Le racisme et la xénophobie, des menaces importantes pour la santé publique mondiale

Par Lionel Lemonier, le 12/12/2022

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Le racisme, la xénophobie et les discriminations sous toutes ses formes sont autant de menaces qui pèsent sur la santé publique à travers le monde, selon l'hebdomadaire scientifique The Lancet, qui appelle à « faire progresser l'équité raciale et ethnique dans la science, la médecine et la santé mondiale ».

« Le racisme engendre une situation d’urgence de santé publique dans le monde », écrivait déjà The Lancet en juin 2020. L’hebdomadaire scientifique médical britannique martèle de nouveau ce constat dans un numéro spécial paru samedi 10 décembre en apportant cette fois analyses et preuves solides sur le sujet. Oui, « la haine, l’intolérance et la discrimination tuent » et elles sont tout aussi présentes dans le secteur et les sciences médicales que dans le reste de la société humaine.

« Le racisme, la xénophobie et les discriminations sont des éléments déterminants de santé publique. L’erreur qui consiste à classer la race comme un élément biologique plutôt que social continue d’aggraver les disparités en matière de santé », explique l’hebdomadaire internationalement reconnu, qui publie quatre articles de recherche montrant comment les discriminations conduisent à des soins de moins bonne qualité et à de moins bons résultats en matière de santé pour certaines communautés.

Une première étude concernant deux millions de femmes enceintes vivant dans une vingtaine de pays à haut et moyens revenus montre que la mortalité périnatale et néonatale ainsi que les accouchements prématurés concernent plus souvent des femmes noires, hispaniques et d’origine asiatique. Une autre montre comment le vol de terres et la destruction de savoir-faire ancestraux des indigènes au Brésil sont associés à des répercussions néfastes en santé cardiaque.

La troisième étude s’intéresse aux malades américains atteints de tumeur au cerveau. Selon des chercheurs, les patients noirs ont ainsi plus de chance de se voir recommander d’éviter une opération chirurgicale, quelles que soient les caractéristiques cliniques, démographiques et socioéconomiques des populations considérées, ce qui suggère l’existence de biais dans la prise de décision clinique. Enfin, la quatrième étude porte sur le racisme ordinaire en Australie qui alimente la moitié des cas de détresse psychologique vécus par les Aborigènes et les peuples des îles du détroit de Torrès. Conclusion logique pour The Lancet, « le racisme et la discrimination doivent devenir des sujets centraux pour les médecins, les chercheurs en médecine et les institutions, si l’on veut faire avancer l’égalité en matière de santé ».

Des mesures juridiques et politiques radicales à prendre

The Lancet s’intéresse également aux systèmes qui perpétuent les inégalités. « Le racisme s’ajoute aux systèmes d’oppression, y compris ceux basés sur l’âge, le genre et le statut socioéconomique, pour exacerber ou atténuer la discrimination. Le fond du problème est encore constitué par les inégalités de pouvoir dont les racines sont historiques, mais encore très puissantes aujourd’hui. Elles façonnent les conditions de vie et les opportunités pour chacun », explique le magazine dans la présentation du numéro.

« Les recommandations spécifiques en matière de santé doivent inclure une plus grande sécurité culturelle et une plus grande diversité parmi les soignants. Il s'agit de co-construire avec les communautés affectées des systèmes de soins de santé plus flexibles, plus accessibles et plus accueillants, et de renforcer l’autodétermination des populations indigènes et leurs droits à la terre », poursuit l'hebdomadaire britannique, qui entend montrer que « l'équité sociale peut être mieux promue par des interventions ciblant les structures et les systèmes, en particulier par des mesures juridiques et politiques radicales fondées sur les droits et conduites par les communautés concernées ». Des conclusions qui sont autant de leçons à ne pas oublier pour les institutions de santé publique, d’éducation, de recherche et de financement, ainsi que les gouvernements.


A l’occasion de ce numéro, The Lancet adresse un mea-culpa, reconnaissant qu’il « opère au sein de structures d'édition savante qui ont perpétué les discriminations et les inégalités ». « Dès ses débuts (en 1823, ndlr), la revue a eu un rôle de soutien à la médecine coloniale et aux pratiques de soins de santé discriminatoires », affirme-t-elle. « Nous publions aujourd'hui une déclaration sur le contenu historique offensant, en reconnaissant ses méfaits. Nous visons à être responsables envers les communautés affectées par le racisme et la discrimination en respectant nos engagements en matière de diversité » et d’inclusion.