Marianne, la sœur du dealer, par Maliya Allie

Par Samba Doucouré, le 21/07/2017

PENDANT LE RAMADAN, SOUTENEZ UNE PRESSE INDÉPENDANTE PAR UN DON DÉFISCALISÉ !

Reçu à Saphirnews


L'avis de Saphirnews

Marianne, Maliya Allie, deux pseudonymes en guise de couverture pour se protéger des retombées médiatiques qui pourraient nuire à sa carrière professionnelle. Une protection bien faible face à la brutalité des coups assenés par la machinerie médiatico-politique qui s’est mise en branle en 2012 contre l’auteure et sa famille.

A travers cet ouvrage, la jeune femme raconte comment quatre familles d’une cité HLM des Hauts-de-Seine ont été des victimes collatérales de la très médiatique politique de répression de la petite délinquance. Des foyers aux situations sociales très fragiles ont été condamnés à l’expulsion et à la vindicte populaire pour n’avoir pas su tenir éloigner leurs enfants des trafics de cannabis. Un coup de massue pour ces familles, déjà accablée par la misère sociale dans le département le plus riche de France. Loin d’être un récit victimaire, le livre de Maliya Allie est une apologie de la lutte contre le déterminisme et les injustices sociales. Un ouvrage qui interroge sur la solidarité et la responsabilité collective face aux dérives populistes.

L'auteure montre aussi une réalité souvent occultée : les frères et les sœurs des dealers peuvent être des personnes tout à fait insérées dans la vie sociale et participer au bon vivre-ensemble. Car « la sœur du dealer » peut être une avocate, une future enseignante, une sportive de haut niveau qui fait briller la France à l’international. Il ne s’agit pas bien entendu d’additionner et de soustraire les apports des uns et des autres à la société mais de reconsidérer la notion de responsabilité, celle des familles en particulier.

Présentation de l’éditeur

« Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, a déclaré (…) au sujet des familles (qui ont été sommées de quitter leur logement HLM, car un de leurs enfants a été condamné pour trafic de drogue) : "Je reviens de Mulhouse", où ont lieu depuis des semaines des violences et des incidents, "et j’ai pu constater la colère (…) de familles face aux violences urbaines et à l’occupation de l’espace public et privé de la part de trafiquants" (…). Elles "ne comprennent pas que cela ne soit pas sanctionné." "Il faut y répondre", a-t-il ajouté, mais "avec discernement (…)" et "sans mettre en danger les familles et les parents” » (Le Monde).

L’affaire de « quatre familles de dealers de Boulogne-Billancourt expulsées de leur HLM » a été scrupuleusement suivie, commentée et débattue, mais que s’est-il vraiment passé ? Comment en est-on arrivé là ? Tant de questions se bousculent… Marianne, c’est le surnom que j’ai choisi de porter dans le cadre des faits qui seront décrits dans ce témoignage. Tentant désespérément de défendre les valeurs fondamentales de la République, je vais ainsi vous raconter, sans détour, comment « la sœur du dealer » a dû faire face, malgré elle, à cette injustice qui a défrayé la chronique.

L'auteur

Maliya Allie est titulaire d’un master finance. Il s’agit de son premier livre.

Extrait de l'ouvrage

Dès le lendemain du jugement, des journalistes se sont déplacés à la cité afin de réaliser des interviews du voisinage et des familles. Pour ma part, j’étais satisfaite de cela. Je pensais que nos voisins allaient pouvoir témoigner de notre bonne foi. Cependant, en un clin d’œil, je me suis rendue compte que cela allait devenir très compliqué. À vrai dire, les premiers journalistes ont été invités à quitter la cité, sous la contrainte, par certains jeunes qui étaient contre leur présence et ne désiraient pas voir de caméras de télévision braquées sur leur quartier. Au départ, je ne comprenais pas leur réaction. Comment pouvions-nous nous défendre si l’on ne s’expliquait pas publiquement ? Ensuite, j’ai vite saisi que, dans la cité, la presse avait une très mauvaise image…

À la parution des premiers articles, à la lecture des premières coupures de presse et des premiers gros titres à notre sujet, j’ai tout de suite compris la réticence de ces jeunes. Le premier article que j’ai lu était intitulé : « Ils gênent le quartier, ils devront le quitter. » Il parlait de nous comme les « quatre familles de trafiquants de cannabis du square de l’Avre et des Moulineaux à Boulogne », qui « ser(aient) expulsées de la résidence HLM pour troubles de jouissance ». À cet instant-là, le délit commis par mon frère a conduit à établir notre statut collectif à tous. Nous étions tous mis dans le même sac-poubelle. On tentait de jeter l’ensemble de ma famille à la rue, sans même savoir si certains d’entre nous pouvaient toujours servir à la société. À cette période, l’opinion publique était contre nous et s’était contentée de demi-mesures. Afin d’avoir une certitude sur cette impression, j’ai donc scruté ce qui se disait sur Internet. J’ai lu les commentaires laissés par les citoyens ; violents, insultants et racistes, ils étaient majoritairement favorables à nos expulsions.

Les commentaires me donnaient le sentiment que l’on fantasmait sur une famille qui serait devenue riche grâce à la drogue. Autant dire que la mienne était à des années lumière de cette idée reçue, puisqu’elle n’a jamais profité de l’argent provenant du cannabis. Mon frère, peut-être pour cacher son activité, n’a jamais participé aux dépenses financières familiales, malgré les modestes revenus de nos parents. Très rapidement, sans avoir pourtant communiqué nos coordonnées téléphoniques, des journalistes m’ont contactée ainsi que des membres de ma famille afin d’obtenir nos réactions sur ces décisions. Nous sommes une famille pudique et mes parents ne souhaitaient pas dévoiler leur visage à la télévision et à la France entière.

J’avais 26 ans et je travaillais en tant qu’apprentie dans une banque internationale de renom. Qu’allaient penser mes responsables et mes collègues s’ils me voyaient à la télévision pour une telle affaire ? Cette même problématique s’est posée pour mes frères : Djibril, âgé à l’époque de 31 ans, était plombier dans une entreprise en pleine croissance. Moussa, 25 ans, était comptable dans une société d’ingénierie, de conseil et de gestion de projets. En ce qui concerne Ismaël, âgé de 21 ans, il était alternant dans un groupe industriel diversifié français et coté au CAC 40. Ainsi, afin de nous défendre tout en tentant de préserver notre anonymat, nous avons décidé de réaliser des interviews uniquement destinées à la radio et à la presse écrite.

Maliya Allie, Marianne, la sœur du dealer, livre auto-édité, février 2017, 196 p., 19,99 €.