Le plaidoyer apaisé des imams contre l’antisémitisme et la radicalisation

Par Lina Farelli, le 24/04/2018

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A l’initiative de Tareq Oubrou, imam de la mosquée de Bordeaux, une trentaine de cadres religieux musulmans ont dénoncé l’antisémitisme et les violences commises au non de l’islam dans une tribune parue mardi 24 avril au Monde dans laquelle ils affirment être « prêts » à se « mettre au service » de la France.

La tribune est prévue depuis bien avant le virulent manifeste contre « l’antisémitisme musulman », nous indique Tareq Oubrou. Elle constitue néanmoins bien une réponse intelligente et apaisée aux violentes idées signées par quelque 300 personnalités et relayées dans Le Parisien. Celles-ci ont suscité de très nombreuses réactions d'indignation parmi les musulmans de France.


« Le vrai sacrifice est de se donner pour les autres »

La trentaine de signataires de la tribune, qui officient dans des mosquées aux quatre coins de la France, n'ont pas manqué d'exprimer leur compassion envers toutes les victimes du terrorisme et des crimes antisémites en France, affirmant leur indignation en tant que citoyens mais aussi « en tant que musulmans, comme le reste de nos coreligionnaires, musulmans paisibles, qui souffrent de la confiscation de leur religion par des criminels ».

« Si nous avons décidé de prendre la parole, c’est parce que la situation, pour nous, devient de plus en plus intenable ; et parce que tout silence de notre part serait désormais complice et donc coupable, même s’il ne s’agissait jusqu’à présent que d’un mutisme de sidération », lit-on.

C’est « en tant qu’imams et théologiens » que les signataires de cette tribune s’indignent de voir « l’islam tomber dans les mains d’une jeunesse ignorante, perturbée et désœuvrée. Une jeunesse naïve, proie facile pour des idéologues qui exploitent son désarroi ». Dénonçant ouvertement les attentats-suicides, ils rappellent que, « théologiquement parlant, le martyr est celui qui subit injustement ou subitement la mort, et non celui qui la recherche et la provoque ».

Face au phénomène Daesh qui « nous a fait découvrir avec stupeur que cette jeunesse était déjà en train de bricoler un étrange alliage entre la criminalité et la religion », les signataires s’appuient sur la parole du Prophète prévenant « sans équivoque celui qui penserait à ôter la vie d’autrui, que ce n’est pas un Paradis et des Houris qui l’attendraient mais un Enfer et ses tourments », ajoutant que « le vrai sacrifice est de se donner pour les autres, comme l’a fait notre héros national, le colonel Arnaud Beltrame ».

Contre la tentation mortifère, un appel aux « imams éclairés » et aux politiques

« Des lectures et des pratiques subversives de l’islam sévissent dans la communauté musulmane, générant une anarchie religieuse (…). Une situation cancéreuse à laquelle certains imams malheureusement ont contribué, souvent inconsciemment. Le courage nous oblige à le reconnaître », lit-on.

Les signataires, qui proposent leur « expertise théologique aux différents acteurs qui sont confrontés aux phénomènes de la radicalisation », réclament de ces imams aux discours en « déphasage par rapport à notre société et à notre époque » à « ne pas tomber dans la confusion des genres » et « à résister à une orthodoxie de masse, à un populisme communautariste et aux demandes d’overdoses religieuses » car « l’islam est d’abord une aspiration spirituelle et une quête de transcendance dans la générosité et l’altérité, et non une idéologie identitariste et politique avec tout ce que cela impliquerait comme revendications sociales, concurrence mémorielle, importation sur notre territoire de conflits géopolitiques, notamment israélo-palestinien ».

Un appel est également lancé aux « imams éclairés » à « s’engager dans le virtuel » et à adopter un discours « qui prévient toutes pratiques de rupture et toutes formes d’extrémisme pouvant directement ou indirectement conduire au terrorisme ». Les hommes politiques et les intellectuels sont, quant à eux, appelés « à faire preuve de plus de discernement » pour ne pas entretenir de graves amalgames contre l’islam qui laisseraient entendre « que le musulman ne peut être pacifique que s’il s’éloigne de sa religion (…). Autrement dit, le vrai musulman, le bon, ne peut être véritablement qu’un mauvais musulman et un citoyen potentiellement dangereux ».

La « radicalisation doit être combattue intelligemment par tous les concernés, des politiques aux imams en passant par la famille, l’école, le sécuritaire… Que chacun assume sa part de responsabilité », concluent-ils.

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