« Les Hommes d'argile », le devoir de mémoire aux vétérans marocains enrôlés pour la France

Par Imane Youssfi, le 14/09/2017

PENDANT LE RAMADAN, SOUTENEZ UNE PRESSE INDÉPENDANTE PAR UN DON DÉFISCALISÉ !

Avec « Les Hommes d'argile », Mourad Boucif revient sur l'enrôlement forcé des indigènes du Maghreb, et plus particulièrement du Maroc, qui ont combattu pour la France contre le nazisme. Le réalisateur belge transpose à l'écran avec justesse et émotion le sort des vétérans marocains lors de la Seconde guerre mondiale. Un film qui leur est dédié et qui sort en salles en France le 20 septembre.

C'est par devoir de mémoire que Mourad Boucif déclare s'être lancé dans la réalisation du film « Les Hommes d'argile » après avoir produit « La couleur du sacrifice » en 2006.

Au Maroc, et alors que la Seconde Guerre mondiale fait rage en Europe, Sulayman fait partie de ces hommes éloignés de la vie citadine et dont le mot « guerre » reste inconnu. Le jeune berger est orphelin, et c'est un ermite qui l'élève depuis son plus jeune âge. C'est lui qui l'accompagnera demander la main de Khadija, fille d'un puissant caïd de la région. Le mariage est désapprouvé par le père, qui accepte difficilement de donner la main de son unique fille à un homme plus pauvre qu'elle.

Quelque temps plus tard, Suleyman est enlevé puis forcé à rejoindre l'armée française pour combattre les nazis en métropole. Un piège fomenté par son beau-père qui y voit l'occasion de l'éloigner de sa fille. Suleyman ne sait pas ce que lui réserve son destin. Le spectateur est invité à le suivre en France, dans ce pays inconnu où des hommes donnent leur sang pour une patrie dont ils ignoraient l'existence jusque là. Il est aussi invité, fait rare, à suivre en parallèle ce qu'il advient de sa femme Khadija, qui choisira d'affronter seule son destin après avoir appris la trahison de son père.

Un film engagé

A travers ce film qui aura mis plusieurs années à être réalisé, Mourad Boucif revient sur un épisode encore peu évoqué dans les manuels d'histoire s'agissant de l'enrôlement forcé de milliers d'hommes issus du Maghreb et d'Afrique subsaharienne mais qui ont été classés par l'armée française dans les rangs des « engagés volontaires ». Un « engagement » dont nombreux ne reviendront jamais et qui a irrémédiablement provoqué des victimes collatérales qui sont les familles de ces soldats.

Mourad Boucif filme la guerre dans tout ses états, ses atrocités mais aussi le mépris de l'armée française envers ces indigènes. Le réalisateur vient questionner l'humain et ses limites, une raison pour laquelle il décrit son œuvre comme « une fable sur la condition humaine ».

Sa réalisation ne surpasse évidemment pas l'excellent « Indigènes », sorti onze ans plus tôt. Il faut dire que Mourad Boucif disposait pour « Les Hommes d'argile » d'un budget de très loin moins conséquent que Rachid Bouchareb mais aurait gagné à présenter un scénario plus dynamique. Le film n'en reste néanmoins pas moins louable, ajoutant une pierre à l'édifice de la reconnaissance de l'engagement - sous toutes ses formes - des vétérans africains pour la France, qui se doit d'être pleinement intégrée à la mémoire nationale.

« Les Hommes d'argile », film de Mourad Boucif, 1h45
Avec Miloud Nasiri, Magaly Solier, Tibo Vandenborre, Mohamed Zahir...
En salles le 20 septembre 2017