L'image de l'abbé Pierre n'est désormais plus associée à la lutte contre la pauvreté et le mal-logement mais plutôt à celui d'un « prédateur sexuel » selon Emmaüs, depuis les révélations sur les agressions sexuelles commises par Henri Grouès de son vivant. La vague de témoignages choquants, qui secouent particulièrement la communauté catholique, suscite de multiples interrogations que l'Eglise de France veut aujourd'hui contribuer à lever.
Un mythe s’est effondré cet été, mais les récentes révélations continuent de dépeindre un portrait plus sombre encore de l’abbé Pierre, Henri Grouès de son vrai nom. Contacts non sollicités sur les seins, baisers imposés, fellations forcées, propos à caractère sexuel… des témoignages accablants – au moins 24 depuis juillet dernier – s’accumulent contre le fondateur d’Emmaüs, créant l’émoi dans une société française où l’homme a souvent été élu au rang de personnalité préférée des Français.
Les terribles agissements se sont produits entre les années 1950 et les années 2000, en France mais également à l'étranger. Dernièrement, des déclarations faites en 1990 par une ancienne prostituée de Genève en direct à la télévision française ont refait surface, faisant apparaître une double vie de l’abbé en Suisse. Elle avait assuré avoir vu l’homme dans sa maison close, mais son témoignage n’avait alors pas été jugé crédible.
L’Eglise catholique, en tant qu'institution, n’échappe naturellement pas aux critiques. Quelle responsabilité a-t-elle dans cette histoire ? Comment l’abbé Pierre a-t-il pu agir en toute impunité, sans être inquiété durant des décennies ? Et surtout, comment fut-il possible que ses graves déviances n’aient pas été mises au jour plus tôt ? Le pape François a réagi sur l'affaire vendredi 13 septembre à son retour d’un voyage apostolique en Asie. Le souverain pontife a reconnu que le Vatican avait connaissance des violences sexuelles commises par l’abbé Pierre, au moins après son décès en 2007. « Que savait le Vatican de l'abbé Pierre ? Je ne sais pas, parce que je n'étais pas là à l'époque. Ce qui est certain c'est qu'après sa mort, on savait », a-t-il indiqué.
Cette déclaration ne passe pas auprès d’associations de victimes. « On est dans l'ultime trahison de la vie et des plus faibles. (…) Cet exercice de transparence une fois qu'on est acculé n'est pas très digne de la religion catholique », a fait savoir sur France Info François Devaux, fondateur de l'association Parole libérée.
Les terribles agissements se sont produits entre les années 1950 et les années 2000, en France mais également à l'étranger. Dernièrement, des déclarations faites en 1990 par une ancienne prostituée de Genève en direct à la télévision française ont refait surface, faisant apparaître une double vie de l’abbé en Suisse. Elle avait assuré avoir vu l’homme dans sa maison close, mais son témoignage n’avait alors pas été jugé crédible.
L’Eglise catholique, en tant qu'institution, n’échappe naturellement pas aux critiques. Quelle responsabilité a-t-elle dans cette histoire ? Comment l’abbé Pierre a-t-il pu agir en toute impunité, sans être inquiété durant des décennies ? Et surtout, comment fut-il possible que ses graves déviances n’aient pas été mises au jour plus tôt ? Le pape François a réagi sur l'affaire vendredi 13 septembre à son retour d’un voyage apostolique en Asie. Le souverain pontife a reconnu que le Vatican avait connaissance des violences sexuelles commises par l’abbé Pierre, au moins après son décès en 2007. « Que savait le Vatican de l'abbé Pierre ? Je ne sais pas, parce que je n'étais pas là à l'époque. Ce qui est certain c'est qu'après sa mort, on savait », a-t-il indiqué.
Cette déclaration ne passe pas auprès d’associations de victimes. « On est dans l'ultime trahison de la vie et des plus faibles. (…) Cet exercice de transparence une fois qu'on est acculé n'est pas très digne de la religion catholique », a fait savoir sur France Info François Devaux, fondateur de l'association Parole libérée.
Qu’en dit l’Eglise de France ?
Du côté de l’Eglise de France, qui a décidé d’ouvrir sans délai ses archives concernant l’abbé Pierre alors que cette durée est usuellement de minimum 75 ans après la mort du religieux, la Conférence des évêques de France (CEF) entend « réaffirmer » son travail « pour que la vérité soit faite sur les faits d’agressions et de violences sexuelles comme aussi sur les faits d’emprise spirituelle, et pour revoir ses fonctionnements ».
« Il est désormais établi que, dès 1955-1957, quelques évêques au moins ont su que l’abbé Pierre avait un comportement grave à l’égard des femmes. Des mesures ont été prises, dont une cure psychiatrique. On peut les juger insuffisantes, on peut regretter qu’elles aient été gardées très confidentielles. Elles représentent cependant une réaction forte au regard des manières de faire de ce temps, dans l’Église sans doute, mais aussi dans la société entière », fait savoir, lundi 16 septembre, son président, Mgr Eric Moulins-Beaufort, qui forme « le vœu que le Vatican se livre à une étude de ses archives et dise ce que le Saint-Siège a su et quand il l’a su ».
