Des identitaires prêts à « casser du musulman » pendant Ramadan : des menaces de l'extrême droite en masse révélées

Par Lionel Lemonier, le 05/04/2023

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Des membres d'un groupe Telegram s'organisaient en vue de mener des actions violentes contre des Maghrébins, des musulmans, des sans-papiers, mais aussi des acteurs de la société civile, des journalistes ou encore des responsables et élus de gauche. Face à une menace terroriste croissante de l'extrême droite en France, le gouvernement est appelé à réagir avec fermeté.

« FR DETER » n’existe plus, mais les menaces de la fachosphère ont bien d’autres canaux de communication et de concertation pour un jour pouvoir être en mesure de se concrétiser. La boucle Telegram « FR DETER » – pour « Français déterminés » – comptait 7 300 abonnés. Elle a été révélée par le compte Twitter Tajmaât à l’issue d’une infiltration. Cette « plateforme collaborative pour les Maghrébins » a publié dimanche 2 avril une série de messages révélant l’existence de ce groupe de discussion rassemblant des sympathisants d’extrême droite.

« Une vingtaine de groupes néo-nazi infiltrés, appel aux meurtres, menace de mort contre un élu, ratonnades, des centaines de personnes impliquées dont des militaires et policiers » (sic), annonce Tajmaât dans le premier message de son thread, en illustrant son propos avec le logo de cette boucle : une croix celtique et une fleur de lys. « Le groupuscule néo-nazi FR DETER est un groupe créé pour réunir des identitaires de toute la France, poursuit Tajmaât. Les initiateurs de cette boucle avaient aussi créé des canaux de discussions par département, « chargés de surveiller et de recruter les personnes les plus actives, afin d’aboutir à des actions coups de poing ».

« Baptiste, si tu veux menez des actions tu peux crée un sondages pour savoir qui est potentiellement chaud pour aller casser du bougne ou des antifas ou les deux » (sic), écrit, par exemple, un participant aux discussions, selon une des nombreuses captures d’écran publiées par Tajmaât. Certains expliquent que pour « tuer des Maghrébins ou d’autres étrangers », il faudrait s’en prendre à des sans-papiers pour éviter des enquêtes. Des militants d'extrême droite ont évoqué leur souhait de « violer » une femme « maghrébine » portant le voile, tandis que d'autres souhaitaient commettre des attaques contre des musulmans, en pleine période du jeûne du Ramadan, dans un quartier populaire de Wazemmes, dans le Nord. « Dans chaque groupe départemental que nous avons infiltrés, nous avons recensé une multitude d'insultes envers les Maghrébins et une glorification des ratonnades », déclare Tajmaât.

La présence de policiers et militaires dans ces groupes haineux inquiète

Des noms de cibles potentielles, dont certaines avec leurs coordonnées personnelles, circulent. Il s’agit d’une liste initialement diffusée par Fdesouche et complétée afin que les membres du groupe puissent « s’occuper des collaborateurs ». Une centaine de personnalités musulmanes et/ou d’origine maghrébine, de journalistes, d'avocats et d’élus de gauche y sont répertoriées. Entre « apologie du terrorisme et actions violentes, ils poussent les recrues à commettre des ratonnades », explique Tajmaât.

Plusieurs personnalités figurant sur cette liste ont annoncé leur intention de porter plainte. De son côté, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin a demandé à la messagerie Telegram de fermer les boucles de discussion utilisées par « FR DETER ». Les administrateurs « nationalistes » se sont néanmoins empressés de fermer leurs boucles, une fois leurs activités dénoncées publiquement par Tajmaât selon Libération. Selon une source policière citée par l’AFP, « certains profils étaient déjà connus des services de renseignement » qui surveillaient ces groupes depuis la fin de l'année 2022. Parmi les utilisateurs, « certains se prévalent de la qualité de militaires ou de fonctionnaires de police, mais cela reste à démontrer car beaucoup de ces comptes n’ont pas encore été identifiés », a précisé la même source.

Car Tajmaât affirme, en effet, que « plusieurs néo-nazis de la police nationale revendiquent fièrement leur appartenance. Nous pouvons voir des policiers municipaux, agents de la BAC, CRS ». Et de relever aussi la présence de nombreux militaires de la Légion étrangère, de l’armée de terre ou de la Marine nationale. « Dans le cas où les fonctionnaires impliqués ne sont pas sanctionnés, qu’aucune enquête est faite, ou que l’affaire est étouffée médiatiquement, nous diffuserons publiquement notre archive contenant 1 168 screens et les centaines d’individus », a prévenu la plateforme. « Nous annonçons également que la moindre tentative de ces groupuscules d'attaquer notre diaspora, déclenchera la diffusion publique de notre archive. Libre à eux de vouloir jeter en pâture une centaine de leurs membres, on est prêt. »

Le gouvernement appelé à réagir avec fermeté

Dans un communiqué daté du lundi 3 avril, La France Insoumise annonce avoir déposé un signalement sur la plateforme Pharos. Le parti de Jean-Luc Mélenchon appelle le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, « à se saisir de toute urgence du sujet pour évaluer la menace terroriste et la neutraliser au plus vite » pour le premier, à « lancer immédiatement des poursuites pour provocation directe au terrorisme et pour incitation à la haine, à la violence et à la discrimination » pour le second.

Par ailleurs, « toute la lumière doit être faite au plus vite par Gérald Darmanin et Sébastien Lecornu (ministre des Armées, ndlr) sur la participation suspectée de policiers et de militaires à l’organisation de ces boucles Telegram. Il serait inconcevable que la police et l’armée de la République française comptent parmi leurs membres des individus racistes qui participent d’organisations à caractère terroriste ». Et de conclure : « Plutôt que de s’en prendre à un prétendu "terrorisme intellectuel" d’ultra-gauche, le ministre de l’Intérieur doit s’occuper de la menace terroriste d’extrême droite qui est, elle, bien réelle ».

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