Suisse : l'Etat prêt à ne payer que des aumôniers musulmans, les Eglises critiquent

Par Lionel Lemonier, le 12/05/2023

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A l’occasion de la révision de la loi sur l’asile qui vient de faire l’objet d’une consultation publique, la Confédération helvétique veut prendre financièrement en charge les services d’aumônerie rendus dans les centres fédéraux pour requérants d’asile (CFA). Néanmoins, elle ne propose de concentrer ses contributions financières qu'« aux seules communautés religieuses qui n’ont pas le droit de percevoir un impôt ecclésiastique ». En Suisse, les Eglises et les communautés religieuses (ou les associations qui en émanent) reconnues de droit public peuvent assujettir leurs membres et les personnes morales sur le territoire qu'elles contrôlent à un « impôt ecclésiastique », sorte de redevance qui finance les tâches qui leur incombent.

Jusqu'ici, les communautés musulmanes n’en bénéficient pas. En voulant éviter les « paiements à double », le gouvernement entend réduire l'inégalité et financer l'aumônerie musulmane dans les CFA dont l'instauration est définitive depuis fin janvier. « Lancé en 2021, le projet pilote d’aumônerie musulmane s’est terminé à fin décembre 2022. Deux évaluations approfondies, réalisées par le Centre suisse islam et société (CSIS) de l’Université de Fribourg, ont montré que ce service avait largement fait ses preuves », avait fait savoir alors le secrétariat d’État aux migrations (SEM), pour qui « les aumôniers musulmans constituent en effet une ressource précieuse pour les CFA dans leur ensemble ».

D’un montant de 450 000 francs suisses par an, le financement devait être prise en charge par le budget fédéral. Or, pour les églises catholiques et protestantes ainsi que l'Union Suisse des comités d'entraide juive (VSJF), le constat gouvernemental est inexact, rapporte la presse suisse. « Les deniers publics sont en jeu uniquement dans les quelques cantons qui versent des contributions directes aux Églises ou communautés religieuses. Cependant, il s’agit alors de prestations spécifiques, fournies à la population d’un canton et non les interventions dans les centres d’asile. La situation est en plus trop différente de canton en canton et une telle règle au niveau national serait à côté de la plaque. En d’autres termes, si la Confédération finançait les églises pour les aumôneries, il n’y aurait aucun "paiement à double" », expliquent les responsables religieux qui rejettent catégoriquement cette proposition. Il y voient par ailleurs l'introduction d'une inégalité de traitement entre les cultes en Suisse.

De son côté, l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) estime que ce financement placerait les aumôneries sous la tutelle du SEM, ce qui risquerait de « perturber la relation privilégiée des aumôniers avec les fidèles ». A ce jour, Au total, le SEM emploie six aumôniers musulmans, dont une femme, dans les régions d’asile de Zurich, de Suisse romande et de Suisse orientale ainsi que dans la région Tessin et Suisse centrale.

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