En Indonésie, les mosquées au secours de la transition énergétique

Par Lionel Lemonier, le 29/04/2022

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Le gouvernement indonésien veut atteindre son objectif de zéro émission nette de carbone d’ici à 2060. A cette fin, il dialogue avec les autorités religieuses musulmanes pour obtenir leur soutien dans cette quête et faire des mosquées des actrices de la transition énergique. Il s’appuie pour cela sur les nombreux versets du Coran qui parlent de respect de la Création.

Le gouvernement indonésien dialogue avec les autorités religieuses musulmanes pour obtenir l’installation de panneaux solaires sur le toit des 290 000 mosquées de l’archipel, rapporte un article de The Conversation repris par The Jakarta Post. A l’instar du Maroc dont la campagne « Mosquées vertes » a permis l’installation de panneaux solaires sur le toit de plus d’une centaine de mosquées, le gouvernement indonésien cherche à obtenir l'adhésion des leaders religieux pour promouvoir les énergies vertes dans le pays où 90 % des 270 millions d’habitants sont musulmans.

Des arguments religieux ne manquent pas pour convaincre les imams à s'investir dans l'écologie. « Pas de conscience religieuse sans conscience écologique ! », plaide ici l'islamologue Eric Geoffroy, qui estime qu'il est « impossible de séparer l’état de la planète de notre état spirituel ». « La Terre est un don divin à l’homme. Ce dernier ne doit donc ménager aucun effort pour maintenir son équilibre et la protéger contre toute dégradation », rappelle aussi Anouar Kbibech, président du Rassemblement des musulmans de France (RMF) sur Saphirnews. Or l’Indonésie, comme tant d'autres pays, utilise encore énormément d’énergies fossiles. Promouvoir l’utilisation des énergies propres est donc éthiquement et moralement important.

S’allier avec des responsables religieux musulmans est une décision stratégique pour le gouvernement indonésien. En 2020, une enquête a révélé que les citoyens de ce pays plaçaient la plus grande confiance dans les informations fournies par les leaders religieux. Une fois formés à ces questions, ces derniers sont en capacité d'expliquer aux fidèles la nécessité de baisser leurs émissions de carbone pour préserver la Terre. Ils pourront les encourager, à travers leurs sermons, à utiliser les énergies renouvelables comme, par exemple, des panneaux pour capter l’énergie solaire à partir des toits de leur maison.

Des mosquées actrices de la transition énergique grâce à l'énergie solaire

Le ministère de l’Environnement et de la Forêt a ainsi pu signer en 2021 un partenariat avec Nahdlatul Ulama (NU), la plus importante organisation musulmane du pays, dans le but de valoriser la protection de l’environnement et la gestion durable des forêts.

Afin d’accélérer les efforts permettant d’atteindre son objectif, le gouvernement entend développer des collaborations du même type avec d’autres organisations religieuses comme Muhammadiyah, la deuxième organisation musulmane la plus importante du pays ou le Conseil indonésien des oulémas, qui a développé son propre mouvement écologique, Ecomasjid (Mosquée vertes). « Une mosquée verte est un lieu de culte permanent qui se préoccupe de la relation réciproque entre les êtres vivants et leur environnement », indique l'instance.

La mosquée Istiqlal, la plus grande d’Asie située dans le centre de Jakarta, a déjà installé des panneaux solaires de 150 Kilowatt crête (kWc) sur son toit. Ils fournissent 16 % de ses besoins en électricité. Une performance qui lui a valu de remporter récemment, en tant que mosquée verte, un prix de la Société financière internationale (IFC), une institution de la Banque mondiale consacrée aux pays en voie de développement.

En imaginant que les 290 000 mosquées d’Indonésie soient équipées de panneaux solaires identiques avec un potentiel de production d’électricité minimum de 3,4 kilowatt heure (kWh) par kWc, les lieux de culte à travers le pays pourraient générer un million de kWh d’électricité par jour, presque l’équivalent de la consommation annuelle d’électricité d’un millier d’Indonésiens.

Reste un obstacle majeur : le coût des installations nécessaires est très élevé. Or, les mosquées bénéficient jusqu’à présent de subventions à l'électricité en raison de leur classement dans la catégorie des lieux assurant des activités sociales. Le coût de revient de la production solaire serait donc beaucoup plus cher que les dépenses actuelles en énergie des mosquées. Seule solution, le ministère de l’Énergie et des Ressources minérales devra mettre la main à la poche. Si un accord est trouvé avec le ministère des Affaires religieuses, les mosquées sauront, d'ici cinq ans, faire partie de la transition pour une société indonésienne durable.

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