Contre l’islamophobie, les responsables musulmans d’Auvergne-Rhône-Alpes menacent de boycotter les activités institutionnelles

Par Hanan Ben Rhouma, le 28/04/2025

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Sans la réaction « ferme » des autorités contre « la banalisation croissante de l'islamophobie », les institutions musulmanes de la Région Auvergne Rhône-Alpes menacent de revoir leur participation aux activités institutionnelles. Elles ont exprimé, lundi 28 avril, leur mécontentement et appellent les pouvoirs publics à réagir sans tarder.

L’heure est grave et le Conseil de coordination des institutions musulmanes de la Région Auvergne Rhône-Alpes le fait savoir. Aux lendemains du crime islamophobe commis à la mosquée de La Grand-Combe, dans le Gard, l’instance a fait part, lundi 28 avril, aux autorités qu’elle envisage « avec regret » de « reconsidérer (sa) participation à l'ensemble des activités institutionnelles » auxquelles ses membres seront conviés « si ce climat de suspicion généralisée persistait, et si les discours stigmatisants à l'encontre des musulmans continuaient d'être tolérés, voire légitimés ».

« Les institutions musulmanes représentatives de région Auvergne-Rhône-Alpes tiennent à exprimer leur vive inquiétude face à la situation préoccupante que traverse actuellement la communauté musulmane de France », a affirmé le CCIM dans un communiqué signé des représentants des Conseils départementaux du culte musulman de Savoie, de la Loire et de l’Ain, du Conseil des mosquées du Rhône (CMR), du Conseil des imams de l'Isère (CII) et de la Fédération des associations des mosquées de l'Isère (FAMI).

« Nous visons toute la chaîne de commandement, des sous-préfets au président de la République »

Tous constatent « une dérive inquiétante dans le traitement public et politique de l'islam et des citoyens français de confession musulmane, marquée par une recrudescence de discours stigmatisants, voire discriminatoires, y compris parmi les responsables politiques de premier plan ». « Cette dynamique délétère se manifeste notamment par une focalisation obsessionnelle sur les signes d'appartenance religieuse, qui sont parfois instrumentalisés, contribuant ainsi à accroître les tensions dans le débat public », indiquent les signataires qui, sans le nommer, visent notamment le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, au regard de ses récentes positions publiques sur le voile.

« Nous visons en fait toute la chaîne de commandement, du sous-préfet au président de la République », indique auprès de Saphirnews le président du CMR, Kamel Kabtane, qui déplore « les discours de ceux avec qui nous travaillons » et qui ont notamment engagé la procédure de résiliation des contrats d’associations avec l’Etat du groupe scolaire Al-Kindi sans même « chercher à trouver une solution afin que tout le monde sorte par la grande porte ». « Nous, les musulmans, ne sommes plus considérés. On se permet même de mettre en doute la parole de la justice lorsqu’elle donne raison au lycée Averroès », déplore le recteur de la Grande Mosquée de Lyon.

« Une participation sincère au dialogue républicain ne peut être exigée d'une communauté régulièrement exposée à la stigmatisation et à la marginalisation »

« Nous déplorons la banalisation croissante de l'islamophobie, qui dépasse désormais les cercles extrémistes pour s'exprimer librement dans l'espace public, qu'aucune réponse ferme ni condamnation explicite ne soit apportée par certaines autorités. Une telle situation conduit parfois à des drames d'une barbarie insoutenable, comme celui survenu vendredi dernier dans une mosquée de La Grand-Combe dans le Gard », poursuit le CCIM. L'actuelle prise de position a été réfléchie bien avant cette affaire mais celle-ci a évidemment donné une autre dimension aux malheureux constats qui ont été dressés, nous confirme Kamel Kabtane, pour qui il apparait « très important d’être unis » dans ce contexte.

Les institutions musulmanes régionales, tout en réaffirmant « avec gravité leur attachement profond aux principes fondamentaux de République, au premier rang desquels figurent la liberté de culte, l'égalité entre tous les citoyens et le respect de la dignité humaine », envisagent en conséquence de ne plus participer aux activités institutionnelles. Les Assises territoriales de l'islam de France (ATIF), qui pourraient se tenir au mois de mai, sont dans le viseur. « La politique de la chaise vide permet aussi de témoigner de notre mécontentement », nous indique Kamel Kabtane.

Le CCIM, qui entend « œuvrer sans relâche pour la concorde, le dialogue et la fraternité, tout en restant fermement attachés à nos convictions et à la préservation de notre dignité », souhaite donc des plus hautes autorités de l'État, « dont le président de la République », ainsi que les représentants locaux, qu’ils interviennent « avec une parole forte, rassembleuse et apaisante afin de préserver l'unité nationale et garantir la dignité les droits de tous les citoyens ». Car, appuie l'instance, « il est primordial de rappeler qu'une participation sincère au dialogue républicain ne peut être exigée d'une communauté régulièrement exposée à la stigmatisation et à la marginalisation ».

En parallèle, le CCIM appelle les citoyens à participer massivement à un rassemblement en hommage à Aboubakar Cissé mardi 29 avril à 18h, Place Bellecour à Lyon : « Aujourd'hui, prier en France expose un musulman au risque d'être tué. Cette réalité, qui hier encore semblait impensable, est désormais la nôtre. Cet acte barbare est l'aboutissement direct d'une parole politique et médiatique de plus en plus décomplexée, qui depuis des mois désigne les musulmans comme une menace, dans une indifférence générale devenue insupportable. (...) Nous appelons la communauté nationale à se réveiller face à la montée d'un racisme antimusulman qui menace non seulement les fidèles musulmans, mais aussi les fondements même de notre République. »

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