Une dernière prière pour Aboubakar Cissé à la Grande Mosquée de Paris, un « crime terroriste » dénoncé

Par Lina Farelli, le 05/05/2025

PENDANT LE RAMADAN, SOUTENEZ UNE PRESSE INDÉPENDANTE PAR UN DON DÉFISCALISÉ !

Des centaines de fidèles ont fait le déplacement, lundi 5 mai, à la Grande Mosquée de Paris pour un dernier hommage religieux en mémoire d'Aboubakar Cissé avant le rapatriement de sa dépouille au Mali. La famille de ce fidèle musulman tué à La Grand-Combe (Gard), qui réclame que l'affaire soit traitée en tant qu'assassinat à caractère terroriste, n'a pas rencontré ce jour le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, comme il avait été envisagé un temps.

Des fidèles ont convergé massivement, lundi 5 mai, à la Grande Mosquée de Paris pour effectuer la prière mortuaire en mémoire d'Aboubakar Cissé, quelques jours après qu’une même cérémonie religieuse s’est tenue à la mosquée de La Grand-Combe où le fidèle a été sauvagement poignardé à mort.

Sa dépouille est arrivée à Paris avant son rapatriement prévue vers sa terre natale, le Mali. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, avait proposé de recevoir ce même jour la famille d’Aboubakar Cissé mais la rencontre avec elle et des représentants de la communauté malienne a été décalée en raison de l’empêchement d’un proche de la victime, rapporte l’AFP. Elle pourrait intervenir le 23 mai.

« Pour l’instant, il (Bruno Retailleau, ndlr) n’a pas contacté la famille. Il semble qu’il soit en lien avec certains représentants de la communauté malienne mais pas avec la famille », a indiqué, pour sa part, Aminata Konaté-Boune, porte-parole de la famille d’Aboubakar Cissé, qui était à la Grande Mosquée de Paris pour la prière mortuaire. Deux jours plus tôt, sur FranceInfo, un de leurs avocats, Me Yassine Bouzrou, a fraîchement déconseillé la famille de se rendre chez un membre du gouvernement qui « leur a manqué de respect de cette manière devant toute la France » en qualifiant la victime « d’individu en situation irrégulière ».

« Un attentat islamophobe » fermement dénoncé

En parallèle, les avocats ont déposé plainte avec constitution de partie civile pour « assassinat à caractère terroriste » afin que l’affaire soit confiée au Parquet national antiterroriste (Pnat). Pour le recteur de la GMP, Chems-Eddine Hafiz, « l’assassinat d’Aboubakar Cissé doit être qualifié d’acte terroriste islamophobe » car « l’acte de violence est d’une exceptionnelle brutalité », que « l’intention est établie : l’assaillant vise la mort, motivé par la haine religieuse », que « la cible est symbolique : un fidèle musulman en prière, dans une mosquée, lieu de culte sacré », que « la finalité est terroriste : instaurer la peur, frapper une communauté » et, enfin, que « l’acte est public : filmé, revendiqué, diffusé sur les réseaux ». Et d’assurer en conséquence que « la réponse pénale doit être à la hauteur ». Une enquête, confiée à un juge d’instruction, a été ouverte pour « meurtre aggravé par préméditation et à raison de la race ou de la religion ».

« C’est un attentat islamophobe, un crime terroriste, et il doit être désigné comme tel », a martelé le recteur depuis la GMP. « Certaines absences, hésitations, ont laissé des traces. (...) Quand le mot "islamophobie" devient l’objet d’un débat stérile, comme s'il s'agissait d'un caprice lexical, on en nie la violence réelle. Et lorsque certains osent déclarer sans honte "oui, je suis islamophobe", ou que "dénoncer l'islamophobie, c'est promouvoir l'antisémitisme", ou pire encore que "l'islamophobie est la défense du droit au blasphème", ils participent à la construction d'une inhumanité rampante. (...) On ne peut pas combattre une haine que l’on refuse de nommer. On ne peut protéger les citoyens musulmans si leur souffrance est sans cesse relativisée, niée ou minimisée », a-t-il dénoncé.

Et de conclure, avant des invocations religieuses : « Ce drame ne doit pas devenir le ferment d’une division supplémentaire. Il doit être une secousse salutaire, une prise de conscience aiguë du lien précieux qui nous unit au-delà de nos différences. Une conscience du devoir partagé de faire vivre la promesse républicaine : liberté, égalité, fraternité pour tous, sans distinction. (...) Aboubakar ne doit pas incarner une fracture. Il doit devenir un ferment d'unité. Sa mémoire nous enjoint de rejeter la haine, de repousser les amalgames, de tenir bon dans le refus du repli et de la peur. Nous sommes une seule et même nation, forte de ses convergences, riche de ses diversités. Et c'est unis, unis seulement, que nous saurons relever les défis de notre époque. »

Mise à jour : Après la célébration religieuse, Bruno Retailleau, qui avait refusé de se rendre à un iftar des ambassadeurs organisé par la Grande Mosquée de Paris au cours du dernier mois du Ramadan, a effectué, lundi 5 mai, sa première visite officielle dans l'institution. « Une visite marquée par l’écoute, le dialogue et un hommage émouvant rendu à Aboubakar Cissé », selon les mots de Chems-Eddine Hafiz, à l'heure où une manifestation contre l'islamophobie s'organise en vue du 11 mai à Paris.

Lire aussi :
Un vendredi de prières pour Aboubakar Cissé dans les mosquées de France
Meurtre islamophobe à La Grand-Combe : l'appel solennel de responsables musulmans à « un sursaut républicain »
Face à la stigmatisation des musulmans, les exigences des acteurs du Forum de l'islam de France à Bruno Retailleau
Après l’assassinat d’Aboubakar Cissé, « nous avons demandé au président de mettre un terme à la stigmatisation systématique des musulmans »
Après l'attaque islamophobe à La Grand-Combe, Emmanuel Macron à l'écoute des musulmans de France
L'Etat français appelé à reconnaître l'islamophobie comme « une menace majeure pour notre République »

Et aussi :
Islamophobie : dépasser la querelle sémantique pour concentrer les efforts sur la lutte contre la violence antimusulmane
En banalisant l’islamophobie, c’est la République elle-même qui est attaquée dans ce qu’elle a de plus précieux