Expulsion de Hassan Iquioussen : la justice appelée à trancher dans le vif, retour sur l'audience

Par Hanan Ben Rhouma, le 04/08/2022

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Hassan Iquioussen est l'objet d'un arrêté d'expulsion vers le Maroc. Une décision abrupte, difficile à encaisser pour le prédicateur musulman et sa famille. Le Tribunal administratif de Paris, aujourd’hui chargé d'examiner une requête en référé pour suspendre la décision, fera-t-il pencher la balance du côté de l'imam ? A la veille du verdict, Saphirnews était présent à l'audience publique.

La famille Iquioussen fait bloc derrière le patriarche. Alors que son expulsion vers le Maroc se fait de plus en plus menaçante, plus encore après la décision rendue par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), les rangs se serrent parmi ses soutiens, nombreux. Preuve en est des mosquées qui, par dizaines, ont publiquement témoigné en faveur de Hassan Iquioussen.

Ces soutiens, ils étaient en partie visibles jeudi 4 août, au Tribunal administratif de Paris auprès duquel a été introduit un référé-liberté visant à contester l'arrêté d'expulsion émis par le ministère de l'Intérieur. Parmi les présents figuraient au premier rang des dirigeants de Musulmans de France, son président Mohsen Ngazou, venu tout droit de Marseille pour l’occasion, ou encore Lhaj Thami Breze. Mais le principal intéressé, lui, était absent de l'audience.

Les libertés fondamentales brandies

Son avocate, Me Lucie Simon, expliquera que le prédicateur avait bon espoir que la CEDH statue en faveur d’une suspension de l'expulsion, ce qui lui aurait permis « d'être présent et de pouvoir se défendre » devant le juge des référés. Il en sera autrement, dans une salle petite mais pleine à craquer. Après 45 minutes de retard, c’est le début des plaidoiries. Me Marion Ogier, au nom de la Ligue des droits de l'Homme (LDH),, est la première à parler pour dénoncer « la méthode utilisée » par le ministère pour agir. Bien que la LDH déclare être opposée à la vision conservatrice de la société prônée par Hassan Iquioussen, elle « ne tolère pas la transgression du droit » et « des libertés fondamentales » qui caractérise cette affaire aux yeux de l'association. « Que le sens politique ne prenne pas le pas sur l’Etat de droit » dont les juges sont aujourd’hui les garants, affirme l’avocate.

Puis vient le tour de Me Lucie Simon pour défendre les intérêts de l'imam. Et de démarrer avec vigueur : « La question qui vous est posée aujourd’hui n'est pas morale, elle est encore moins politique, elle est : Hassan Iquioussen représente-t-il une menace d'une telle gravité et d’une telle actualité pour la France qu’il faille absolument l’expulser, alors qu’il est né sur le territoire, qu’il y a passé ses 58 années – car il a 58 ans – et qu’il n’a aucune attache avec le Maroc ? » Elle entend convaincre le tribunal que la réponse ne peut être autrement que non, appelant le juge des référés à « statuer de manière provisoire » en faveur de son client en attendant que les juges puissent « se pencher sérieusement sur la légalité de l'arrêté ».

Rappelant que Hassan Iquioussen a bénéficié de plusieurs renouvellements de titres de séjour, elle estime ainsi que le ministère de l'Intérieur aurait pu expulser le prédicateur depuis bien longtemps s’il représentait une menace « réelle et grave » pour la France. D’autant que, contrairement aux affirmations du ministère, l’arrêté contesté serait basé non pas sur la loi dite « séparatisme » mais une disposition de 2004 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Son expulsion, « une entaille dans l'État de droit » qu’il faut empêcher

Me Lucie Simon revient point par point sur les lourds griefs qui pèsent sur l’imam pour mieux les balayer, appelant la justice à « se méfier des propos coupés et sortis de leur contexte », qui « n’ont jamais donné lieu à une quelconque condamnation pénale ». Hassan Iquioussen antisémite ? Les propos soulignés par le ministère, s’ils sont à considérer comme relevant de la haine contre les juifs (ce qu’elle réfute), sont « trop anciens » – elles datent de plus de 20 ans – pour « constituer une menace ». En revanche, l’avocate met en lumière des condamnations récentes de l’imam contre l'antisémitisme dans plusieurs de ses prêches et conférences, n’hésitant pas non plus à relever les soutiens de deux rabbins et de l’Union française juive pour la paix (UJFP).

Hassan Iquioussen hostile aux valeurs républicaines et occidentales, à la laïcité ou encore au rapprochement des religions ? Là aussi, l’avocate se réfère à des interventions filmées mais aussi à des courriels, « sans jamais savoir qu'ils allaient être lus un jour devant le juge », qui tendent au contraire à démontrer son positionnement en faveur des institutions, de la France.

Quant aux accusations de sexisme qui pèsent sur l’imam, il y a « un deux poids, deux mesures insupportable » dans ce dossier qui « instrumentalise les principes d’égalité femmes hommes à des fins de discrimination ». « Ce n'est pas parce qu'on expulse un homme, qu'on le sépare de sa famille, qu'on lutte contre le sexisme. »

Quand l'accusation du « double discours » plane sur l'imam

Pour Me Lucie Simon qui dénonce « la disproportion de la mesure », « il n'y a aucune urgence à expulser Hassan Iquioussen » vers un pays qu’il ne connait que trop peu et où il lui sera impossible de reconstituer sa cellule familiale. « Je ne vous demande pas de soutenir ses idées ni de les partager mais de protéger les libertés fondamentales. (…) (Son expulsion) créerait un précédent terrible, une entaille dans l'État de droit qui ne se refermera pas de sitôt. »

La partie adverse maintient bec et ongles l'ensemble des accusations à l'encontre de Hassan Iquioussen. Pour la représentante du ministère de l'Intérieur, le positionnement du prédicateur serait « typique du mouvement frériste » visant à « prendre possession de l’espace public et politique avec des propos en apparence conformes (aux lois de la République) mais qui, en réalité, s’en affranchissent et disent le contraire ». Il s'agit, selon elle, d'un imam qui tient « un double discours comme le font les fréristes ».

« Les faits (reprochés) sont certes anciens mais ils sont confirmés ultérieurement », jusqu’en 2019 pour les plus récents, affirme-t-elle, qui est allée jusqu’à dire, non sans la réprobation de la salle, que les discours de l’imam sont de nature à constituer « le terreau d'actions terroristes ». Ce à quoi Me Lucie Simon répondra plus tard qu’il est « inadmissible » de penser que les propos de Hassan Iquioussen « puissent permettre des attentats aussi horribles que ceux de Merah ».

« Ce que nous demandons, c'est uniquement une suspension de la mesure pour dépasser le temps médiatique et le temps de l'émotion et que des juges puissent se pencher sereinement sur le fond » d’une affaire « hautement complexe », répètera-t-elle par la suite devant la presse. L'affaire est mise en délibéré. Le verdict est attendu pour ce vendredi 5 août. « Hassan Iquioussen croit en la justice française », dit-on. Mais la famille prévient d’ores et déjà qu’elle est prête à saisir le Conseil d’Etat si le tribunal administratif venait à trancher en faveur du ministère de l’Intérieur.

Mise à jour vendredi 5 août : Le tribunal administratif a tranché en faveur de Hassan Iquioussen. Ce qu'il faut savoir sur cette victoire judiciaire ici.

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