Une « ignominie islamophobe » : l'effroi des musulmans après le meurtre à la mosquée de La Grand-Combe

Par Lina Farelli, le 27/04/2025

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La piste islamophobe est sérieusement envisagée par les enquêteurs aux lendemains du meurtre d'un fidèle de la mosquée de La Grand-Combe, dans le Gard, dans l'enceinte même du lieu de culte musulman. Les réactions politiques se font plus nombreuses désormais, jusqu'au sommet du gouvernement, mais les appels à bien plus de considération et d'action face à un acte aussi grave se multiplient.

A mesure que le caractère islamophobe du meurtre, vendredi 25 avril, du fidèle de la mosquée Khadidja, à La Grand-Combe, apparaît des plus plausibles, la composante musulmane française, déjà inquiète depuis fort longtemps par l'islamophobie d'ambiance en France, est aujourd'hui saisie d'effroi. Ce sentiment est d'autant plus grand que le suspect, désormais identifié, est toujours en fuite, qu'il est « potentiellement extrêmement dangereux » et qu'il a « manifesté son intention de recommencer », selon le procureur de la République d'Alès, Abdelkrim Grini.

Selon les images tournées par la caméra de vidéosurveillance installée dans la salle de prière, l'auteur des faits, qui n'est donc ni un fidèle ni même musulman contrairement à ce qui avait été relayé au départ, a poignardé à des dizaines de reprise un jeune homme en pleine prière qui venait préparer les lieux pour la prière du vendredi. Il a ensuite filmé la victime à l'agonie en exhibant son couteau plein de sang. Cette terrible scène, dans laquelle on l'entend aussi proférer des insultes blasphématoires, a été diffusée sur un réseau social par une connaissance du suspect qui a reçu la vidéo. Celle-ci a été rapidement supprimée, selon l'AFP.

Le corps de la victime a été découvert plus tard dans la matinée par des fidèles venus accomplir la grande prière hebdomadaire. Le choc, alors qu'il est rapidement identifié : prénommé Aboubakar, il était âgé de 22 ans et était un habitué de la mosquée, très apprécié dans le quartier de Trescol.

Des condamnations politiques du gouvernement

Au lendemain de l'effroyable crime, de nombreux élus et responsables politiques ont fait part de leur consternation et ce, au-delà des rangs de la gauche. « L’ignominie islamophobe s’est exhibée sur une vidéo. Nous sommes avec les proches de la victime, avec les croyants si choqués. Les moyens de l’État sont mobilisés pour que l’assassin soit saisi et puni », a réagi, samedi 26 avril, le Premier ministre François Bayrou.

La veille, le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, avait exprimé son « soutien à la famille de la victime » et sa « solidarité à la communauté musulmane touchée par cette violence barbare, dans son lieu de culte, le jour de la grande prière ». « L’ignoble assassinat qui s’est déroulé dans une mosquée dans le Gard, blesse le cœur de tous les croyants, de tous les musulmans de France. Sincères pensées à la famille de la victime et confiance dans la justice pour retrouver et juger l’auteur de cet acte inqualifiable dans un édifice religieux sacré », a assuré le ministre de la Justice, Gérald Darmanin.

« La haine anti-musulmans, le racisme, n’ont et n’auront jamais leur place en France. Mes pensées vont à sa famille, à ses proches, et à tous nos compatriotes de confession musulmane. Nous sommes à vos côtés », a écrit le chef des députés macronistes, l'ex-Premier ministre Gabriel Attal.

Le chef de l'Etat, qui s'est rendu au Vatican samedi 26 avril pour les obsèques du pape François, ne s'est en revanche pas encore exprimé à ce sujet.

