Sur les pas de son prédécesseur, le pape Léon XIV compte signer son engagement en faveur du dialogue œcuménique et interreligieux au cours de son premier voyage apostolique prévu en Turquie et au Liban fin novembre. Quelles attentes et enjeux peut-on percevoir de cette importante visite ? Parole à Katie Nassar et à Nayla Tabbara, deux Libanaises engagées dans le dialogue interconvictionnel, et Hyacinthe Destivelle, prêtre spécialiste de l'œcuménisme.
Le premier voyage apostolique du pape Léon XIV en Turquie et au Liban, prévue du 27 novembre au 2 décembre revêtira une dimension hautement œcuménique et interreligieuse.
Au pays du Cèdre où il se rendra le 30 novembre, de nombreuses rencontres rythmeront son parcours. L'une d'elles conduira le pape le 1er décembre à Bkerké, au nord de Beyrouth où 10 000 à 12 000 jeunes sont attendus, des catholiques pour la grande majorité. Mais Katie Nassar, pilier important de la visite du pape avec la jeunesse chrétienne et musulmane, entend bien assurer la venue de jeunes de divers horizons lors de cette veillée. Pour la présidente de l’organisation Hawer wa Ramem (Dialogue et Restauration), créée en 2022 pour promouvoir le dialogue interreligieux parmi la jeunesse, le voyage papal dans son pays revêt une importance particulière, à l'heure où la situation sécuritaire régionale demeure des plus précaires depuis les attaques du 7-Octobre.
Israël attaque en effet régulièrement le Liban, malgré la trêve... qui n'en est pas une. Mardi 18 novembre, un camp de réfugiés palestiniens de Saïda, dans le sud, a été le théâtre d'une frappe qui a tué au moins 13 personnes. Au cours du weekend du 22 novembre, une série de bombardements a endeuillé plusieurs régions dont Beyrouth, où ont été tuées cinq personnes dont un responsable militaire du Hezbollah. « Il y a de la part des Israéliens une menace continue de bombardements » pour faire pression sur le Hezbollah à qui il lui est exigé le désarmement, indique la théologienne musulmane libanaise Nayla Tabbara.. En ce sens, « la visite du pape va jouer un rôle de protection (pour le Liban), du moins jusqu'au 2 décembre », estime-t-elle.
Au pays du Cèdre où il se rendra le 30 novembre, de nombreuses rencontres rythmeront son parcours. L'une d'elles conduira le pape le 1er décembre à Bkerké, au nord de Beyrouth où 10 000 à 12 000 jeunes sont attendus, des catholiques pour la grande majorité. Mais Katie Nassar, pilier important de la visite du pape avec la jeunesse chrétienne et musulmane, entend bien assurer la venue de jeunes de divers horizons lors de cette veillée. Pour la présidente de l’organisation Hawer wa Ramem (Dialogue et Restauration), créée en 2022 pour promouvoir le dialogue interreligieux parmi la jeunesse, le voyage papal dans son pays revêt une importance particulière, à l'heure où la situation sécuritaire régionale demeure des plus précaires depuis les attaques du 7-Octobre.
Israël attaque en effet régulièrement le Liban, malgré la trêve... qui n'en est pas une. Mardi 18 novembre, un camp de réfugiés palestiniens de Saïda, dans le sud, a été le théâtre d'une frappe qui a tué au moins 13 personnes. Au cours du weekend du 22 novembre, une série de bombardements a endeuillé plusieurs régions dont Beyrouth, où ont été tuées cinq personnes dont un responsable militaire du Hezbollah. « Il y a de la part des Israéliens une menace continue de bombardements » pour faire pression sur le Hezbollah à qui il lui est exigé le désarmement, indique la théologienne musulmane libanaise Nayla Tabbara.. En ce sens, « la visite du pape va jouer un rôle de protection (pour le Liban), du moins jusqu'au 2 décembre », estime-t-elle.
Des attentes fortes exprimées par des Libanais
« Nous attendons une nouvelle espérance, une nouvelle expérience comme nous l'avons connu en 1997 avec le pape Jean-Paul II, venu avec une exhortation apostolique "Nouvelle Espérance pour le Liban" » ou encore « avec le pape Benoît XVI, venu avec une exhortation apostolique pour le Moyen-Orient » en 2012, déclare Katie Nassar. L'enjeu est grand puisque Léon XIV n'est à son poste que depuis quelques mois et qu'il reste encore inconnu aux yeux même de nombre de ses fidèles. « Nous ne savons rien de la personnalité du pape. Nous attendons de le rencontrer pour mieux le connaître », signifie la docteure en sciences religieuses.
Parmi les rencontres importantes en vue, en figure une avec les différentes communautés religieuses à Beyrouth, réaffirmant ainsi l'engagement du pape pour l'interreligieux, dans les pas de son prédécesseur. Un point qu'apprécient les artisans de ce dialogue dont Nayla Tabbara, présidente de la fondation Adyan, une ONG qu’elle a cofondée au Liban en 2006 avec des chrétiens et des musulmans pour œuvrer en faveur de la citoyenneté inclusive et de la coexistence pacifique.
