Ensemble avec Marie : chrétiens et musulmans entrent en fraternité par le « faire-ensemble »

Par Huê Trinh Nguyên, le 13/04/2018

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Témoignant de la vitalité du dialogue interreligieux, la 4e édition d’« Ensemble avec Marie » rassemble chrétiens et musulmans en plus d’une vingtaine d’évènements, de mars à septembre, en France, en Belgique, en Italie et dans plusieurs pays d’Afrique. Un mouvement qui se veut tout à la fois « spirituel, populaire et citoyen ».

Marie serait-elle devenue la figure tutélaire des bonnes relations islamo-chrétiennes ? Initiée en 2015 en réunissant plus de 800 chrétiens et musulmans à la basilique de Longpont-sur-Orge (Essonne), « Ensemble avec Marie » se déploie désormais dans près de 25 villes, de mars à septembre. Après Autun, Bordeaux et Longpont, en mars ; Toulon, Vénissieux, Lille, Cergy, Créteil, en avril ; ce sera au tour de Paris, de Toulouse (en mai), de Valence (en juin), mais aussi en Italie, en Belgique, au Bénin, au Burkina Faso, au Niger et en République démocratique du Congo que chrétiens et musulmans se réuniront autour de la figure de Marie.

Inspirée du Liban, pays multiconfessionnel qui a institué le 25 mars jour de fête chômé à l’occasion de l’Annonciation (qui célèbre le jour où l’archange Gabriel annonce à Marie sa maternité et la future naissance de Jésus), l’opération « Ensemble avec Marie » a été lancée par Efesia, une association de chrétiens laïcs, créée en 2014. Celle-ci a vocation à favoriser la rencontre en trois directions, « avec d’autres mouvements au sein de l’Eglise ; avec les pauvres ; avec d’autres cultures et religions et plus particulièrement les musulmans ».

Porteurs de vivre-ensemble et de paix

« La culture de la rencontre est au cœur de notre projet », explique Gérard Testard, son président. Passant d’une rencontre en 2015, de cinq rencontres en 2016 à 19 évènements en 2017, le succès d’Ensemble avec Marie va croissant : « Sur les 24 évènements de cette année 2018, 13 se passent en France ; une première rencontre va avoir lieu en Italie, au monastère de San Salvatore, le 12 mai. Mais aussi dans huit villes d’Afrique (Cotonou, Ouagadougou, Niamey, Kinkhasa…) », où « les églises du Réveil en même temps que le salafisme font rage pour s’affilier de nouveaux adeptes. Le climat s’est tendu », estime Gérard Testard. Grâce à Ensemble avec Marie, « nous sommes porteurs de vivre-ensemble et de paix », estime-t-il.

« Certains comités locaux se préparent sur deux ans, nous aurons donc plus de 30 évènements en 2019 », annonce-t-il déjà. À chaque comité local de concevoir le déroulé de la rencontre (discours, marche interreligieuse, chant, concert, prière, lecture de textes…). Efesia leur met à disposition « un carnet de route, assurant une identité visuelle avec un logo et en même temps leur permettant de laisser place à la créativité dans l’organisation de l’évènement ».

Pour Gérard Testard, Efesia est « le poisson pilote », mais ce sont les comités locaux qui sont « les pièces maitresses » du dispositif. En sus, un comité d’orientation international, collectif de 15 associations (Chapelle des Sept Dormants, Communion Tibhirine, Focolari, Groupe d’amitié islamo-chrétienne, AISA, Service national pour les relations avec les musulmans …), veille à la mutualisation des expériences, en se réunissant deux fois par an.

Viser le pluralisme

« Loin de nous l’envie d’une conversion réciproque ! », prévient Gérard Testard. « Nous visons à ce que ce ne soit pas du syncrétisme ni du prosélytisme. » Les rencontres Ensemble avec Marie « visent un pluralisme, plutôt qu’un multiculturalisme, sous le sceau de la joie et de la fraternité ». Elles sont conçues comme étant « un mouvement spirituel, populaire et citoyen ». Au final, « la ligne de fracture dans nos société se trouve entre ceux qui veulent la paix et ceux qui ne la veulent pas, et pas entre chrétiens et musulmans », souligne l’initiateur d’Ensemble avec Marie.