Mise à jour : « Le soutien de la Nation » exprimé par Emmanuel Macron aux musulmans de France, son message

Quant à l'extrême droite, c'est, sans surprise, le silence qui prévaut devant une telle affaire. Notons cependant que le président du Rassemblement national (RN), Jordan Bardella, s'est fendu d'un tweet : « Pensées pour l'homme victime d'un ignoble assassinat dans la mosquée de la Grand-Combe, dans le Gard. Visé en tant que musulman, selon les premiers éléments de l'enquête. Souhaitons que les forces de l'ordre retrouvent rapidement l'auteur et le mettent hors d'état de nuire. »

« Le meurtre à la mosquée de La Grand-Combe est un terrible crime islamophobe. (...) Les médias et les politiques, de l'extrême droite et d'ailleurs, qui participent à ce climat islamophobe ont une immense responsabilité. Ils mettent sciemment en danger les Français musulmans. L'Histoire les jugera durement », a affirmé la députée LFI Clémence Guetté.

Au-delà des mots, des actions exigées pour lutter contre l'islamophobie

Du côté des musulmans, il va sans dire que les réactions pleuvent de partout. Tandis que le parquet national antiterroriste (Pnat) est en train d’évaluer le dossier pour éventuellement s’en saisir, les appels à considérer cette affaire comme terroriste se font insistants. Nombreux sont aussi ceux qui réclament aux membres du gouvernement de faire le déplacement à La Grand-Combe pour marquer avec plus de force leur solidarité.

Mise à jour : Le ministre de l'Intérieur a fait le déplacement, dimanche 27 avril, à la sous-préfecture d'Alès, ce qu'il faut savoir.

« Il fait peu de doute que son auteur a été motivé par la haine des musulmans. Face aux dernières informations révélées, la Mosquée de Paris demande désormais aux autorités compétentes de communiquer au public si la piste terroriste est privilégiée : nous devons considérer la dimension et la gravité d’un tel acte, et agir pour la sécurité de tous », a signifié la Grande Mosquée de Paris.

Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a condamné, pour sa part, un « attentat terroriste antimusulman ». « Depuis plusieurs mois, le CFCM alerte les autorités sur les conséquences dramatiques de la banalisation et de la médiatisation de la haine antimusulmane », écrit l'instance, qui appelle les musulmans de France « à la plus grande vigilance, le procureur de la République ayant indiqué que l’agresseur, toujours en fuite, pourrait commettre de nouveaux crimes ».

Elle recommande également aux fidèles de « ne pas rester seuls ou isolés dans les mosquées » et demande aux autorités de « déclencher immédiatement un plan national de protection renforcée des lieux de culte musulmans ».

Pour SOS Racisme, « ce crime sanglant doit permettre d'interroger une parole publique et médiatique qui propage une haine de plus en plus décomplexée envers les musulmans ».

Une marche blanche en mémoire au défunt fidèle est prévue ce dimanche 27 avril dans l'après-midi dans la petite commune de La Grand-Combe, au départ de la mosquée Khadidja.

Mise à jour : Un rassemblement contre l’islamophobie est organisé à 18h à Paris, place de la République. Une minute de silence est annoncée pour rendre hommage à Aboubakar. L'appel a été particulièrement partagé dans les rangs des élus de gauche. « Le meurtre filmé d'un musulman en pleine prière dans une mosquée est un acte d'une rare barbarie, a fait notamment savoir la secrétaire nationale d'Europe Ecologie - Les Verts (EELV), en relayant l'action. La banalisation de l'islamophobie chez tant de médias et politiques met en danger la vie des musulmans. »

« Pour Aboubakar, assassiné car musulman, rassemblons nous ce soir ! Le racisme tue. Aux côtés des associations, soyons nombreux•ses à dénoncer ce meurtre raciste et la libération de la parole et des actes de haine qui n’ont pas leur place dans notre République », a aussi tweeté le Parti socialiste, qui appelle à une veillée silencieuse au même lieu et au même endroit à Paris.

Mise à jour lundi 28 avril : Le suspect s'est rendu de lui-même en Italie, le point ici sur l'affaire et sur les rassemblements contre l'islamophobie organisés en France.

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