Face à la criminalisation du soutien à la Palestine, une jeunesse militante mène la fronde de New York à Paris

Par Lina Farelli, le 27/04/2024

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Alors qu’une grande vague de soutien à la cause palestinienne déferle sur plusieurs campus américains, Sciences Po se dresse aujourd’hui en porte-étendard d’une jeunesse française qui refuse de se taire face aux agissements d’Israël à Gaza et en Cisjordanie.

« Et vive la lutte du peuple palestinien ! » Alors que Gaza continue de souffrir d’une opération sans précédent de l’armée israélienne depuis l'attaque du 7-Octobre, la criminalisation du soutien à la cause palestinienne s’est nettement renforcée en France ces dernières semaines. Mais au sein d’une jeunesse française choquée du sort réservé aux Palestiniens, on refuse de se taire et d’abdiquer. C’est le cas à Sciences Po Paris où des dizaines d’étudiants ont occupé et bloqué les locaux historiques de l’école jeudi 25 et vendredi 26 avril afin de pousser leur direction à condamner officiellement les actions commises par Israël en violation au droit international, et de cesser toute collaboration avec les institutions jugées complices de « l’oppression systémique du peuple palestinien ».

Des étudiants ont été délogés par les forces de l’ordre mais ils étaient encore nombreux à occuper le bâtiment principal vendredi. La direction a condamné « fermement ces actions étudiantes qui empêchent le bon fonctionnement de l’institution et pénalisent les étudiants, enseignants et salariés de Sciences Po ». Elle a néanmoins reçu une délégation d’étudiants pour tenter de trouver, par le dialogue, une issue à cette situation.

A l'issue de cette réunion, elle a annoncé la suspension des poursuites disciplinaires envers les étudiants pro-Palestine et promis d'organiser une réunion ouverte aux communautés de Sciences Po d'ici au jeudi 2 mai. En échange, « les étudiants se sont engagés à ne plus perturber les cours, les examens ainsi que toutes les activités de l’institution ».

La mobilisation étudiante est tout particulièrement saluée par La France Insoumise, qui voit ses positions sur le conflit israélo-palestinien toujours plus décriées par ses opposants, y compris dans les rangs de la gauche. « Ces étudiants sont en train véritablement de porter l'honneur de la France », a déclaré Rima Hassan lors d’un passage à Sciences Po vendredi, reprenant les propos de Jean-Luc Mélenchon.

L’activiste franco-palestinienne figure parmi les personnalités syndicalistes et politiques en France qui, comme la présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot, ont été convoquées pour « apologie du terrorisme ». Une manœuvre visant à tenter de faire taire les critiques envers Israël, dénoncent les soutiens à la cause palestinienne, qui voient leur liberté d’expression se restreindre à mesure aussi que le chantage à l’antisémitisme grandit face aux appels au boycott et aux sanctions contre Israël.

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« Le mépris flagrant d’Israël pour le droit international est exacerbé par l’incapacité de ses alliés à mettre un terme au bain de sang indescriptible infligé à la population civile de Gaza. Or, beaucoup de ces alliés ont été les architectes même de ce système juridique mis en place après la Seconde Guerre mondiale », s'est offusqué Amnesty International à la sortie de son rapport annuel des droits humains publié mercredi 24 avril.

La liberté d’expression, un enjeu central

Cette mobilisation intervient alors que de nombreuses universités américaines parmi lesquelles Harvard, Yale ou encore Princeton sont devenues le théâtre d’un vaste mouvement d’opposition au soutien des Etats-Unis à Israël. Depuis plusieurs jours, quelque 200 étudiants occupent jour et nuit l’université Columbia, à New York.

Des tentes ont été installées et n’ont pas pu être démantelées à ce jour. Dans d’autres campus, des sit-in et des villages de tentes ont aussi été installés comme à l’université UCLA, à Los Angeles, pour sensibiliser l’opinion publique au drame qui se joue à Gaza avec la complicité, à leurs yeux, de l’administration américaine. En réponse, la police a procédé à des interpellations et au délogement des étudiants, sans pour autant réussir à étouffer les voix des militants qui refusent d’être taxés d’antisémites.

Gaza est en proie à une situation humanitaire catastrophique. Le dernier bilan humain fait état de plus de 34 000 morts et 77 000 blessés dans l’enclave palestinienne, qui est passée d’une prison à un cimetière à ciel ouvert depuis octobre 2023.

Mise à jour vendredi 3 mai : Le grand débat interne s'est bel et bien tenu jeudi 2 mai mais les tensions ne sont pas retombées pour autant après le refus par la direction de créer un groupe de travail chargé d'investiguer les relations de l'établissement parisien avec les universités israéliennes.

L'annonce d'un nouveau blocage du campus par une centaine d'étudiants a poussé la direction à annoncer la fermeture de ses principaux locaux vendredi 3 mai. La police est intervenue en fin de matinée pour évacuer les étudiants pro-palestiniens. Six d'entre eux du Comité Palestine ont par ailleurs entamé une grève de la faim. Le mouvement engagé par Sciences Po s'est étendu depuis à d'autres campus français comme à la Sorbonne, où la police est intervenue lundi 29 avril après l'installation d'un campement par des étudiants. Aux Etats-Unis, les interventions des forces de l'ordre se multiplient aussi dans les campus mais la mobilisation estudiantine en solidarité avec Gaza ne faiblit néanmoins pas.

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