Rapport sur l'islamisme politique : largement pointée du doigt, la fédération Musulmans de France réagit

Par Lina Farelli, le 21/05/2025

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Tandis qu’un rapport sur les Frères musulmans et l’islamisme politique est examiné, mercredi 21 mai, par un conseil de défense à l’Elysée, MF s’est exprimé sans attendre, mardi 20 mai, pour faire valoir sa vive préoccupation quant aux conclusions du rapport sur les Frères musulmans qui « désigne indirectement - mais sans ambiguïté - notre fédération comme une organisation affiliée ou représentative de la mouvance des Frères musulmans en France ». « Nous ne pouvons rester silencieux face à une telle accusation, lourde de conséquences sur notre image, notre crédibilité et notre légitimité dans le débat public », déclare-t-elle.

Alors que l’organisation assure avoir eu « un entretien franc et constructif » en 2024 avec les membres de la commission chargée du rapport, au cours duquel MF a « fourni toutes les informations demandées, sans réserve, sur (leurs) orientations, (leurs) actions, (leur) gouvernance et (leurs) principes fondamentaux », celle-ci se dit aujourd’hui étonnée de la teneur du rapport.

De sa création en 1983 à aujourd’hui, « notre fédération a connu un long parcours d'adaptation, de maturation et de transformation. Initialement portée par des étudiants et intellectuels issus de l'immigration, elle a progressivement évolué vers une structure représentative d'un islam français, enraciné dans la société et les valeurs républicaines », explique-t-elle. « Cette évolution s'est traduite par une relecture des textes religieux à la lumière du contexte laïc français, un travail de contextualisation théologique, et une volonté constante d'adapter la pratique religieuse aux réalités de la citoyenneté. Nos cadres, issus des nouvelles générations, pleinement français, ont œuvré à dépasser les logiques d'importation de modèles étrangers pour construire un islam de France, répondant aux aspirations des jeunes musulmans, non plus perçus comme des immigrés de passage, mais comme des citoyens à part entière, engagés dans la société française. »

« Une double injonction contradictoire » envers les musulmans

La fédération indique avoir « toujours répondu présente aux initiatives de l'État visant à structurer le culte musulman en France », jusqu’à signer la charte des principes pour l'islam de France en 2021 à l'Élysée, en « réaffirmant son attachement aux valeurs de la République, réfutant tout lien d'allégeance avec une puissance étrangère, notamment avec la confrérie des Frères musulmans, et plus largement avec l'islam politique ».

« Le culte musulman se trouve aujourd'hui confronté à une double injonction contradictoire : réussir est suspecté d'entrisme, ne rien faire devient du séparatisme. Il est légitime de s'interroger : que doit faire réellement le culte musulman pour être considéré avec équité et respect, comme les autres cultes reconnus en France ? », s’interroge MF.

« Tout effort d'intégration semble perçu comme une stratégie d'infiltration, toute prudence comme un repli communautaire. Il est temps d'ouvrir un débat lucide, dépassionné, pour sortir de ce piège des intentions présumées, et reconnaître aux musulmans de France le droit d'organiser leur culte dans le cadre de la République, sans suspicion permanente », plaide la fédération, qui appelle les autorités et les acteurs politiques à « faire preuve de discernement, de rigueur intellectuelle et d'esprit de justice ».

« Les amalgames, même involontaires, entre islam, islamisme politique et radicalité sont non seulement dangereux, mais contre-productifs pour la République elle-même. Derrière ces accusations infondées, c'est une stigmatisation de l'islam et des musulmans qui se dessine. Les discours politiques et les traitements médiatiques consacrent une place obsessionnelle à la question musulmane, souvent déconnectée de la réalité vécue par les fidèles. Cette mise en accusation permanente forge les esprits, alimente les peurs et participe, hélas, à des passages à l'acte violents », souligne MF, en citant le cas d’Aboubakar Cissé. Elle réaffirme néanmoins « son engagement à continuer le dialogue avec l'État, dans un esprit de loyauté républicaine et de service de l'intérêt général, au bénéfice de tous les citoyens ».

Mise à jour : « Si les entretiens avec les représentants de Musulmans de France ont été courtois, peu de suites ont été données aux demandes de documents, pourtant peu intrusives », ont fait part les auteurs d'un rapport aux conclusions non sans conséquences pour la composante musulmane de France au-delà même de MF.

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