Quand les poulets « halal » de Doux cachent des conditions d’élevage indignes (vidéo)

Par Lionel Lemonier, le 03/05/2023

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L’association L214 a dévoilé la manière dont des poulets à destination du marché saoudien sont élevés en France. Un exemple parmi d’autres des dérives du fonctionnement de l’agrobusiness français qui donne de nouveau matière à réfléchir.

Élevés dans un hangar sans fenêtre à la lumière d’ampoules allogènes, des poulets qui peuvent à peine se tenir sur leurs jambes sont parqués par milliers dans un espace confiné les obligeant à se monter les uns sur les autres. Au milieu de volailles privés d'extérieur et mal en point pour partie d'entre elles, de nombreux cadavres y sont régulièrement retrouvés... L214 a encore frappé les esprits avec sa dernière enquête filmée sur les poulets bretons destinés au marché saoudien. Dans une vidéo rendue publique mardi 25 avril, l’association dénonce les conditions indignes dans lesquels les animaux de l’élevage intensif sont tenus. Or là, il s’agit de poulets qui seront tués en vue de leur exportation sur le marché saoudien. Le tout sous une étiquette « halal » qui laisse aussi sans voix les défenseurs musulmans du bien-être animal.

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Ces images proviennent d’un élevage breton installé à Sizun, dans le Finistère. Liée par contrat à la coopérative Yer Breizh, cette exploitation agricole nourrit quelque 33 000 poulets avec du soja importé du Brésil, pays qui s’attaque à la forêt vierge pour développer sa filière de soja et ses exportations. La coopérative Yer Breizh appartient au groupe LDC et à la région Bretagne. Les poulets sont livrés à l’abattoir France Poultry, installé à Châteaulin. 90 % de la production de l’abattoir est destinée aux pays du Gofle Persique, et 78 % vers l’Arabie saoudite, note L214.

Une publicité mensongère auprès des consommateurs saoudiens

« La viande est congelée et exportée vers les pays de la péninsule arabique, principalement vendue sous la marque Doux », explique L214. Cette marque française n’est plus distribuée en France depuis son rachat en 2018 par le groupe LDC, qui s'est lui-même associé au groupe saoudien Al-Munajem. « Les images montrent des animaux entassés à plus de 26/m2 dans un bâtiment insalubre. Nourris au soja OGM, ils ne sont âgés que d’un mois et montrent déjà des signes de mauvaise santé. On découvre dans cet élevage des seaux et un congélateur, remplis d’une centaine de cadavres d'animaux », précise L214 dans un message envoyé à ses soutiens.

Le plus scandaleux, dénonce Léo Le Ster, chargé de campagne agroalimentaire chez L214, c’est de découvrir les publicités de la marque Doux. Dans une pub animée, la marque présente en effet aux consommateurs de la péninsule arabique des poulets dansant en plein air dans une ferme qui expliquent combien ils sont bien traités et bien nourris, sans OGM. Et Léo Le Ster de conclure : « Si les consommateurs voyaient les vraies images des élevages, ils n’achèteraient pas. C'est scandaleux d'élever des poulets dans des conditions aussi sordides et de cacher cette réalité aux consommateurs. »

L214 a porté plainte contre l’élevage, son responsable et la coopérative Yer Breizh auprès du procureur de Brest. Elle exige du groupe LDC, qui compte dans son giron les marques Le Gaulois, Maître Coq, Loué et Marie, le respect des critères du European Chicken Commitment (ECC) pour limiter la densité d’animaux dans les élevages à 30 kg/m2 au maximum, alors qu’elle peut atteindre plus de 35kg/m2 aujourd’hui. Une pétition est également en ligne pour tenter de faire pression sur ce groupe dont les produits représentent 40 % du marché français des poulets d’élevage. Plus de 165 000 signatures ont été collectées à ce jour.

En tant que « groupe leader en France et en Europe », LDC « se doit d’être exemplaire vis-à-vis des conditions d’élevage, particulièrement lorsqu’il engage de l'argent public avec les investissements de la région Bretagne, fait savoir Brigitte Gothière, cofondatrice de L214. LDC n’a aucune excuse pour ne pas s’engager à respecter les critères minimaux de l’ECC pour les poulets. »

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