Trois décennies de travail et d'efforts sacrifiées sur l'autel d'un agenda politique particulier visant brutalement les structures éducatives musulmanes en France, c'est le sentiment que laisse à des acteurs et observateurs du terrain la décision de dissolution prononcée en septembre par le gouvernement contre l'IESH de Château-Chinon, dans la Nièvre. Le centre de formation théologique, qui se présente comme « un rempart contre le radicalisme », n'entend néanmoins pas se laisser abattre facilement.
« En réalité, le dernier acte du gouvernement Bayrou (avant sa chute le 8 septembre, ndlr), c'était la dissolution de l’IESH. » Le centre de formation théologique, le dernier d’une longue liste de structures musulmanes ciblées au nom de la lutte contre « l’islamisme », n’a pas pour autant dit son dernier mot. L'Institut européen des sciences humaines (IESH) de Château-Chinon a annoncé, mardi 30 septembre, qu’elle entend bien contester devant le Conseil d’État sa dissolution administrative, prononcée en conseil des ministres début septembre. « Nous disposons d’un délai de deux mois » pour attaquer la légalité de la décision via un recours actuellement « en cours de rédaction », selon la défense.
« Le décret de dissolution est construit sur deux fondements d'après le gouvernement : l’incitation à la haine et la provocation à la commission d'actes de terrorisme. On a répondu sur l'intégralité de ces éléments en produisant notamment l'intégralité des fascicules de formation, des témoignages, des attestations, le contenu des cours », y compris ceux dispensés à distance, rappelle Me Sefen Guez Guez au cours d’une conférence de presse organisée à Bagnolet, aux portes de Paris.
Sans que les réponses aux griefs reprochés à l’IESH ne changent rien, à ce stade, à la décision du gouvernement, « déjà prise » avant même la procédure contradictoire « parce que nous sommes dans un agenda politique », estime l’avocat et animateur du rendez-vous fixé à la presse et aux soutiens de l'école. Ce qui n'a pas empêché des militants de l'extrême droite de s'y rendre, sans incident, offrant plus tard l'occasion à Me Sefen Guez Guez de leur dire, sous les applaudissements de l'auditoire : « L'IESH n'est pas la caricature que vous voulez faire et vous ne trouverez pas ici une démonstration de vos clichés que vous faites sur l'islam et les musulmans en France. »
« Le décret de dissolution est construit sur deux fondements d'après le gouvernement : l’incitation à la haine et la provocation à la commission d'actes de terrorisme. On a répondu sur l'intégralité de ces éléments en produisant notamment l'intégralité des fascicules de formation, des témoignages, des attestations, le contenu des cours », y compris ceux dispensés à distance, rappelle Me Sefen Guez Guez au cours d’une conférence de presse organisée à Bagnolet, aux portes de Paris.
Sans que les réponses aux griefs reprochés à l’IESH ne changent rien, à ce stade, à la décision du gouvernement, « déjà prise » avant même la procédure contradictoire « parce que nous sommes dans un agenda politique », estime l’avocat et animateur du rendez-vous fixé à la presse et aux soutiens de l'école. Ce qui n'a pas empêché des militants de l'extrême droite de s'y rendre, sans incident, offrant plus tard l'occasion à Me Sefen Guez Guez de leur dire, sous les applaudissements de l'auditoire : « L'IESH n'est pas la caricature que vous voulez faire et vous ne trouverez pas ici une démonstration de vos clichés que vous faites sur l'islam et les musulmans en France. »
Une volonté politique de « déconstruction des structures musulmanes » dénoncée
Dans le décret de dissolution, cinq anciens étudiants sont cités pour tenter de créditer la thèse d’un établissement religieux dangereux. Si ces derniers, « parfaitement identifiés » par l’IESH et les services de renseignement, qui ont suivi des formations « particulièrement courtes », se sont « effectivement retrouvés dans des affaires à caractère terroriste », Me Sefen Guez Guez rappelle que plus de 10 000 personnes ont fréquenté l'institut en trois décennies, sans générer de problèmes pour la société.
Par ailleurs, « le plus assidu (des cinq) est resté douze mois pour apprendre la langue arabe et a commis (son acte blâmable) vingt ans après. (…) Lorsqu’il s'est agi de problèmes disciplinaires parce qu'ils se sont mal comportés au sein de l’IESH, c’est l’IESH lui-même qui a décidé de mettre un terme à leur scolarité. Et c’est l’IESH aussi (…) qui a dénoncé auprès des autorités les comportements répréhensibles de ces élèves », comme le non-respect d’une minute de silence organisée par l’établissement pour commémorer la mémoire de victimes d’un attentat terroriste, plaide l'avocat.
