Le matérialisme, l’ennemi juré de la spiritualité

Par Gabriel Hagaï, le 08/02/2019

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De nos jours, l’ennemi juré de la spiritualité véritable est le matérialisme tel qu’il est véhiculé (et imposé) par l’hégémonie mondiale politico-industrialo-financière. Ce système néo-libéral moderniste tente d’asservir l’humanité à sa logique ultra-capitaliste. La seule valeur, pour celui-ci, c’est l’argent – pas la vie humaine, et encore moins l’environnement. Une personne (ou une chose, plus généralement) n’est jugée par cette structure frankensteinesque que par rapport à sa valeur économique ou à sa rentabilité financière. Sale temps pour la planète !

À cette fin, ce mécanisme matérialiste global se doit de détruire les structures collectives traditionnelles qui font obstacle à sa logique du marché pur, comme l’avait remarqué Pierre Bourdieu. Les outils de communication – tels les médias – sont utilisés pour manipuler (et conditionner) les masses plutôt que pour les éduquer. Les valeurs sont inversées et la morale pervertie afin de brouiller le jugement, le discernement et le bon sens des gens.

L’ultra-consumérisme est proposé comme le seul chemin vers le bonheur. Le même discours biaisé est rabâché ad nauseam afin que tous finissent par croire en l’existence véritable des vêtements du roi (c'est-à-dire en la valeur de l’argent), alors que celui-ci est nu, selon l’image du fameux conte de Hans Christian Andersen, Les habits neufs de l'empereur.

Pourquoi le système matérialiste se sent menacé par la spiritualité

Dans ce règne de l’« avoir » exclusif, pas de remise en cause de soi-même – le problème vient toujours de l’extérieur, des autres, mais jamais de soi. Et la félicité résulterait uniquement de ce que l’on possède. Ne voit-on pas l’exemple classique de ce modèle en Donald J. Trump ?

La spiritualité, par contre, est un programme de liberté, de libération de l’être humain du joug de tout ce qui peut l’asservir (conditionnements, identifications, attachements...). Sa valeur la plus sacrée est la vie. Son but, centré sur la personne, est d’améliorer celle-ci, de l’amener à réaliser sa véritable nature divine, en unissant le microcosme avec le macrocosme et le métacosme. Cette spiritualité cherche donc à élever l’humanité plutôt qu’à la rabaisser, à la libérer plutôt qu’à l’asservir, à l’éduquer plutôt qu’à l’abrutir, à la guérir plutôt qu’à l’empoisonner – bref, tout le contraire du programme que nous réserve l’ultra-capitalisme.

Le domaine de la spiritualité est celui de l’« être », prônant les valeurs inclusives de l’amour, de la bienveillance, de la compassion, de la responsabilité et de l’harmonie. Le bonheur résulte de ce que l’on est, et de comment on est, dans une auto-transformation constante. Pour l’être spirituel, la « règle d’or » (i.e. traite les autres comme tu voudrais être traité, ou au moins ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse) est son seul dogme – car elle unit l’amour, la fraternité et la charité. Et lorsque quelque chose ne va pas, celui-ci préfère s’en prendre à lui-même plutôt qu’à autrui.

On comprend ainsi facilement que le système matérialiste se sente menacé par la spiritualité. Comment pourrait-il en être autrement ? Tout sépare ces deux modèles d’humanité (l’un proposé, l’autre imposé). Tous les moyens sont donc bons pour l’éradication de la spiritualité. Mais peut-on vraiment supprimer la nature inhérente de l’être humain ? Ils peuvent bien essayer. Ceci dit, à la fin – Messieurs les ultra-capitalistes –, c’est la lumière qui triomphera toujours.

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Rabbin orthodoxe, Gabriel Hagaï est enseignant-chercheur, philologue et paléographe-codicologue. Il est co-auteur avec Ghaleb Bencheikh, Emmanuel Pisani et Catherine Kintzler de La Laïcité aux éclats (entretiens avec Sabine Le Blanc, éd. Les Unpertinents, mai 2018).

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