Législatives 2024 : des responsables musulmans se dressent contre le « péril » du RN et de l’extrême droite

Par Hanan Ben Rhouma, le 03/07/2024

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Face aux grands dangers que fait courir l’extrême droite à la société en général et aux musulmans de France en particulier, des cadres religieux et des personnalités de la société civile ont lancé depuis la Grande Mosquée de Paris, durant l'entre-deux tours, un appel citoyen à se mobiliser massivement dans les urnes contre le Rassemblement national.

Plus de dix millions de Français ont glissé un bulletin Rassemblement national dans les urnes au premier tour des élections législatives dimanche 30 juin. Cette percée historique du parti d’extrême droite est des plus inquiétantes pour une écrasante majorité des musulmans de France. Elle doit aussi l’être pour la société française toute entière..

C’est dans « ces jours décisifs pour l'avenir de la France » que des responsables du culte musulman et des membres de la société civile de culture ou de confession musulmane se sont réunis, mercredi 3 juillet, à la Grande Mosquée de Paris pour lancer un appel à la mobilisation de tous les citoyens, « quelles que soient leur croyances ou leurs origines », contre l’extrême droite lors du second tour dimanche 7 juillet.

« Nous nous dressons fermement contre le projet du Rassemblement national, contre son idéologie, contre ses racines que nous n'oublions pas. Ces dernières années, d'une manière aussi évidente que pernicieuse, le projet et le langage du RN se sont bâtis sur l'invention d'une peur et d'un antagonisme : le musulman. Nous sommes là (…) pour discréditer et remettre en cause ce programme forgé dans le racisme, la xénophobie, l'intolérance et qui renie l'histoire et le présent véritable de la France. Nous voulons affirmer que nos concitoyens musulmans ne peuvent pas servir d'exutoire aux problèmes de notre société dont les causes se trouvent ailleurs et dont la résolution ne surviendra que par le renforcement de l'unité du pays », affirme le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, tirant ces mots d’une déclaration de principes signée par de nombreux cadres musulmans à travers le pays.

La citoyenneté en partage

« Que les choses soient claires : nous ne faisons pas de politique, nous nous dressons contre un péril qui nous concerne tous (…), contre une idéologie contraire aux plus grandes valeurs républicaines dans lesquelles nous, musulmans, nous retrouvons pleinement », insiste-t-il, avant d’appeler « toutes les institutions religieuses de tous les cultes à s'affirmer contre la montée de l'extrême droite ». Car les cadres religieux sont aussi des citoyens comme les autres et doivent tout autant que les autres « participer à ce jeu démocratique qui est aujourd’hui capital ».

« Nous leur disons de ne pas hésiter, de ne pas se tromper de combat face à la volonté de l'extrême droite de détruire les valeurs que nos religions ont en partage : l'amour du prochain, la justice, la dignité humaine, la protection du plus faible, l'égalité et enfin, la fraternité. Nous ne pouvons pas laisser la peur, la division et l'intolérance déterminer notre avenir. Face aux idées de l'extrême droite, nous appelons à l'union nationale. Protéger notre pays est un devoir. Voter est un impératif, voter est une espérance », conclut le recteur.

Les musulmans ont « besoin de se sentir soutenus » contre l’entreprise du RN et de ses alliés

Pour Sadek Beloucif, chef du service à l'hôpital Avicenne (Seine-Saint-Denis), « on sait tous que la peur est mauvaise conseillère. Nous voulons, avec cet appel, résolument nous ancrer dans le présent et dans la confiance. (…) Le vote est porteur d'une espérance (…) pour lutter contre une espèce de prophétie autoréalisatrice » en martelant sans cesse que « immigration - islam – insécurité, c'est la même pièce, ce qui revient à faire de millions de personnes des boucs émissaires alors qu'ils sont des Français comme les autres ».

« C’est vrai que, depuis quelques temps, la peur commence à habiter un certain nombre d'entre nous », témoigne le recteur de la Grande Mosquée de Lyon et président du Conseil des mosquées du Rhône, Kamel Kabtane. Face à la stigmatisation, « la communauté musulmane ne peut pas rester insensible (…), elle doit réagir et nous devons réagir non pas tout seuls mais avec l'ensemble de nos compatriotes qui sont conscients des dangers pour la France aujourd'hui. J'estime qu'il y a besoin aujourd'hui de nous sentir soutenus, encouragés » du reste de la société. Et d’ajouter plus tard : « Nous (musulmans) sommes les défenseurs de ce pays parce que nous sommes aujourd'hui cette force capable de dire non à l'intégrisme. Nous nous battons dans nos mosquées justement pour faire en sorte que la paix sociale puisse s'installer. »

Voter, un droit qui devient « devoir » pour protéger la démocratie

Cet appel à la mobilisation, Myriam Edjlali, médecin à l’hôpital Raymond-Poincaré (Hauts-de-Seine), y souscrit complètement car « pour la première fois de ma vie, comme je pense beaucoup d'entre nous, je ressens un vrai risque de rupture de confiance institutionnelle. Si cette confiance est rompue, nous ne pouvons plus avoir la confiance que nous devons pour construire un pays, cette confiance fraternelle qui nous lie les uns aux autres. Notre République, c'est elle qui porte nos valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité » que le RN sape par un programme qui divise les Français selon leurs origines et leurs religions.

« Nous ne pouvons pas accepter une démarche pernicieuse de vouloir opposer les musulmans aux juifs », précise, en ce sens, Chems-Eddine Hafiz, qui comptait à ses côtés le président d’honneur de la fédération Musulmans de France (MF), Lhaj Thami Breze, et le secrétaire général de la Fédération des associations islamiques d'Afrique, des Comores et des Antilles (FFAIACA), Assani Fassassi. « C'est inadmissible, c'est inacceptable et c'est irrespectueux des valeurs qui sont les nôtres sur le plan religieux et humain. Les juifs et les musulmans de France (…) sont membres d’une communauté nationale. »

Présent à la GMP, Azzedine Taibi, maire de Stains (Seine-Saint-Denis), a salué une prise de parole « à la fois courageuse et nécessaire pour la France et pour la cohésion nationale ». « Les logiques d’exclusion qui sont à l’œuvre conduiraient inévitablement à une forme de chacun pour soi absolument mortifère, signifie Sadek Beloucif. La démocratie, c’est la lutte contre le totalitarisme et elle s’exprime avec un outil extrêmement simple qui est le vote. Le vote est un droit mais il y a des circonstances comme celles d’aujourd’hui, face à la menace de l’extrême droite, où ce droit devient un devoir. C’est très simplement mais fermement ce que nous voulons dire à l’adresse de tous les Français. »

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