« Nous vivons depuis 2019 des traumatismes l'un après l'autre », constate amèrement la théologienne, citant la Covid-19, l'explosion du port de Beyrouth en 2020 - « un attentat commis par notre gouvernement sur notre peuple » -, l'effondrement économique de son pays et la guerre qui, depuis octobre 2023, « nous affectent tous ». La visite sera donc « une belle occasion pour nous, Libanais, de nous retrouver, de célébrer toute notre histoire du dialogue interreligieux, de célébrer notre solidarité les uns envers les autres, notamment pendant l'année de la guerre (contre Israël), de relever tout cela auprès de sa sainteté ».
Parmi les rencontres importantes en vue, en figure une avec les différentes communautés religieuses à Beyrouth, réaffirmant ainsi l'engagement du pape pour l'interreligieux, dans les pas de son prédécesseur. Un point qu'apprécient les artisans de ce dialogue dont Nayla Tabbara, présidente de la fondation Adyan, une ONG qu’elle a cofondée au Liban en 2006 avec des chrétiens et des musulmans pour œuvrer en faveur de la citoyenneté inclusive et de la coexistence pacifique.
« Nous vivons depuis 2019 des traumatismes l'un après l'autre », constate amèrement la théologienne, citant la Covid-19, l'explosion du port de Beyrouth en 2020 - « un attentat commis par notre gouvernement sur notre peuple » -, l'effondrement économique de son pays et la guerre qui, depuis octobre 2023, « nous affectent tous ». La visite sera donc « une belle occasion pour nous, Libanais, de nous retrouver, de célébrer toute notre histoire du dialogue interreligieux, de célébrer notre solidarité les uns envers les autres, notamment pendant l'année de la guerre (contre Israël), de relever tout cela auprès de sa sainteté ».
L'appel à mettre le dialogue interreligieux au service des droits humains
Si Nayla Tabbara reconnait que la situation que traverse son pays n'est « rien en comparaison à ce qui se passe à Gaza ou au Soudan », « c'est bien que le pape nous rende visite et que le monde regarde un peu le Liban », qui est « souvent oublié des nouvelles ». « On attend du pape qu'il porte le Liban dans les discours diplomatiques, cela nous apporte du réconfort et une certaine guérison car nous avons besoin de guérison mais aussi de beaucoup de justice. L'impunité d'Israël, c'est trop. Nous avons besoin que sa sainteté perpétue le message du pape François, qu'il soit une voix de conscience pour le monde »
Aux yeux de la théologienne, le dialogue interreligieux vise à « porter notre responsabilité sociale afin d'œuvrer ensemble pour les droits humains, la dignité humaine et la justice ». « Pour nous, le dialogue interreligieux ne doit jamais servir à couvrir le mal et la souffrance », il doit plutôt être « une voix de conscience pour relever les droits humains », y compris « ceux des Palestiniens », et non « pour détourner le regard des droits humains qui sont bafoués chaque jour ». Il doit aussi « servir à des rencontres qui permettent d'écouter les souffrances des uns et des autres », être « un lieu où on peut parler de nos peurs, qu'ils soient du passé ou actuels, ils doivent être prises en charge par tout le monde ».
« En tant que Libanais, nous sommes blasés de tout. Nous ne sommes pas pessimistes au point de n'avoir aucun intérêt (pour le voyage), mais nous n'avons pas beaucoup d'enthousiasme. On est là, on attend et on verra », confie Nayla Tabbara. « On a besoin de voir le pape, d'entendre ce qu'il va nous dire, ce qu'il va nous inspirer pour permettre à l'enthousiasme qui ne veut pas mourir en nous de resurgir ».
Aux yeux de la théologienne, le dialogue interreligieux vise à « porter notre responsabilité sociale afin d'œuvrer ensemble pour les droits humains, la dignité humaine et la justice ». « Pour nous, le dialogue interreligieux ne doit jamais servir à couvrir le mal et la souffrance », il doit plutôt être « une voix de conscience pour relever les droits humains », y compris « ceux des Palestiniens », et non « pour détourner le regard des droits humains qui sont bafoués chaque jour ». Il doit aussi « servir à des rencontres qui permettent d'écouter les souffrances des uns et des autres », être « un lieu où on peut parler de nos peurs, qu'ils soient du passé ou actuels, ils doivent être prises en charge par tout le monde ».
« En tant que Libanais, nous sommes blasés de tout. Nous ne sommes pas pessimistes au point de n'avoir aucun intérêt (pour le voyage), mais nous n'avons pas beaucoup d'enthousiasme. On est là, on attend et on verra », confie Nayla Tabbara. « On a besoin de voir le pape, d'entendre ce qu'il va nous dire, ce qu'il va nous inspirer pour permettre à l'enthousiasme qui ne veut pas mourir en nous de resurgir ».
