En Inde, l'inspirante mobilisation d'un village pour ses musulmans et la coexistence interreligieuse

Par Hanan Ben Rhouma, le 27/10/2025

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Dans le Pendjab indien, un village situé non loin de la frontière indo-pakistanaise s'est mobilisé pour permettre à ses musulmans de célébrer le culte dans une mosquée fermée depuis la partition en 1947. Une initiative salutaire qui inspire, dans un pays gangréné par la haine envers les musulmans.

A rebours de la politique ultranationaliste promue par le gouvernement indien, des chefs de village travaillent à promouvoir l'harmonie interconfessionnelle au sein de leurs communautés. C'est le cas dans le hameau de Raizada, près d'Amritsar, dans l'Etat du Pendjab, où des villageois de toutes les convictions se sont mobilisés en faveur de la restauration d'une mosquée fermée depuis la partition de l'Inde et du Pakistan en 1947. Les lieux, situés non loin de la frontière, ont un temps servi d'école mais les locaux étaient dans un délabrement tel qu'ils ne pouvaient plus servir pour un quelconque usage depuis plus de dix ans.

L'édifice religieux était à l'abandon depuis 77 ans, jusqu'à ce jour du vendredi 24 octobre lorsque la prière musulmane y a de nouveau été célébrée, en présence d'hindous, de sikhs et de chrétiens. Les lieux, qui nécessitent de lourds travaux, sont toujours en ruines mais la date restera dans les annales du village, à majorité hindoue et sikhe.

L'action a été impulsée par le chef du hameau, le sarpanch Sardar Omkar Singh, qui entend faire perdurer l'unité qui transcende les frontières religieuses au Pendjab. « C'est notre patrimoine commun », a déclaré ce leader communautaire, cité par la presse locale lors de la cérémonie de remise des clés. « Au Pendjab, nous marchons ensemble, non divisés par la foi. »

Une ode vibrante à la coexistence des communautés

Pour marquer le coup, l'événement était présidé par Muhammad Usman Rahmani Ludhianvi, un leader religieux musulman du Pendjab, qui a évoqué dans son discours la riche tradition de coexistence dans sa province. « Les hindous, les musulmans et les sikhs du Pendjab cultivent ces liens depuis des siècles. (...) La plus grande force de l’Inde réside dans son unité dans la diversité – "Anekta mein Ekta". »

A travers cette mosquée, l'imam a aussi indiqué son intention de rendre hommage à deux jeunes volontaires musulmans qui ont perdu la vie lors des inondations meurtrières qui ont dévasté le Pendjab en août et en septembre dernier. Ces derniers sont morts alors qu'ils participaient à des opérations de secours. « Au service d'Allah et de l'humanité, ils ont donné leur vie. Les Pendjabis n'oublient jamais de tels sacrifices », a affirmé, ému, l'imam.

Ce dernier, qui est à la tête d'une fondation ayant coordonné l'aide aux sinistrés provenant de milliers de mosquées à travers l'Inde, a annoncé que la mosquée à Raizada sera reconstruite et rebaptisée Masjid Shamshad Bhagwanpuri en mémoire des deux défunts. Les travaux devraient débuter rapidement.

Plusieurs mosquées ont vu le jour en Inde ces dernières années grâce à des familles et à des conseils communautaires érigeant la fraternité en valeur cardinale. En janvier 2025, des familles sikhes du village d'Umarpura, toujours dans le Pendjab, avaient fait don d'un terrain de premier choix pour la construction d'une nouvelle mosquée, invitant Muhammad Usman Rahmani Ludhianvi à poser la première pierre. « Que cet amour se répande à travers le pays, transformant chaque recoin en un phare de fraternité », a invoqué l'imam au cours d'une cérémonie, organisé ailleurs cette semaine, rendant hommage aux deux jeunes martyrs. Une prière qui semble déjà exaucée à Raizada, mais qui se révèle difficile à réaliser ailleurs dans le pays, où des groupes ultranationalistes hindous font leur loi au grand dam des minorités religieuses de plus en plus persécutées, musulmanes et chrétiennes en particulier.

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