Mais rien n’y fait ; car au-delà du cas de l’IESH, « vous avez tous vu la façon avec laquelle on traite de manière discriminatoire le réseau éducatif musulman. (…) Vous avez, au sein du gouvernement de ce pays, une volonté de déconstruction des structures musulmanes qui fonctionnent ». Pourtant, « l’IESH s’est toujours inscrit dans les valeurs de la République », martèle l’avocat. En témoigne à ses yeux l'adhésion de l'institut à la charte des principes pour l'islam de France, en dépit des critiques formulées parmi les musulmans.
Par ailleurs, « le plus assidu (des cinq) est resté douze mois pour apprendre la langue arabe et a commis (son acte blâmable) vingt ans après. (…) Lorsqu’il s'est agi de problèmes disciplinaires parce qu'ils se sont mal comportés au sein de l’IESH, c’est l’IESH lui-même qui a décidé de mettre un terme à leur scolarité. Et c’est l’IESH aussi (…) qui a dénoncé auprès des autorités les comportements répréhensibles de ces élèves », comme le non-respect d’une minute de silence organisée par l’établissement pour commémorer la mémoire de victimes d’un attentat terroriste, plaide l'avocat.
Mais rien n’y fait ; car au-delà du cas de l’IESH, « vous avez tous vu la façon avec laquelle on traite de manière discriminatoire le réseau éducatif musulman. (…) Vous avez, au sein du gouvernement de ce pays, une volonté de déconstruction des structures musulmanes qui fonctionnent ». Pourtant, « l’IESH s’est toujours inscrit dans les valeurs de la République », martèle l’avocat. En témoigne à ses yeux l'adhésion de l'institut à la charte des principes pour l'islam de France, en dépit des critiques formulées parmi les musulmans.
Des étudiants et enseignants abasourdis par les accusations
« L’IESH a été cette boussole qui a permis de me construire cette identité à la fois française, parce que je suis fier d'être français, n’en déplaise à certains, (…) et musulmane », a témoigné un jeune étudiant. « Jamais, ô grand jamais, je n’ai pu rencontrer des personnes qui faisaient de l'appel à la violence ou au jihad. Mais il y a bien un chose qui nous a été martelé systématiquement pendant nos cours, c'était à quel point il était important d'être des républicains. (…) Et c'est parce que nous voulons défendre la République qu'aujourd'hui, nous ne levons et que nous disons à quel point cette dissolution est honteuse. »
Même son de cloche pour un autre ancien étudiant, plus âgé, aujourd'hui imam : « Comment peut-on imaginer que nos professeurs nous enseignent (l’extrémisme) sans qu’on ne réagisse, en disant tout simplement amen en prenant des notes ? C'est vraiment aberrant. Je défie quiconque de trouver dans les fascicules, ouvrages ou supports de cours qui nous ont été remis à domicile ou en présentiel le moindre passage stipulant ces propos mensongers et infondées. »
« Considérant ces accusations graves et totalement dénuées de fondement, le décret du 3 septembre 2025 a porté atteinte à mon honneur, à ma considération personnelle ainsi qu'à celle de mes camarades en nous liant publiquement et injustement au terrorisme alors qu'aucun élément concret ne vient corroborer de telles imputations », lance-t-il. Mais « j'ai une grande confiance dans la justice de mon pays. Et que Dieu garde la France. »
Appelé à témoigner, le père Michel de Gigord, qui dispensait depuis 2019 des cours sur le catholicisme, a dit son « immense tristesse » de voir l’IESH disparaître du paysage français. A l’annonce de la dissolution, « je me suis dit ou bien je suis aveugle et complètement naïf et je n’ai rien vu, ou bien le staff et les étudiants de l'IESH sont de merveilleux acteurs qui sont capables de cacher la réalité des faits ».
Dès son arrivée à l’IESH, « j'ai tout de suite été frappé au plus profond de moi-même par la qualité de l'accueil que j'ai reçu de la part de l'administration et des enseignants, et ensuite encore plus frappé par la qualité de l'écoute des étudiants que j'avais devant moi. Je retire de ces années une véritable joie. Je suis vraiment ému parce qu'avec cette dissolution, je pense qu'on fait une énorme erreur en France et qu’un jour, peut-être, on le regrettera », indique-t-il.
Même son de cloche pour un autre ancien étudiant, plus âgé, aujourd'hui imam : « Comment peut-on imaginer que nos professeurs nous enseignent (l’extrémisme) sans qu’on ne réagisse, en disant tout simplement amen en prenant des notes ? C'est vraiment aberrant. Je défie quiconque de trouver dans les fascicules, ouvrages ou supports de cours qui nous ont été remis à domicile ou en présentiel le moindre passage stipulant ces propos mensongers et infondées. »
« Considérant ces accusations graves et totalement dénuées de fondement, le décret du 3 septembre 2025 a porté atteinte à mon honneur, à ma considération personnelle ainsi qu'à celle de mes camarades en nous liant publiquement et injustement au terrorisme alors qu'aucun élément concret ne vient corroborer de telles imputations », lance-t-il. Mais « j'ai une grande confiance dans la justice de mon pays. Et que Dieu garde la France. »
Appelé à témoigner, le père Michel de Gigord, qui dispensait depuis 2019 des cours sur le catholicisme, a dit son « immense tristesse » de voir l’IESH disparaître du paysage français. A l’annonce de la dissolution, « je me suis dit ou bien je suis aveugle et complètement naïf et je n’ai rien vu, ou bien le staff et les étudiants de l'IESH sont de merveilleux acteurs qui sont capables de cacher la réalité des faits ».
