Un navire-école à l'assaut de la Méditerranée pour construire la paix entre les peuples

Par Hanan Ben Rhouma, le 11/02/2025

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A bord du Bel Espoir, c’est une expédition sans pareille à laquelle 200 jeunes de toutes nationalités, cultures et religions vont se lancer entre mars et octobre 2025. Afin de promouvoir le dialogue interculturel et interreligieux, et la paix in fine, ils s'apprêtent à faire le tour de la Méditerranée, un berceau de civilisations qui cristallisent nombre de tensions et d'enjeux.

Un tour de la paix en Méditerranée, une odyssée maritime rêvée qui devient réalité pour Alexis Leproux, vicaire épiscopal chargé des relations méditerranéennes. Dans le sillage des Rencontres méditerranéennes à Marseille en septembre 2023, marquées par la visite historique du pape François, puis à Tirana (Albanie) en septembre 2024, un navire-école lèvera l’ancre le 1er mars à Barcelone pour sillonner la Mare Nostrum durant huit mois. Au bord du trois-mâts Le Bel Espoir, huit groupes constitués de 25 jeunes, soit au total 200 jeunes de toutes nationalités et religions, feront escale dans une trentaine de ports de la Méditerranée afin de sensibiliser au dialogue des cultures et à la paix. « On cible clairement une jeunesse qui veut la paix », indique le prêtre.

L’idée derrière cette aventure inédite pilotée par l’association diocésaine de Marseille (ADM) : « Que la jeunesse se saisisse de son destin et qu’elle construise la Méditerranée de demain qu'elle veut avoir », explique Alexis Leproux. Cet espace, berceau de nombreuses civilisations dont le vicaire épiscopal dit à Saphirnews être tombé « amoureux » au cours de ses années d’études bibliques dans les années 1990, « est devenu ma maison et je suis très attaché à ce que cette maison soit préservée, qu'elle ne prenne pas feu. Très attaché aussi à ce que les enfants de cette maison puissent librement circuler dans les différentes pièces du palais méditerranéen et apprécier les trésors que nous avons en partage autour de cette mer ».

Un projet conçu comme « une synode de la Méditerranée interconfessionnel »

Jusqu’à la fin du mois d’octobre 2025, les jeunes, des hommes et des femmes âgés de 20 à 35 ans ayant « des préoccupations écologiques et interreligieuses », rallieront les ports de Barcelone (Espagne), Tétouan (Maroc), Bizerte (Tunisie), Palerme et Naples (Italie), La Valette (Malte), Athènes (Grèce), Limassol (Chypre) ou encore Istanbul (Turquie), avant de finir sa course à la Cité phocéenne. Il s’agira de « faire dialoguer les cinq rives », à savoir les Balkans, l'Europe latine, l'Europe du Sud, l'Afrique du Nord et le Proche-Orient, et non pas uniquement le nord et le sud, pour ainsi « casser les schémas binaires », selon Alexis Leproux.

Entourés d’un équipage de grands professionnels de la mer, les jeunes, sélectionnés sur candidature, se confieront à « l’art éducatif maritime » de l’association AJD, qui anime des actions en mer en faveur du brassage social et de l’insertion des jeunes. Au cours de ce voyage hors normes, ils suivront des sessions de formation en partenariat avec l’association Mar Yam, qui promeut la culture du dialogue en Méditerranée. Ils participeront à des colloques thématiques autour, entre autres, de l’éducation, de la place des femmes, des défis migratoires, des christianismes d’Orient et d’Occident et du dialogue interreligieux. Des festivals clôtureront chaque session.

« On écrira à chaque étape un chapitre d'un livre blanc qui sera remis au pape François et aux collectivités locales que nous aurons visitées » à l’issue de l’expédition, indique Alexis Leproux. Cette synthèse « donnera aux acteurs de la Méditerranée l'écho de 200 jeunes, comme une forme de synode de la Méditerranée interconfessionnel ».

« Se donner les moyens de construire la paix entre les peuples »

Ce MED 25, « à la fois modeste et symbolique », coûte environ un demi-million d’euros. « Nous sommes à 60 % de ce dont nous avons besoin », et ce grâce à des donateurs privés et à des entreprises, signale les responsables. Ils peuvent aussi compter sur le ministère des Affaires étrangères sur les plans financier et surtout logistique pour faciliter l'obtention des visas aux jeunes. Des expertises ont également été proposées ici et là à titre bénévole ; une économie bienvenue. Quant aux jeunes, ils donnent ce qu’ils peuvent ; c’est à leur discrétion, sachant que le coût du voyage par personne est estimé à 1 500 €. Enfin, en parallèle des sessions de formation, des stages de voile – dix au total d’une escale à l’autre – seront également assurés par l’AJD afin de payer l’équipage et financer le convoyage.

A trois semaines du coup d’envoi de l’expédition, qui coïncidera avec le début du mois du Ramadan 1446/2025, l’enthousiasme monte crescendo. « Cette aventure, c'est aussi avoir de quoi nourrir un imaginaire d'espérance où il faut voyager, se rencontrer... La vie est une aventure incroyable, même s'il y a des guerres », assure Alexis Leproux, pour qui l’enjeu est aussi de « faire prendre conscience au monde que la paix est un chantier. Si on ne la construit pas, on ne l'aura jamais ».

« On ne se laissera pas voler la Méditerranée par des prédateurs lointains qui en font leur terrain de jeu ou leur terrain de bataille (…). Aux jeunes de la Méditerranée d'habiter leur lieu et de faire en sorte qu'elle reste un lieu de rencontre des cultures et de paix religieuse et non de conflits. Les responsables des guerres ne sont pas ceux qui les déclenchent mais tous ceux qui ne font pas tout pour les éviter. »

Pour Alexis Leproux, « l’objectif très long terme, quasiment messianique, c'est la paix universelle ». « On n'est pas naïfs, on sait qu'elle n'aura pas lieu de ce temps. (…) Mais le point focal de cette aventure est de se donner les moyens de construire la paix entre les peuples (…) et le simple fait d'organiser ces voyages est une sorte de défi lancé à l'esprit belliqueux et aux murs qui sont élevés », poursuit-il. « Ce bateau a comme objectif de déconstruire les murs non pas de façon naïve mais de faire en sorte que des gens puissent se former à des rencontres telles que, quand il y a des opportunités de paix, il y a des acteurs capables de la construire. »

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