Iftar du CFCM : un baptême du feu pour Macron apprécié des musulmans

Par Hanan Ben Rhouma, le 21/06/2017

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Emmanuel Macron a été l'hôte de prestige du dîner de rupture du jeûne organisé mardi 20 juin par le Conseil français du culte musulman (CFCM). La présence marquante du président de la République, quelques semaines après son investiture à l'Elysée, marque un renouveau dans les relations entre l'Etat et les instances musulmanes.

Emmanuel Macron s’était engagé auprès des membres du Conseil français du culte musulman (CFCM), rencontrés courant du mois d’avril, qu’il honorerait l’invitation de l’instance à un dîner de rupture du jeûne (iftar) du Ramadan s’il venait à accéder à l’Elysée. Promesse tenue et cela n’a rien d’anodin. Ces dix dernières années, aucun président de la République en exercice - François Hollande en particulier - n’a participé à pareille cérémonie organisée à l’occasion du mois du Ramadan. Par son simple geste, Emmanuel Macron a su engranger des points de popularité auprès des responsables musulmans.

Le chef de l’Etat, accompagné de son ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, a ainsi participé à l'iftar officiel du CFCM dans les très chics Salons Hoche, dans le 8e arrondissement de Paris. C'est en terrain quasi-conquis qu'il s'y est rendu : le CFCM, comme la plupart des responsables d'organisations musulmanes en France, ont appelé à voter pour lui au second tour de la présidentielle.

Ce dîner de haute importance avait une tonalité toute particulière puisqu’il s’agissait du dernier grand événement clôturant la présidence d’Anouar Kbibech. Ce dernier, en vertu d’un accord signé en 2013, va en effet passer le relai au président du Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF) Ahmet Ogras au 1er juillet.

Une fin de mandat en apothéose pour Anouar Kbibech

Devant quelque 120 invités, et dans une ambiance résolument détendue, Emmanuel Macron n’a pas manqué de signifier « la reconnaissance de la République française » auprès d’Anouar Kbibech dont le mandat a été marqué par la survenue de plusieurs attaques terroristes sur le sol français depuis 2015.

« Ces attentats ont mis à l'épreuve le peuple français avec pour objectif évident de créer entre les Français de toute croyance et les Français de confession musulmane une déchirure profonde. Ils firent la tentative explicite de donner de l’islam une image d’une religion cautionnant le meurtre et la terreur au nom d’idéaux fanatiques », souligne le chef de l’Etat. « Pour lutter contre cette perversité du message de l'islam, (…) il nous fallait le concours des autorités musulmanes fermes dans leurs convictions, solides dans la dénonciation de ces crimes. Pas une fois le CFCM n’a fait défaut. »

Une feuille de route fixée pour le CFCM

« Je suis conscient que vous ne portez pas la voix unique de l’islam en France parce que votre religion toute unique qu’elle soit, s'exprime dans une pluralité et une polyphonie à laquelle il faut savoir faire toute sa place », indique-t-il. « Mais vous êtes une voix à l’importance toute particulière, (…) une voix légitime puisqu'issu d’élections dont il convient d’espérer qu'il saura être l'outil d'une représentativité toujours plus large, toujours plus à l’écoute des attentes et des propositions des acteurs de terrain. »

« Le CFCM reste une institution jeune et il reste bien des liens à tisser entre vous et la République », appuie le chef de l’Etat, qui appelle dès à présent à préparer « ce temps fort » que seront les élections de l’instance en 2019 : « Elles ont trop souvent été marquées par des refus de participation. Nous savons que le nombre de mosquées qui participent à ces élections (…) est encore aujourd’hui trop faible, nous savons que vos associations peinent à recruter des bénévoles plus jeunes pour assurer leur fonctionnement et leur développement. Voilà les enjeux des élections pour l’horizon 2019. »

Un discours ferme servi avec un gant de velours

« Chaque Français de confession musulmane a le droit de vivre paisiblement sa foi, de la partager s’il le souhaite avec les siens et c'est le devoir des pouvoirs publics que de s’en assurer », a assuré Emmanuel Macron, citant l’accompagnement de l’Etat dans la structuration des aumôneries musulmanes ou encore dans l'organisation de l'Aïd el-Kébir ainsi que l'engagement des forces de sécurité pour protéger les lieux de culte.

Mais, à côté, « nous avons des combats communs à mener, d'abord contre le fanatisme et sa diffusion », martèle-t-il, voulant « poursuivre avec détermination ceux qui cherchent à faire de vos lieux de culte et de transmission, des lieux de prêches de haine et d’appels à la violence ». Rappelant le principe de laïcité qui interdit à l’Etat de régir le culte, « il vous appartient à vous, acteurs du culte, de combattre pied à pied sur le terrain théologique et religieux, de démasquer chaque fois que nécessaire l’usurpation de vos valeurs, la captation de l’histoire de votre religion, la négation de 15 siècles de travail d’interprétation réalisés par vos savants. »

Son deuxième combat : « une pratique de l’islam organisant une ségrégation au sein de la République. Parce que fonder son identité politique et sociale sur sa seule foi, c’est au fond admettre que sa foi n’est compatible avec la République ». Dans le même temps, il déclare que « face à ceux qui sont complices pour abattre le modèle républicain, personne ne peut faire croire que votre foi n’est pas compatible avec la République. Personne ne peut faire croire que la France et les Français rejetteraient sa composante de foi musulmane. Personne, au nom de cette foi, ne peut demander à des Français et Françaises de se soustraire aux lois de ma République. C'est cela notre défi, de construire un commun indépassable qui est à la fois notre humanité dans ses convictions et leur pluralisme, et notre appartenance à la République »

Un islam made in France prôné face aux ambassadeurs

Face aux ambassadeurs parmi lesquels figurait celui du Maroc où il s’est rendu quelques jours plus tôt pour une visite privée auprès du roi Mohammed VI, il a prôné la nécessité pour l’Etat d’être en capacité de favoriser l’enseignement non confessant mais aussi « de former les imams sur le sol français et de façon adaptée aux valeurs de la République ».

« Il n’est plus possible de se contenter aujourd’hui d’un appel massif à des imams formés dans des pays tiers pour soutenir l’exercice du culte. Nous avons besoin de construire et d’assumer pleinement une formation aussi en France de l’ensemble de celles et ceux qui procèdent aux prédications en France », dit-il avec franchise.

« Notre défi est sécuritaire face au terrorisme qui sévit mais il est aussi moral et civilisationnel et votre défi est immense, votre responsabilité l’est tout autant », conclut-il dans un contexte qui fut moins tendue que lors de l’iftar organisé en 2016. « Voir parmi vous l'ensemble des représentant des différents cultes présents avec vous dans cette fraternité manifeste est la meilleure preuve que le peuple français, quelles que soient leur religion et leurs convictions philosophiques, est uni », n’a-t-il pas manqué de souligner.

Sachant bien soigner sa communication, Emmanuel Macron ne s'est pas pressé de partir, prenant le temps de dîner à la table d'honneur mais aussi de se prêter volontiers aux selfies. La présence d'Emmanuel Macron, doublé d'un discours présidentiel fortement apprécié des responsables musulmans présents, marque un renouveau dans les relations entre la présidence et la composante musulmane française, tout en assurant la continuité des actions entreprises lors du précédent quinquennat.