En Turquie, l'œcuménisme célébré malgré un dialogue en crise
Avant le Liban, la Turquie sera le premier pays que le pape Léon XIV visitera. Les trois derniers papes - Jean-Paul II, Benoît XVI et François - s'étant tous rendus à Constantinople - Istanbul - durant leur pontificat, « il y a un aspect protocolaire dans la visite du pape Léon XIV, qui s'inscrit dans la continuité d'une longue histoire entamée depuis le concile Vatican II (1962-1965) dont on reprend le fil des relations d'amitié et de fraternité entre Rome et Constantinople », indique le prêtre dominicain catholique Hyacinthe Destivelle, official du Dicastère pour la promotion de l’unité des chrétiens et spécialiste de l’œcuménisme.
Le point d'orgue de ce voyage sera la rencontre du souverain pontife avec le patriarche de Constantinople, Bartholomée 1er, prévu le 29 novembre à l'église syro-orthodoxe Saint-Ephrem d'Istanbul, la première église chrétienne construite officiellement depuis 1923 en Turquie et inaugurée en février 2023 par Recep Tayyip Erdogan. S'y réuniront autour des deux figures religieuses une vingtaine de chefs d'églises d'Orient et d'Occident.
Pour Hyacinthe Destivelle, il s'agira par cette rencontre, à laquelle se superpose le 1 700e anniversaire du concile de Nicée dont les célébrations en mai dernier avaient été repoussées après la mort du pape François, de « réaffirmer l'engagement œcuménique de l'Eglise catholique, particulièrement envers les églises orientales et le lien particulier qu'entretient l'Eglise de Rome avec l'Eglise de Constantinople, des "églises soeurs" ». La veille, le pape se sera rendu à Iznik, anciennement appelé Nicée, pour une prière œcuménique.
Toutefois, le patriarche de Constantinople n'a invité à la rencontre du 29 novembre que les églises chalcédoniennes, à savoir celle d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem. N'ont pas été conviés les Eglises autocéphales, nées au deuxième millénaire dont celle de Moscou. La réunion sera « une occasion de valoriser la synodalité oecuménique, mais je doute fort qu'elle contribuera à une résolution des tensions dans le monde orthodoxe », estime le spécialiste, qui espère, au passage, que la question de l'unification de la date de Pâques sera abordée par les chefs religieux.
Le point d'orgue de ce voyage sera la rencontre du souverain pontife avec le patriarche de Constantinople, Bartholomée 1er, prévu le 29 novembre à l'église syro-orthodoxe Saint-Ephrem d'Istanbul, la première église chrétienne construite officiellement depuis 1923 en Turquie et inaugurée en février 2023 par Recep Tayyip Erdogan. S'y réuniront autour des deux figures religieuses une vingtaine de chefs d'églises d'Orient et d'Occident.
Pour Hyacinthe Destivelle, il s'agira par cette rencontre, à laquelle se superpose le 1 700e anniversaire du concile de Nicée dont les célébrations en mai dernier avaient été repoussées après la mort du pape François, de « réaffirmer l'engagement œcuménique de l'Eglise catholique, particulièrement envers les églises orientales et le lien particulier qu'entretient l'Eglise de Rome avec l'Eglise de Constantinople, des "églises soeurs" ». La veille, le pape se sera rendu à Iznik, anciennement appelé Nicée, pour une prière œcuménique.
Toutefois, le patriarche de Constantinople n'a invité à la rencontre du 29 novembre que les églises chalcédoniennes, à savoir celle d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem. N'ont pas été conviés les Eglises autocéphales, nées au deuxième millénaire dont celle de Moscou. La réunion sera « une occasion de valoriser la synodalité oecuménique, mais je doute fort qu'elle contribuera à une résolution des tensions dans le monde orthodoxe », estime le spécialiste, qui espère, au passage, que la question de l'unification de la date de Pâques sera abordée par les chefs religieux.
Le dialogue théologique, un axe central pour les Églises de Rome et de Constantinople
Une déclaration commune sera produite à l'issue de leur rencontre mais qu'en attendre ? « Elle devrait reprendre la promotion du dialogue théologique, présidé et promu par l'Église de Constantinople depuis 1980 entre l'ensemble des églises orthodoxes et l'Église catholique », affirme Hyacinthe Destivelle
« Une des priorités dans les relations entre Rome et Constantinople, c'est de promouvoir ce dialogue » qui est « à la fois fructueux et en crise » dans la mesure où des églises importantes n'y sont pas parties prenantes aujourd'hui, à commencer par celle de Moscou qui ne participe plus au dialogue depuis 2018 en raison de la guerre en Ukraine fait part le prêtre. « Le pèlerinage des leaders chrétiens à Iznik – Nicée – pour l’anniversaire du premier concile œcuménique sera l’occasion de rappeler la valeur de la synodalité pour résoudre les conflits. »
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