« Il est établi aussi désormais que l’on savait, au moins dans certains cercles d’Emmaüs, l’abbé Pierre étant encore vivant, qu’il devait être surveillé parce qu’il était dangereux pour les femmes qui s’approchaient de lui, signifie l’archevêque de Reims dans une trbune au Monde. Or, des biographies nombreuses et fouillées ont été écrites sur l’abbé Pierre et des films ont été réalisés à son propos, de son vivant et après sa mort. Aucune de ces études, aucun de ces films ne laisse apercevoir qu’il se livrait à des agressions sexuelles. Cela doit être interrogé. »
Dans cette affaire, estime le président de la CEF, « mettre en cause l’Eglise et le célibat sacerdotal n’est pas à la hauteur de ce que les agressions sexuelles commises par l’abbé Pierre nous obligent encore à voir. (…) Ne croyons pas tenir un jour un coupable sur qui l’on pourra faire reposer tout le poids de l’opprobre ».
Face au scandale, la Fondation Abbé Pierre a acté le changement de nom, tandis qu’Emmaüs a définitivement fermé le centre mémoriel qui avait été créé en 2012 dans le village d’Esteville, en Seine-Maritime. « La mort de l’abbé Pierre empêche la tenue d’un procès, mais elle n’éteint pas la soif de justice. Et le poids immense de ce silence rend à nos yeux nécessaire une reconnaissance de leur statut aux victimes. La responsabilité de ceux qui ont vu mais ont détourné le regard, ont su mais n’ont rien fait, ont entendu mais n’ont pas écouté, doit être assumée, et leur complicité, active ou passive, doit être jugée », affirment des membres d’Agir pour notre Église, collectif de fidèles catholiques rassemblés après la Commission indépendante sur les abus sexuels de l'Eglise (Ciase) dans une tribune parue dans La Croix lundi 16 septembre. « L’option préférentielle pour la bonne réputation aux yeux du monde, que tant de personnes alertées ont choisie au détriment de la justice, doit être dénoncée pour ce qu’elle est aussi : un scandale devant Dieu. »
Lire aussi :
Des révélations chocs sur l'abbé Pierre, fondateur d'Emmaüs, accusé d'agressions sexuelles
« Il est désormais établi que, dès 1955-1957, quelques évêques au moins ont su que l’abbé Pierre avait un comportement grave à l’égard des femmes. Des mesures ont été prises, dont une cure psychiatrique. On peut les juger insuffisantes, on peut regretter qu’elles aient été gardées très confidentielles. Elles représentent cependant une réaction forte au regard des manières de faire de ce temps, dans l’Église sans doute, mais aussi dans la société entière », fait savoir, lundi 16 septembre, son président, Mgr Eric Moulins-Beaufort, qui forme « le vœu que le Vatican se livre à une étude de ses archives et dise ce que le Saint-Siège a su et quand il l’a su ».
« Il est établi aussi désormais que l’on savait, au moins dans certains cercles d’Emmaüs, l’abbé Pierre étant encore vivant, qu’il devait être surveillé parce qu’il était dangereux pour les femmes qui s’approchaient de lui, signifie l’archevêque de Reims dans une trbune au Monde. Or, des biographies nombreuses et fouillées ont été écrites sur l’abbé Pierre et des films ont été réalisés à son propos, de son vivant et après sa mort. Aucune de ces études, aucun de ces films ne laisse apercevoir qu’il se livrait à des agressions sexuelles. Cela doit être interrogé. »
Dans cette affaire, estime le président de la CEF, « mettre en cause l’Eglise et le célibat sacerdotal n’est pas à la hauteur de ce que les agressions sexuelles commises par l’abbé Pierre nous obligent encore à voir. (…) Ne croyons pas tenir un jour un coupable sur qui l’on pourra faire reposer tout le poids de l’opprobre ».
Face au scandale, la Fondation Abbé Pierre a acté le changement de nom, tandis qu’Emmaüs a définitivement fermé le centre mémoriel qui avait été créé en 2012 dans le village d’Esteville, en Seine-Maritime. « La mort de l’abbé Pierre empêche la tenue d’un procès, mais elle n’éteint pas la soif de justice. Et le poids immense de ce silence rend à nos yeux nécessaire une reconnaissance de leur statut aux victimes. La responsabilité de ceux qui ont vu mais ont détourné le regard, ont su mais n’ont rien fait, ont entendu mais n’ont pas écouté, doit être assumée, et leur complicité, active ou passive, doit être jugée », affirment des membres d’Agir pour notre Église, collectif de fidèles catholiques rassemblés après la Commission indépendante sur les abus sexuels de l'Eglise (Ciase) dans une tribune parue dans La Croix lundi 16 septembre. « L’option préférentielle pour la bonne réputation aux yeux du monde, que tant de personnes alertées ont choisie au détriment de la justice, doit être dénoncée pour ce qu’elle est aussi : un scandale devant Dieu. »
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