 ans d’histoire, de conflits, de résistance et de solidarité des croyants en France » a notamment pour débatteurs le P. Michel Lelong, Me Maurice Buttin, président du Comité de vigilance pour une paix réelle au Proche Orient, Claude Cohen, vice-présidente d’Artisans de paix, Mouloud Bouzidi, directeur du Comité de bienfaisance et de secours aux Palestiniens) et le chirurgien Christophe Denantes.

Le 26 novembre, c’est à l’émotion esthétique et à l’émotion spirituelle qu’invite la rencontre interreligieuse. « Si le Beau est un concept universel, que disent nos traditions religieuses de la beauté et quelle lecture spirituelle en font-elles ? », vont s’interroger trois intervenants : Charles Szlakmann, écrivain, enseignant, membre de la communauté Adath Shalom ; Philippe Sers, diacre, philosophe, essayiste et critique d’art ; et Chéhrazade Aïnseba, sculptrice et thérapeute, membre de la confrérie soufie Alawiyya.

Les Ecritures, les couples, les familles...

À Lyon, trois rencontres sont organisées, soulignent les coprésidents du GAIC : « Le 15 novembre, le Groupe Abraham, qui réunit les trois traditions monothéistes, a retenu le thème “Joseph dans l’écriture musulmane” ; du 24 au 26 novembre, les associations La Vie Nouvelle et Coexister ont choisi “ Le féminin dans les écritures ”, avec Yeshaya Dalsace, rabbin à Paris, Nicole Fabre, bibliste, et Rachid Benzine, islamologue. Les 7, 14, 21 novembre et 5 décembre, le sanctuaire Saint Bonaventure propose un cycle de rencontres “ Entrer dans l’intelligence du texte coranique ”, animé par le P. Christian Delorme. »

Le Groupe des foyers islamo-chrétiens (GFIC), qui fête cette année ses 40 ans d’existence, anime plusieurs « Cafés couples », notamment à Poitiers (18 novembre) et à Marseille (19 novembre), invitant les couples mixtes islamo-chrétiens (actuels et futurs) à partager leurs expériences et leurs questionnements.

« Familles et religions » est d’ailleurs le thème fédérateur choisi par Strasbourg où plusieurs évènements ont lieu du 16 au 27 novembre : « World café » le 16 novembre, « Amour et religions » le 17 novembre…

« La laïcité, un enjeu pour les croyants »

Enfin, comme à l’accoutumée, la SERIC est ponctué par un colloque d’une journée entière, toujours composé selon le même principe : deux tables rondes, la matinée ; quatre ateliers dans l’après-midi, suivis d’une séance plénière de restitution et de conclusion. Celui de l’an dernier, intitulé « La dignité de l’autre », avait eu lieu à l’Institut catholique de Paris (ICP). Celui de cette année est organisé le samedi 25 novembre à l’Institut européen des sciences humaines (IESH), à Saint-Denis (93) et a pour thème « Laïcité : un enjeu pour les croyants. Paroles chrétiennes et musulmanes ».

« Il y a une joie dans la rencontre, il y a une joie dans le respect de la dignité de l’autre, il y a une joie profonde dans le fait de se dépouiller pour accueillir l’autre dans sa différence », avait conclu Hubert de Chergé, acteur de l’interreligieux et « engagé pour la paix et la fraternité », lors du colloque de la SERIC 2016.
 À ceux qui ne comprennent pas son engagement dans le dialogue alors qu’il est le frère de Christian de Chergé, prieur des moines de Tibhirine assassiné en 1996, il répond : « Ce qui nous donne la force de tenir, c’est l’amitié, qui est le socle de cette joie, et la foi. »

« Un mot qui revient au terme de cette journée de colloque, c’est le concept de “liberté”. Liberté de Dieu, liberté de l’autre, liberté intérieure pour être soi-même et liberté extérieure pour oser la rencontre et oser dire ce à quoi on tient et sans avoir peur », avait complété pour sa part le P. Henri de La Hougue, ancien directeur de l’ISTR à l’Institut catholique de Paris. « On grandit à la rencontre de l’autre et pour grandir il faut accepter de se laisser déplacer. Et je trouve que ces rencontres permettent des micro-déplacements. On repart toujours avec au moins une ou deux petites perles, des découvertes. »

Voilà l’état d’esprit dans lequel invite à entrer chaque année la Semaine de rencontres islamo-chrétiennes : se rendre joyeux et libres par la rencontre avec l’Autre, pour grandir ensemble et faire grandir la société.

Programme complet sur semaineseric.eu

Hubert de Chergé : « La force de notre engagement, c’est l’amitié et la foi »

Henri de La Hougue : « La liberté, pour oser la rencontre avec l’autre »