Au Liban, une ville interdit aux musulmans d’acheter ou de louer une propriété aux chrétiens

Par Lina Farelli, le 27/06/2019

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La municipalité de Hadath, au sud-est de Beyrouth, interdit aux chrétiens de louer ou de vendre leurs biens immobiliers à des musulmans. C’est la triste découverte qu’a fait Mohammed Awwad, un journaliste âgé de 27 ans, et sa fiancée, qui ont vu leur demande de visiter un appartement de la ville refuser. La propriétaire de l’appartement a présenté ses excuses au jeune couple en déclarant qu’elle ne voyait aucun problème à leur demande mais qu'elle ne pouvait y donner suite en raison de l’interdiction.

Choqué par de telles affirmations, Mohammed Awwad, d’obédience chiite, a contacté la mairie de Hadath qui lui a confirmé une interdiction en place depuis 2010, raconte l'AP cette semaine. Secouée par des divisions communautaires qui ont été à l’origine d’une guerre civile pendant 15 ans et qui a coûté la vie à plus de 150 000 personnes, la ville de Hadath assume ouvertement une telle interdiction à caractère discriminatoire.

Car, jusqu’il y a trois décennies, Hadath était une ville principalement chrétienne mais, après la fin de la guerre civile, le profil de la population a changé pour être composée aujourd’hui comprise entre 60 et 65 % de musulmans. Craignant que la proportion de chrétiens continue de diminuer en raison, entre autres, d'un taux de natalité plus fort du côté des musulmans, la municipalité a mis en place en 2010 l’interdiction, qui ne prévaut que pour les chrétiens et qui est aujourd’hui vivement défendue par le maire de la ville, George Aoun. C’est en effet lui qui a instauré, peu après son élection, cette mesure.

« Quand il (le maire de Hadath) dit que les musulmans ne sont pas autorisés à louer une propriété, il entend par là qu’il ne veut pas voir des musulmans », a affirmé Mohammed Awwad.

George Aoun a réfuté les accusations selon lesquelles il interdit aux musulmans de venir s’installer à Hadath : ils peuvent s'y installer mais sans avoir à louer ou à acheter auprès de ses administrés chrétiens. A ses yeux, « chaque village doit se préserver. Chaque village chiite doit préserver sa nature chiite, chaque village chrétien doit préserver sa nature chrétienne et chaque village sunnite doit préserver sa nature sunnite. Nous voulons préserver notre village ou ce qu’il en reste ».

La ministre de l’Intérieur libanaise, Raya Haffar Al-Hassan, nommée à ce poste en janvier 2019, a qualifié la mesure d’inconstitutionnelle.

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