« La rencontre vient de l’intérieur de notre foi », insiste Mgr Michel Santier, évêque de Créteil et ancien président du conseil interreligieux au sein de la Conférence des évêques de France. « Ensemble avec Marie nous donne l’occasion de vivre ensemble une expérience spirituelle, de créer de vraies relations d’estime et de fraternité entre croyants. » Mais être ensemble, c’est aussi agir ensemble. Et de citer l’opération « ASA Août Secours alimentaire », menée conjointement par des bénévoles de la mosquée de Créteil et ceux du diocèse de Créteil. « Ce sont 100 000 repas qui sont distribués », rappelle l’évêque de Créteil. « La rencontre des citoyens de différentes religions est le chemin vers la paix. »

Les trois cercles de la fraternité

Pour Anouar Kbibech, président du Rassemblement des musulmans de France (RMF) et vice-président du Conseil français du culte musulman (CFCM), « Ensemble avec Marie permet de sortir d’un certain archaïsme de l’interreligieux qui se limitait à des débats théologiques ».

« On trouve généralement trois postures dans le dialogue islamo-chrétien », fait-il observer. « Le face-à-face : chacun évoque les préjugés qu’il a vis-à-vis de l’autre et ce dialogue permettait d’aplanir les malentendus et de mieux comprendre les convictions de l’autre. Le côte à côte : on regarde ensemble les problématiques communes qui se posent à nous (la question de la violence dans la société, les relations hommes-femmes, le don d’organes, la bioéthique…) et comment chaque religion tente d’y apporter des réponses. Le faire ensemble : c’est agir main dans la main. Ensemble avec Marie en est un exemple et contribue à créer une dynamique constructive dans un contexte post-attentats. »

« Le dialogue, c’est entrer dans trois cercles de la fraternité », poursuit-il. « Le cercle de la fraternité entre croyants de même religion. Le cercle de la fraternité entre croyants de toutes les religions. Et il y a un troisième cercle de la fraternité, que le pape François a évoqué en appelant les chrétiens du monde entier à ouvrir leurs portes aux réfugiés , c’est la fraternité avec l’ensemble de l’humanité », fait-il valoir.

Et citant un proverbe marocain « Au lieu de te lamenter, allume une bougie », Anouar Kbibech estime qu’« Ensemble avec Marie permet d’allumer une bougie non pas contre l’obscurité mais contre l’obscurantisme ».

Réfutant l’idée d’« un nouvel antisémitisme qui serait d’origine musulmane », le vice-président du CFCM appelle de ses vœux qu’« une initiative telle qu’Ensemble avec Marie, qui témoigne de la vitalité des relations entre chrétiens et musulmans, puisse trouver son équivalent entre juifs et musulmans ». « C’est le défi à venir. »

A RETENIR :

Rencontre « Ensemble avec Marie » samedi 14 avril, de 10 h 30 à 12 h, au couvent dominicain de l’Annonciation (Paris 8e).
Avec les interventions de :
– Monseigneur Marc Stenger, évêque de Troyes, président de Pax Christi ;
– Docteur Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris (sunnite) ;
– Père Michel Lachenaud, provincial des dominicains de la province de France ;
– Cheikh Ismael Al-Khaliq, imam de l’association Imam Al-Khoei à Paris (chiite) ;
– Père Eric de Clermont-Tonnerre, prieur du couvent de l’Annonciation.

Rencontre « Ensemble avec Marie » samedi 5 mai, de 19 h à 20 h 30, à la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre (Paris 18e).
Avec les interventions de :
– Monseigneur Jean-Marc Aveline, évêque auxiliaire de Marseille, président du Conseil pour les relations interreligieuses ;
– Mohamed Bajrafil, théologien, imam de la mosquée d’Ivry-sur-Seine.
La rencontre sera suivie d'un verre de l'amitié.