L’homme est-il en droit d’opposer son veto à des actes de sa femme envers Dieu ?

Par Ahmed Abdouni, le 26/04/2019

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Il est de coutume qu’à l’occasion de l’avènement du mois de Chaabane qui précède le mois de Ramadan, les imams des mosquées s’échinent à expliquer, afin d’éclairer leur lanterne, aux croyants musulmans les actes, en matière de jeûne, qui sont licites, ceux qui sont souhaitables et ceux qui sont interdits pour que cet effort de plaire à Dieu puisse être agréé par Lui.

Après avoir égrené les cas de jeûne licite et souhaitable, ils se penchent sur le jeûne strictement interdit. Ils citent alors le cas de la femme, malade, en couches et d’autres situations nécessitant la non observance de ce rite parce qu’elles portent préjudice à la personne, ce qui en toute raison ne suscite la moindre objection. Puis, certains évoquent un cas dont le moins que l’on puisse dire est qu’il provoque la curiosité de l’esprit de toute personne humaine voulant éclairer les méandres de sa vie par la lumière de la raison. En effet, il est martelé, sur un ton on ne peut être sérieux et grave, l’interdiction à toute femme de pratiquer le jeune surérogatoire sans l’autorisation de son époux.

Un pouvoir marital qui pose question

En écoutant cette règle obligatoire, la sidération m’envahit. Vainement, j’ai cherché la cause de cette interposition entre la femme et Dieu. Dieu n’est-Il pas au dessus de sa créature, fut-elle un être humain mâle ? Pendant tout le chemin du retour chez moi, je n’ai cessé de creuser mon esprit pour trouver la moindre raison pouvant justifier cette interdiction.

Les traditionnistes modernes qui envahissent les réseaux sociaux et les différents médias ne soutiennent-ils pas que l’islam a libéré la femme ? Qu’il lui a rendu toute la dignité qu’elle mérite et même qu’elle en a fait le parfait égal de l’homme — du moins en matière de dévotion ? Alors qu’est-ce qui peut justifier la nécessité de cette autorisation maritale pour que la femme puisse se rapprocher de Dieu par un acte cultuel fortement recommandé ?

C’est une femme qui m’a donné une explication de cette mesure qui a défié mon esprit incapable de concevoir qu’un acte de piété envers Dieu le Tout-Puissant, exalté soit-Il, puisse être soumis à la censure de l’une de ses créatures.

L’explication serait la suivante : l’homme dont le désir sexuel est absolu envers sa femme ne doit souffrir aucune entrave, fut-elle un rapprochement de celle-ci, de son Créateur. Une épouse qui, par piété, décide de jeûner, en dehors du mois de Ramadan, pour plaire à Dieu doit, avant d’accomplir cet acte qui, en toute logique, peut être accompli sans le moindre préjudice pour ses devoirs envers son époux, est, selon l’orthodoxie, dans l’obligation de demander l’assentiment de celui-ci qui peut exercer son pouvoir discrétionnaire en fonction de sa libido. Ainsi, en l’espèce, ne pourrait-on pas être frôlé par l’idée qu’à force d’idéaliser l’homme par rapport à la femme, l’orthodoxie ne se gênerait pas à le déclarer supérieur à son Créateur, parce qu’il lui revient de droit d’autoriser ou de refuser un rapprochement de sa femme envers Dieu?

Subir le désir de son homme ne peut qu’être assimilé à une violence sexuelle

En instituant ce pouvoir marital, l’orthodoxie ne viole-t-elle pas des principes coraniques qui énoncent que « l’homme ne récoltera que les fruits des efforts qu’il aura lui-même déployés » (Coran : 53-40) et que « personne ne portera le fardeau d’autrui. Et si une âme surchargée (de péchés) appelle à l’aide, rien de sa charge ne sera supporté par une autre même si c’est un proche parent » (Coran: 35-18).

Toutes ces questions s’imposent à un moment où la tendance générale dans le monde est à la reconnaissance de la maîtrise de la femme sur son corps. Son droit de ne pas être l’esclave sexuelle de son époux et de ne pas être dans l’obligation de faire de son désir le sien est l’un des droits fondamentaux qui s’opposent à la domination masculine sur le corps des femmes que l’orthodoxie légalise allègrement. Subir le désir de son homme, dans le déni de son droit d’exprimer son choix ne peut qu’être assimilé à une violence sexuelle. L’islam n’interdit-il pas la violence sous toutes ses formes et particulièrement celle exercée sur les femmes ?

En définitive, on peut dire, sans crainte de se tromper, que cette règle injuste et scélérate est un évident marqueur de la place de la femme dans la société telle que conçue par l’orthodoxie.

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