Iran - Israël : une guerre « asymétrique » pour « faire oublier Gaza »

Par Hanan Ben Rhouma, le 17/06/2025

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Israël a lancé depuis le 13 juin une opération militaire sans précédent contre l'Iran, tout en poursuivant son carnage dans la bande de Gaza. Le régime de l'ayatollah Ali Khamenei réplique avec les moyens dont il dispose. Malgré son affaiblissement manifeste, l'heure n'est pas à la désescalade.

Alors qu’Israël récoltait de plus en plus de critiques internationales cinglantes sur son opération militaire à Gaza, le gouvernement israélien a décidé de jouer la stratégie de la diversion. Elle récolte ce faisant du soutien en choisissant de rouvrir le front contre l’Iran. L’armée israélienne a lancé depuis vendredi 13 juin un raid aérien soudain et sans précédent contre son ennemi juré qu’elle accuse de chercher à produire l’arme nucléaire.

Des installations militaires et nucléaires ont ainsi été visées, mais cette guerre ne se fait nullement sans victimes civiles du côté iranien : au moins 240 morts ont été recensés, plus de 400 selon une ONG iranienne basée à Washington dont une majorité de civils. Israël, qui estime être dans son droit de mener des « actions préventives » pour enrayer la menace iranienne, lance désormais des avis d’évacuation de certains quartiers de Téhéran. Le président américain, Donald Trump, a renchérit en appelant l’ensemble des habitants de la capitale, forte de 14 millions d’habitants, à fuir « immédiatement ». Cette menace de frappes sur une zone aussi densément peuplée a déjà poussé des milliers de personnes à partir.

Un droit à la défense à sens unique en faveur d’Israël

Israël, qui se targue d’avoir tué des membres hauts placés du régime dont le chef d'état-major et le haut commandant des Gardiens de la Révolution, ne cesse d’invoquer son droit à se défendre face aux menaces que les autorités estiment « existentielles ». Un droit que Tel Aviv instrumentalise largement depuis le 7-Octobre en ignorant le droit international pour mettre Gaza à feu et à sang sans franche opposition internationale.

Ce même droit est invoqué par Israël pour se livrer ces derniers mois à des frappes « préventives » - et souvent meurtrières - contre le Liban, la Syrie et aujourd’hui l’Iran, au nom de la lutte contre le terrorisme. « L’Iran est la principale source d’instabilité et de terrorisme dans la région », ont affirmé, pour leur part, les dirigeants du G7 (Allemagne, Royaume-Uni, Canada, Etats-Unis, France, Italie et Japon) avant le départ précipité de Donald Trump. Réunis au Canada, ils ont eux aussi soutenu, lundi 16 juin, le droit d’Israël à « se défendre ».

En réponse aux attaques, Téhéran a mené ces derniers jours une série de tirs de représailles contre Israël, mais sans commune mesure avec les frappes lancées par Tel Aviv. Par ailleurs, la grande majorité des missiles iraniens sont interceptés par le Dôme de fer dont l’efficacité est estimée à 90 %. Le dernier bilan humain en date du mardi 17 juin fait état d’au moins 24 morts en Israël.

« Israël veut garder le monopole de sa domination »

Si l'Iran a menacé Israël de le rendre « inhabitable » et multiplie les menaces, la supériorité militaire israélienne est sans conteste. Première puissance militaire du Moyen-Orient, Israël est la seule puissance nucléaire de la région, bien qu’elle refuse de le reconnaître. Il bénéficie en outre du soutien manifeste des Etats-Unis. L’opération israélienne baptisée « Rising Lion » a exposé au grand jour la faiblesse mais aussi l’isolement actuel de l’Iran. Le régime de l’ayatollah Ali Khamenei n’a que peu d’alliés. La Russie et la Chine ont condamné les frappes israéliennes mais c’est le Pakistan qui affiche le plus ouvertement son soutien à l’Iran. Le pays, qui détient l’arme nucléaire, a explicitement appelé les pays musulmans à s’unir contre Israël et a souhaité la convocation d’une réunion urgente de l'Organisation de la coopération islamique (OCI).

« On est en face d’une guerre asymétrique », estime sur RFI Bernard Hourcade, directeur de recherche émérite au CNRS et spécialiste de l'Iran, pour qui le présent conflit « apparaît comme un moyen de faire oublier Gaza et les crimes qui ont été commis ».

« Justifier l’attaque par une soi-disant menace nucléaire est une façade. Tout le monde sait très bien que l’Iran a un programme nucléaire, mais qu’elle ne dispose pas de l’arme atomique. Si Israël a attaqué aujourd’hui, c’est simplement à cause de la conférence des Nations Unies, destinée à acter la reconnaissance de la Palestine, qui doit avoir lieu le 18 juin prochain (qu’Emmanuel Macron a annoncé avoir reporté, ndlr). (…) Il était donc urgent pour Israël de faire une parade militaire avec tout le décorum comme brandir la menace existentielle. Le but est vraiment d’occulter la question palestinienne. Israël, qui est de plus en plus isolé, cherche de nouvelles recettes », a appuyé le chercheur sur Public Sénat. Par ailleurs, note-t-il, « Donald Trump voulait un accord sur le nucléaire. Les Israéliens ne voulaient ni l'un ni l'autre. Benyamin Netanyahu a donc lancé cette attaque pour briser à la fois les perspectives politiques au niveau de Gaza et (empêcher) que l'Iran retrouve une place normale dans la région, ce que ne fait pas Israël qui veut garder le monopole de sa domination ».

Pendant ce temps, une cinquantaine de personnes ont été tuées, mardi 17 juin, par l’armée israélienne à Khan Younès, dans le sud de Gaza, au cours d’une distribution d’aide alimentaire. Des scènes similairement dramatiques se reproduisent chaque jour près des centres de distribution, alors que Gaza crie famine depuis des mois. Au moins 55 500 personnes sont mortes dans l’enclave palestinienne depuis octobre 2023, un bilan largement sous-estimé selon des observateurs.

Mise à jour dimanche 22 juin : Les États-Unis ont fait le choix de soutenir Israël en menant, dans la nuit de samedi 21 au dimanche 22 juin des frappes contre trois sites nucléaires iraniens.

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