Dès son arrivée à l’IESH, « j'ai tout de suite été frappé au plus profond de moi-même par la qualité de l'accueil que j'ai reçu de la part de l'administration et des enseignants, et ensuite encore plus frappé par la qualité de l'écoute des étudiants que j'avais devant moi. Je retire de ces années une véritable joie. Je suis vraiment ému parce qu'avec cette dissolution, je pense qu'on fait une énorme erreur en France et qu’un jour, peut-être, on le regrettera », indique-t-il.
Un audit indépendant réclamé face à « la hogra »
« Comme la nature à horreur du vide, je m'inquiète sur l'absence d'alternative qui est laissé », rebondit Me Sefen Guez Guez. « J'ai la conviction, hélas, que cette posture gouvernementale est extrêmement dangereuse parce qu'éradiquer l'islam du dialogue, ça laisse la voie libre aux fanatiques et fait le jeu de l'extrême droite », affirme Yvonne Bercher, docteur en droit à l'Université de Lausanne, en Suisse, qui a eu l’occasion d’observer l’IESH de près dans les semaines précédant la dissolution.
« Je suis convaincue que la manière dont un pays quel qu'il soit traite ces minorités nous renseigne sur sa santé politique et même sur son degré de civilisation. Et comme tous ceux qui ont pris la parole avant moi, je suis consternée et effarée » par la fermeture d’un institut qui constitue d’abord « une perte immense pour la région ». Un « grand vide inexplicable » a été laissé au village de Saint-Léger-de-Fougeret, qui a perdu depuis la moitié de ses habitants.
Prononcer la dissolution de l'IESH sans jamais organiser un seul rendez-vous physique avec la direction, les professeurs ou même des étudiants, c’est le plus gros reproche que fait l'ancien doyen, Larabi Becheri, aux autorités. Il relève l’absence de dialogue avec la préfecture et réclame un audit indépendant réalisé de manière neutre et transparente par des experts.
« Quand on veut fermer un institut vieux de 35 ans, par lequel sont passés des milliers d’étudiants, on peut quand même prendre la peine de faire un vrai audit, chose qu'on a toujours demandé. (…) Malheureusement, le dialogue a été rompu depuis très longtemps avec l'institut, d'une manière volontaire qui ne vient pas de notre côté », déplore-t-il. « J'ai aujourd'hui le sentiment du mépris, en arabe de la hogra » de la part des services de l’Etat.
Néanmoins, il appelle ses anciens étudiants à « garder la tête haute ». « Ces accusations sont fausses, c’est de la calomnie. La structure a toujours été un rempart contre le radicalisme. On est malheureusement devenu le bouc émissaire d’un agenda politique », signifie Larabi Becheri, qui laisse désormais le soin à la justice de trancher sur la légalité d’une décision qui laisse des traces sur de nombreuses consciences musulmanes en France.
Lire aussi :
Les lourdes accusations de l'Etat contre l'IESH, qui a fait le choix de l'autodissolution
Rapport sur l'islamisme : « La voix de la nuance est indispensable pour éclairer les choix publics »
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Les Français musulmans sous le joug de la mentalité préfasciste
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Prononcer la dissolution de l'IESH sans jamais organiser un seul rendez-vous physique avec la direction, les professeurs ou même des étudiants, c’est le plus gros reproche que fait l'ancien doyen, Larabi Becheri, aux autorités. Il relève l’absence de dialogue avec la préfecture et réclame un audit indépendant réalisé de manière neutre et transparente par des experts.
« Quand on veut fermer un institut vieux de 35 ans, par lequel sont passés des milliers d’étudiants, on peut quand même prendre la peine de faire un vrai audit, chose qu'on a toujours demandé. (…) Malheureusement, le dialogue a été rompu depuis très longtemps avec l'institut, d'une manière volontaire qui ne vient pas de notre côté », déplore-t-il. « J'ai aujourd'hui le sentiment du mépris, en arabe de la hogra » de la part des services de l’Etat.
Néanmoins, il appelle ses anciens étudiants à « garder la tête haute ». « Ces accusations sont fausses, c’est de la calomnie. La structure a toujours été un rempart contre le radicalisme. On est malheureusement devenu le bouc émissaire d’un agenda politique », signifie Larabi Becheri, qui laisse désormais le soin à la justice de trancher sur la légalité d’une décision qui laisse des traces sur de nombreuses consciences musulmanes en France.
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