L’art de réciter le Coran : entre science et spiritualité

Par Participation et Spiritualité Musulmanes (PSM), le 03/10/2025

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La récitation du Coran n’est pas un simple exercice de lecture : c’est un acte d’adoration et une transmission vivante de la Parole divine. Pour qu’elle ait un véritable impact sur ceux qui écoutent, elle doit conjuguer exactitude technique, connexion spirituelle et profondeur émotionnelle.

Le Prophète, paix et salut sur lui, lui-même aimait écouter la récitation des autres. Un jour, il demanda à Abdullah ibn Mas‘ûd, que Dieu l’agrée, de lui réciter le Coran. Ce dernier s’étonna : « Ô Messager de Dieu, dois-je te réciter alors qu’il a été révélé pour toi ? » Le Prophète, paix et salut sur lui, répondit : « J’aime l’entendre de la bouche d’un autre. » Ibn Mas‘ûd se mit alors à réciter la sourate An-Nisâ, et lorsque le Prophète, paix et salut sur lui, entendit le verset : « Comment sera-ce quand Nous ferons venir de chaque communauté un témoin, et que Nous t’amènerons comme témoin contre eux ? » (Coran 4:41), ses yeux se remplirent de larmes (hadith rapporté par Boukhari et Mouslim.

Cet épisode illustre la puissance de la récitation : elle ne transmet pas seulement des mots, mais elle éveille les cœurs, touche les âmes et fait couler les larmes, même à celui à qui le Coran fut révélé.

Respecter les règles de tajwîd : la base de toute récitation

Le tajwîd est l’art de prononcer chaque lettre et chaque mot du Coran de façon correcte. Il repose sur le respect des points d’articulation (makhârij al-ḥurûf), qui exigent que chaque lettre soit prononcée depuis l’endroit précis de la bouche ou de la gorge qui lui correspond.

À cela s’ajoutent les attributs des lettres (ṣifât al-ḥurûf), qui impliquent d’appliquer correctement les sons emphatiques, les prolongations ou encore les nasalités (ghunnah). Le respect des règles d’assimilation et de pause, telles que l’idghâm, l’ikhfâ ou le waqf, assure une récitation fidèle. Enfin, le rythme doit être mesuré : réciter avec précipitation risque de brouiller le sens et d’altérer l’impact. Cette exactitude préserve la transmission authentique du texte et garantit que le message reste intact.

Préparer son cœur avant de réciter

Une récitation qui touche commence avant même le premier son. Elle repose d’abord sur la sincérité (ikhlâs) : réciter uniquement pour Dieu, sans rechercher l’admiration ni l’approbation des autres. Elle nécessite aussi un état de pureté, en accomplissant les ablutions et en choisissant un lieu propre et calme, propice à la concentration.

Avant de réciter, il est précieux de pratiquer la méditation du sens, en lisant la traduction et les commentaires afin de comprendre les versets que l’on va prononcer. Enfin, la récitation ne prend tout son sens que lorsqu’elle est accompagnée d’une présence de cœur (khushû‘), c’est-à-dire la conscience que le Coran est une parole divine qui s’adresse à soi personnellement.

Donner une couleur émotionnelle aux versets

Chaque passage du Coran porte une tonalité particulière, et le récitant peut la transmettre à travers sa voix et son rythme. Lorsqu’il s’agit de versets de louange et de glorification, comme ceux de la Fatiḥa ou du verset du Trône (Ayat al-Kursî), la récitation gagne à être majestueuse, avec une voix ample et posée. Les passages qui parlent de miséricorde et de promesse, notamment ceux qui évoquent le Paradis et le pardon divin, appellent une voix douce et apaisante, qui inspire l’espérance. À l’inverse, les versets d’avertissement et de châtiment nécessitent un ton grave et solennel, avec des pauses lourdes qui soulignent la gravité du message.

Les passages qui invitent à la méditation et à l’émerveillement, lorsqu’ils décrivent la création ou les signes de Dieu, se prêtent à une mélodie contemplative, presque méditative.

Enfin, lorsqu’il est question de narration, comme dans les récits des Prophètes, la récitation doit être fluide et rythmée, de façon à suivre le fil du récit et à maintenir l’attention de l’auditeur.

Utiliser la psalmodie pour favoriser la méditation

Le Coran nous invite à le réciter avec lenteur et clarté, comme le rappelle le verset 4 de la sourate 73 : « Récite le Coran lentement et clairement. » La psalmodie, appelée tartîl, consiste justement à ralentir la récitation, à articuler soigneusement chaque mot et à marquer des pauses appropriées.

Cette approche est particulièrement adaptée aux passages qui suscitent la réflexion, comme ceux qui évoquent la grandeur et la miséricorde de Dieu, ou encore les récits qui prennent toute leur intensité lorsqu’ils sont savourés progressivement. Le tartîl permet à l’auditeur de s’imprégner du message et de ressentir pleinement la profondeur spirituelle du texte.

Créer un contexte propice à l’écoute

La récitation ne se limite pas à la voix, elle dépend aussi du cadre dans lequel elle est transmise. Le moment choisi joue un rôle important : elle prend souvent une force particulière après la prière ou dans les instants de calme.

L’environnement doit également être paisible, propre et respectueux, avec une sonorité claire et, si nécessaire, un micro bien réglé. Enfin, la posture du récitant contribue elle aussi à l’impact : son attitude doit refléter le respect, sa concentration doit être visible et ses gestes, sobres et mesurés, renforcent l’attention de l’auditoire.

Éviter l’exagération et l’ostentation

Pour que la récitation reste sincère et authentique, il est essentiel de ne pas tomber dans l’excès. Une psalmodie trop théâtrale peut détourner du message et réduire la Parole de Dieu à une performance artistique. L’objectif n’est jamais de briller par la virtuosité vocale, mais de transmettre le sens et l’émotion du texte.

Ainsi, les exagérations dans la mélodie ou les effets artificiels doivent être évités. La voix doit rester au service du message, et l’intention du récitant doit constamment se rappeler que sa récitation est d’abord adressée à Dieu, avant de l’être aux auditeurs.

Progresser dans sa récitation

Comme toute science et tout art, la récitation du Coran s’entretient et s’affine avec le temps. Pour progresser, il est précieux d’écouter régulièrement les maîtres récitateurs tels que Cheikh Al-Husary, Al-Minshawi ou Abdul Basit, et d’analyser la richesse de leurs styles. La pratique régulière est indispensable, tout comme le fait de se faire corriger par un professeur afin d’améliorer la précision de la prononciation et l’application des règles de tajwîd. Mais au-delà de la technique, la progression spirituelle vient aussi de la méditation quotidienne du Coran, qui nourrit la profondeur et la sincérité de la récitation.

Réciter le Coran avec tajwîd est une obligation, mais le faire avec cœur, émotion et justesse est un art qui s’apprend en pieuse compagnie, auprès de maîtres, de compagnons vertueux, dans un cadre de transmission vivante. L’objectif est de transmettre le message de Dieu de manière qu’il touche les cœurs et réveille les consciences. Une récitation réussie allie exactitude technique, sincérité intérieure, justesse émotionnelle et humilité. Ainsi, le récitant devient un véritable messager du Message, et son auditoire en ressort transformé.

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Première parution sur le site de Participation et Spiritualité Musulmanes (PSM).

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