Euthanasie : le débat sur l’aide active à mourir relancé en France, le Comité d'éthique s’exprime

Par Hanan Ben Rhouma, le 13/09/2022

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Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) s’est exprimé, mardi 13 septembre, sur l’aide active à mourir. Un dispositif auquel l’organisme ne se déclare pas hostile si « certaines conditions strictes » sont remplies. Son avis est rendu alors que le chef de l’Etat Emmanuel Macron a annoncé le lancement prochain d’une convention citoyenne dont les débats pourraient aboutir à une nouvelle évolution de la loi sur la fin de vie en France.

« Il existe une voie pour une application éthique d’une aide active à mourir, à certaines conditions strictes, avec lesquelles il apparait inacceptable de transiger. » C’est l’avis rendu public mardi 13 septembre par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), qui ouvre ainsi la possibilité de légiférer en faveur de l’euthanasie active. Les conditions « devront allier de manière indissociable un renforcement des mesures de santé publique en faveur des soins palliatifs et la prise en compte de repères éthiques majeurs dans les mesures législatives qui seraient prises », explique l’organisme.

Le CCNE propose, en matière de soins palliatifs de « renforcer les mesures de santé publique », ce qui suppose de « soutenir l’expression anticipée de la volonté (désignation de la personne de confiance et directives anticipées), de favoriser le caractère interprofessionnel de la collégialité lors de la décision médicale d’arrêt de traitement, d’élargir la sédation profonde et continue au-delà des unités spécialisées ».

Au législateur « la responsabilité de déterminer la démarche la plus appropriée pour encadrer ces situations »

Si les parlementaires souhaitent légiférer sur l’aide active à mourir, « un certain nombre de critères éthiques devront être respectés », selon le CCNE. Dans ce cas, « la possibilité d’un accès légal à une assistance au suicide devrait être ouverte aux personnes majeures atteintes de maladies graves et incurables, provoquant des souffrances physiques ou psychiques réfractaires, dont le pronostic vital est engagé à moyen terme ». La demande d’aide active à mourir « devrait être exprimée par une personne disposant d’une autonomie de décision au moment de la demande, de façon libre, éclairée et réitérée » tandis que la décision de donner suite « devrait alors faire l’objet d’une trace écrite argumentée et serait prise par le médecin en charge du patient à l’issue d’une procédure collégiale rassemblant d’autres professionnels de santé ».

« Laisser hors du champ de la loi ceux qui ne sont pas physiquement aptes à un tel geste soulèverait un problème éthique d’égalité entre citoyens : c’est pourquoi certains proposent que ces patients puissent disposer d’un accès légal à l’euthanasie, dans cette seule circonstance, "sous la même condition d’un pronostic vital engagé à un horizon de moyen terme" ».

Dans le même temps, « d’autres estiment que la loi ne doit pas établir d’exception à l’interdit de donner la mort et souhaitent que les décisions médicales face à des cas exceptionnels soient laissées, le cas échéant, à l’appréciation du juge ». Le CCNE ne tranche pas ; il laisse au législateur, s’il en vient à s'emparer du sujet, « la responsabilité de déterminer alors la démarche la plus appropriée pour encadrer ces situations ». Néanmoins, « les professionnels de la santé devraient pouvoir bénéficier d’une clause de conscience, accompagnée d'une obligation de référer le patient à un autre praticien en cas de retrait ».

L'opportunité d'une évolution de la loi sur la fin de vie en débat

L’organisme consultatif conclut son avis en appelant de ses vœux à l’organisation d’un grand débat national. « L’extrême complexité du thème de la fin de vie qui fait se croiser représentations symboliques et spirituelles de la mort, peur et angoisses, l’expérience toujours vive de l’épidémie de Covid qui se traduit par une crise sans précédent de notre système de santé et la difficulté pour les soignants d’accompagner les patients dans leur parcours de vie nécessitent que s’ouvre un temps de dialogue et d’écoute respectueuse », estime-t-il.

« J'ai la conviction qu'il faut bouger », a déclaré, mardi 13 septembre à l’AFP, Emmanuel Macron, qui s'était déclaré, en avril dernier, « favorable » à titre personnel à une loi dépénalisant l'euthanasie comme c'est le cas en Belgique depuis deux décennies. Le président de la République a annoncé la mise en place d’une convention citoyenne sur la fin de vie dès octobre, et pour une durée de six mois, qui pourrait aboutir à une nouvelle loi d’ici à la fin de l’année 2023. Il n’exclut pas de recourir à un référendum sur cette question sensible à laquelle les représentants des grandes religions ont aussi un avis tranché contre l'euthanasie.

Pour l’Association Droit Mourir Dignité (ADMD), l’avis du CCNE constitue « un réel espoir à tous ceux qui, en fin de vie, ne trouvent pas de solution dans les dispositifs de la loi actuelle ». L'ADMD, qui entend jouer son rôle dans la convention citoyenne, a déclaré « son espoir placé dans le président de la République afin de faire évoluer la France vers plus de liberté et moins de drames ».

A ce jour, la loi Claeys-Leonetti, adoptée en 2016 après une première version en 2005, encadre la fin de vie des personnes atteintes de maladies incurables en France. Elle pose l’interdiction de l’euthanasie et du suicide assisté – autorisés dans plusieurs pays européens – mais permet une « sédation profonde et continue jusqu’au décès » pour des malades en phase terminale et en très grande souffrance dont le pronostic vital est engagé « à court terme ». En 2021, une proposition de loi ouvrant le droit à l'euthanasie avait été mise sur la table des débats parlementaires mais elle n’avait alors pas pu être adoptée en raison de l'obstruction parlementaire d'une poignée de farouches opposants à l'euthanasie.

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