La fausse polémique autour des « imams du Ramadan »

Par Hanan Ben Rhouma, le 24/04/2018

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Faire venir en France des imams de l'étranger pour le mois du Ramadan n'a jusque-là jamais été un problème et ne doit pas le devenir. Explications.

Alors que la venue de quelque 300 imams d’Algérie, du Maroc ou encore de la Turquie est attendue cette année en France pour le Ramadan, une polémique a brusquement éclaté à quelques semaines du mois béni pour les musulmans. Un tel débarquement d’imams étrangers en France pour la période du jeûne n’est pourtant pas nouveau : cela fait des années que de nombreuses mosquées font appel à cette présence pour assurer les prières nocturnes du Ramadan (tarawih), cela pour pallier l’insuffisance d’imams en France. Sans que cela génère jusque-là une quelconque controverse.

Mais voilà que, depuis plusieurs jours, des hommes politiques critiquent ouvertement l’arrivée prochaine de ces imams étrangers, en tentant d’opposer ce dispositif auquel le ministère de l’Intérieur chargé des Cultes donne son feu vert d’avec la volonté présidentielle émanant d’Emmanuel Macron de « structurer l’islam de France ».

« Une méconnaissance manifeste du rôle et de la mission de ces imams »

Parmi les critiques les plus notables figurent celles du député Manuel Valls pour qui il faudrait « mettre un terme » aux accords bilatéraux permettant la venue desdits imams du Ramadan car « ça ne correspond pas à l’idée qu’on doit se faire d’un islam des Lumières en France, d’un islam de France ». Rappelons toutefois que Manuel Valls ne fut autre que ministre de l’Intérieur sous l’ère de François Hollande entre 2012 et 2014 avant d’hériter du poste de Premier ministre jusqu’en 2016, sans que ce dossier eut été défini par lui comme un problème. Désormais, il veut jouer la carte de l’opposition s’agissant des questions d’islam vis-à-vis du nouveau pouvoir en place.

Pourquoi la venue de ces imams étrangers doit-elle être soudainement considérée comme un problème ? La polémique est « pour le moins inattendue et incompréhensible », déplore Mohammed Moussaoui, président de l’Union des mosquées de France (UMF). « Les déclarations de certains hommes et femmes politiques sur ces imams, en décalage avec la réalité, témoignent d’une méconnaissance manifeste du rôle et de la mission de ces imams. »

En effet, les imams sélectionnés pour se rendre en France pour le Ramadan ne sont, pour une immense majorité, pas chargés de faire des prêches comme ceux qui sont requis pour la prière de vendredi ou encore les prières de l’Aïd. Ce sont avant tout des religieux qui ont appris l’intégralité du Coran par cœur en arabe et qui ont la capacité d’en faire une récitation psalmodique selon des règles de lecture bien définies. Des conditions sine qua non de leur recrutement pour permettre l’accomplissement des (longues) prières nocturnes du mois de Ramadan, qui sont des exercices autant physiques que spirituels.

Un échange « présent sous des formes équivalentes chez les autres cultes de France »

Mohammed Moussaoui le confirme : « Pour la plupart, ces imams sont des psalmodieurs du Coran ayant pour mission essentielle la récitation et la psalmodie du Coran lors des prières de nuit (tarawih). » Et si « certains d’entre eux sont des conférenciers ou des conférencières », ils sont « expérimentés » et « viennent soutenir les imams de France dans la promotion de l’islam de juste milieu auprès des fidèles toujours plus nombreux au mois de Ramadan ».

Organiser des tarawih est une tradition du Ramadan que les responsables de mosquées veulent pouvoir assurer au mieux auprès de leurs fidèles. L’avantage pour les mosquées où les imams du Ramadan officient : ces derniers sont payés par leurs pays d’origine, tout comme les imams détachés au nombre de 300 environ en France. « La tradition d’accueillir des imams durant le mois de Ramadan remonte à des dizaines d’années et ne concerne pas uniquement la France ou les pays européens », appuie Mohammed Moussaoui. Par ailleurs, « ce type d’échanges ne concerne pas uniquement les imams. Il est présent sous des formes équivalentes chez les autres cultes de France sans que personne a l’idée d’en contester le principe ni de le remettre en cause ».

« Accuser ces imams (du Ramadan) de fondamentalisme ou d’extrémisme ou encore d’entrave à l’émancipation de l’islam de France, c’est méconnaître à la fois leur mission et la manière dont ils sont formés et choisis par leur pays d’origine », affirme ainsi Mohammed Moussaoui. Outre la garantie d'une bonne sélection de ces cadres religieux par leurs ministères de tutelle, ils font aussi l'objet d'un « criblage » par les services de police afin de vérifier que leur séjour ne fera courir aucun risque à l'ordre public, a assuré Jacqueline Gourault, ministre « bis » de l'Intérieur. Exit la polémique.

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