Samuel Grzybowski fait son come-back avec « Fraternité radicale » (Les Arènes) sorti mercredi 17 octobre. Après « Tous les chemins mènent à l'autre » et « Manifeste pour une coexistence active » parus aux éditions de l’Atelier, le fondateur de l’association Coexister signe son troisième livre à 26 ans dans lequel il revient sur son départ - temporaire - du mouvement interconvictionnel mais également sur la décennie passée en son sein. C’est à Paris, lors de la présentation de son nouvel ouvrage, que Saphirnews est allé à sa rencontre. Interview.
Saphirnews : Pouvez-vous déjà nous rassurer sur votre état de santé ? Vous commencez votre livre en parlant d’un burn-out sévère en 2016 qui vous a obligé à quitter temporairement Coexister…
(…) Mon état de santé est régulier parce que je sais de quelle maladie je souffre. C’est une maladie nerveuse très spécifique, j’apprends donc à la canaliser et je travaille de manière beaucoup plus compartimentée. Je suis toujours déterminé à être au service de Coexister mais avec moins de charges mentales, notamment grâce à Radia Bakkouch parce qu’en tant présidente de Coexister, c’est elle qui prend le plus dur sur la tête.
Quelles leçons avez-vous retenu de cette année de césure ?
Toltèques, dites-vous ?
(…) J’ai aussi appris beaucoup de leçons spirituelles dans le fait de distinguer son travail de ses fruits, à savoir que les fruits ne dépendent pas que de moi, ils dépendent aussi de la conjoncture, des autres, de Dieu (en tant que croyant). Donc prendre cette distance-là entre ses fruits. De créer une distance aussi entre l’être et le faire : ce que je suis ne se résume pas à ce que je fais et ce que je fais contribue à ce que je suis mais je suis beaucoup plus que ça. Et ça aussi, ça évite de s’enfermer dans des prisons mentales.
Le livre revient beaucoup sur ces leçons. Certaines générations X de plus de 45 ans m’ont dit : c’est un livre très introspectif, développement personnel… Les moins de 40 ans ont adoré parce qu’ils adorent justement le développement personnel. C’est un livre qui revient sur des tourments intérieurs, je ne vais pas m’en cacher.
Et sur le plan professionnel et militant, votre retrait a-t-il eu un impact ?
Je travaille toujours 60 heures par semaine depuis que je suis revenu, mais j’ai beaucoup moins de charges mentales. Je pense que ce qui fait péter (une personne), c’est la charge mentale cumulée avec des problèmes professionnels lourds, notamment en période de polémiques. Et à chaque fois, cela crée des problèmes personnels. En ce moment, (…) j’ai peu de charges mentales donc les voyants sont au vert.
Pourquoi avez-vous écrit le livre ?
Que vous a apporté l’écriture à titre personnel ?
Ce qui était facile là (pour ce livre), c’est que comme je ne me revendique pas auteur, j’accepte beaucoup plus la critique. Mais disons que je me suis dit : le niveau d’acceptation de la critique que tu as sur ce livre, ce serait bien que tu l’aies en d’autres domaines. J’ai encore à travailler là-dessus parce que c’est facile de critiquer quand on ne cherche pas à être auteur mais il faudrait que j’accepte encore plus les critiques sur l’entreprenariat parce que, pour le coup, j’assume d’être entrepreneur.
Pouvez-vous réexpliquer le concept de « fraternité radicale » qui est le titre ?
La troisième raison, c’est de ne pas laisser la radicalité, qui est en fait le retour à la racine, à l’inspiration de départ, à la réintérrogation sur le lancement, au radicalisme qui, aujourd’hui, confisque complètement le radical. On a besoin de gens radicaux qui ne soient pas radicalistes.
« Avec et pour les autres », quelle est la différence pour vous ?
Vous faites le lien entre justice et paix dans l’ouvrage…
Vous parlez aussi beaucoup de votre milieu d'origine (privilégié) dont vous êtes issu. Avez-vous voulu vous en échapper en créant Coexister ?
Donc ce n’est pas forcément m’échapper de mon milieu d’origine mais c’est de garder des gens dans mon terroir - je parle de ma famille qui est présente à Arcachon, en Lorraine - mais tout en gardant cette ouverture ; d’avoir un arbre à la fois ancré et ouvert parce que là où j’ai été mis au collège et lycée, c’était que de l’ancrage fermé, pourri, uniforme, univoque… Ça m’a vraiment déprimé à cette époque de ma vie et c’est pour cela que je me suis abonné au Parc des Princes. J’en parle pendant un chapitre, le troisième, en disant que ces cinq années au Parc des Princes ont fait que j’ai pu tenir au collège car, sans Parc des Princes, mon collège aurait été un vaste enfer de harcèlement.
Dans quelle mesure la prise de conscience de vos privilèges vous ont aidé à vous construire ?
Je risque de me demander ce soir (après la présentation du livre, ndlr) : finalement, il y a beaucoup de jeunes qui se diront qu’ils n’ont pas eu toute ta chance alors ? Oui et non. Premièrement, parce qu’il y a beaucoup d’autres personnes en France qui ont les mêmes privilèges que moi, indépendamment de mes expériences, et que ces gens peuvent décider soit de les abolir, soit de les réinvestir. Deuxièmement, parce que ceux qui n’ont pas le sentiment d’avoir eu mes expériences et qui sont dans une autre forme de privilèges par la vie, je pense pouvoir quand même chercher chez eux des choses qu’ils ont reçu et qu’ils peuvent rendre. Et c’est ce mouvement-là qui épanouit. La responsabilité, c’est de rendre tout ce qu’on a reçu, peu importe la quantité de part et d’autre tant que ça circule à travers soi.
Vous dites être hypermnésique, beaucoup y voient des côtés positifs. Est-ce que vous pouvez revenir sur les faces sombres de ce trouble et comment vous arrivez à le gérer ?
Les côtés négatifs, c’est une obsession pour les chiffres et les dates. Puis, il y a un fonctionnement cérébral très organisé, très militaire qui peut donner un sentiment d’austérité ou de froideur parfois dans certains traitements de sujets… J’ai donc appris à vivre avec, en expliquant aux gens que je connais et en essayant de me taire parfois, pour ne pas montrer mon hypermnésie.
L’hypermnésie n’empêche pas la contemplation de la vie mais je ne sais pas l’exprimer. On a l’impression que, même dans un moment de contemplation, je suis en train de compter des choses, que je devais le statistifier alors que pas du tout… Je ressens les choses comme tout le monde mais je ne sais pas les dire quand elles sont en dehors du cerveau, émotionnelles. C’est très étonnant.
Quel message souhaiteriez-vous faire passer aujourd’hui ?
Lire aussi : Radia Bakkouch : Notre identité convictionnelle est une richesse pour notre identité nationale