Au cœur du Ramadan, un grand repas citoyen anime Stains, une belle démonstration de solidarité à la clé

Par Hanan Ben Rhouma, le 11/04/2023

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On ne compte plus les distributions de repas organisées pendant le Ramadan à travers la France ; elles sont un des reflets de la dimension solidaire et fraternelle du mois de jeûne à laquelle de nombreuses associations confessionnelles mais aussi laïques participent à faire vivre avec de concours d'élus locaux engagés pour la diversité et l'inclusion. Exemple à Stains, en région parisienne, où s’est organisé, au cours du week-end pascal, un repas citoyen qui a accueilli plus de 1 500 personnes.

A Stains, en Seine-Saint-Denis, l’étage du parking de Carrefour a été le théâtre d'un autre ballet que celle des voitures. Il a accueilli, dimanche 9 avril, en plein mois du Ramadan, un repas citoyen géant. Y ont participé pas moins de 1 500 personnes selon le comité organisateur constitué par un collectif d’associations locales de divers horizons.

Pour ce repas ouvert à tous et particulièrement aux personnes seules, isolées et en difficulté, des familles en nombre ont fait le déplacement pour partager ce moment de convivialité et de fraternité, face à une scène qui a vu défiler des artistes pour animer l'événement organisé autour du thème « Zéro gaspillage, zéro déchet ». « Avec zéro budget » aussi, « grâce à la générosité de nombreux commerçants stanois », signale-t-on. Outre le soutien de la municipalité de Stains, celle de Villiers-le-Bel, dans le Val d’Oise, a apporté sa contribution en prêtant le matériel afin de permettre l’accueil des « invités » dans de bonnes conditions. Sans compter l’aide de quelque 200 bénévoles sans qui l’initiative n’aurait pas tenu ses promesses.

L'élan de générosité n'a pas manqué d'être salué par Azzedine Taïbi. L’évènement « ouvre l'esprit de solidarité et de fraternité au-delà de nos sensibilités, de nos convictions, et ce pari est très important », souligne publiquement le maire de Stains. Dans un esprit qui se veut rassembleur, « il s’agit moins d’un iftar solidaire classique, organisé par des musulmans seuls, comme il en existe beaucoup d’autres en France – et c’est très bien – que d’un repas citoyen » mêlant les cultes et les cultures, insiste auprès de Saphirnews Abdelkader Bouaziz, président de l’Association stanoise en dialogue pour l’identité et la culture (ASDIC), porteuse du projet de Grande Mosquée de Stains.

Un détail ne nous a pas échappé : l’appel à la prière (adhan) n’a pas résonné dans le parking ouvert à l’heure de la rupture du jeûne, mais plutôt le titre bien entraînant « Et demain ? », empreinte d'humanité... Aucune miette sujette à polémique n’est laissée à l’extrême droite, qui se plaît à jouer régulièrement les trouble-fêtes.

Une présence chrétienne très appréciée

Quelques minutes plus tôt, le Père Gabriel Tekam, curé des paroisses Notre-Dame de Consolation et Notre-Dame de l'Assomption de Stains, évoquait sur scène la parabole de la multiplication des pains ; l’une de celles « qui a toujours orienté l'éthique chrétienne » contre le gaspillage et qui invite tout un chacun à ne rien gâcher, à tout partager. Sa présence au repas collectif est d’autant plus appréciée par les participants que les catholiques ont célébré ce même week-end la fête de Pâques.

A ses côtés se trouvait également Sœur Élodie Blondeau, co-déléguée pour le Service diocésain des relations avec les musulmans de Seine-Saint-Denis (SDRM 93), qui se réjouit de ce type d’initiatives locales qui sont autant d'invitations à « sortir de l'entre-soi ». C’est « un témoignage d'ouverture important » qui manifeste « la présence de l'islam dans ce qui va bien » en France, affirme à Saphirnews cette religieuse de la congrégation des Petites Sœurs du Sacré-Cœur de Charles-de-Foucauld, à L’Île-Saint-Denis.

Une crise sanitaire plus tard, le comeback

L’organisation d'un tel repas en plein Ramadan n’est pas nouvelle à Stains. Une première édition a vu le jour en 2019 grâce à un réseau large de contributeurs qui s’étaient promis d’en faire un rendez-vous annuel. « Malheureusement, le Covid est passé par là. On se retrouve quelques années plus tard à revivre ce moment de partage autour de valeurs qui nous sont chères, la solidarité, l'entraide, la bienveillance, le don de soi, (...) et qui nous animent tous ensemble », raconte Abdelkader Bouaziz.

Entretemps, les organisateurs du premier repas citoyen n’ont pas chômé : en plus de leurs activités respectives, ils ont lancé le collectif Zéro précarité à Stains, qui s’était alors chargé de distribuer des colis alimentaires à des centaines de familles dans le besoin en 2020 et en 2021.

Cette année, pour l'édition 2023, 2 000 repas ont été distribués au total, nous informe Abdelkader Bouaziz : plus de 1 500 repas sur place tandis que les restes, zéro gaspi oblige, ont été distribués « dans la foulée à la mosquée et lors d’une maraude ».

Le vivre ensemble en actes

Cette manifestation va « à rebours de ce qui est véhiculé à longueur de journée dans les médias, où certains sont portés (sur la stigmatisation) des populations contre d'autres. Ce soir, on fait la démonstration, avec les organisateurs, que la solidarité et le partage n'ont pas de couleur, pas de frontière, pas d'appartenance », déclare Azzedine Taïbi. « C’est une festivité qui montre la vie heureuse en dépit des difficultés et de la crise », témoigne en ce sens le président de la Fondation de l’islam de France (FIF) Ghaleb Bencheikh. Venu incognito à « un iftar républicain, un dîner citoyen, qui n'empêche en rien l'élévation des âmes », il décèle dans cette initiative « l'ancrage des musulmans au sein de la République laïque et leur ouverture avec les autres composantes de la société ».

C’est d'ailleurs en « citoyenne stanoise » que Kama, voile vissée sur la tête, est venue avec ses enfants partager le repas. « Entre Stanois, la convivialité, on a l’habitude ! », nous dit-elle tout sourire au sortir du parking. Pour Celya, il s'agissait là de sa toute première participation à un iftar qu'elle doit à un ami habitant Stains. Une soupe marocaine et un mafé plus tard, elle ne cache pas avoir apprécié le moment qu’elle a partagé avec « une dizaine de personnes » dont son fils et son compagnon. « L'année prochaine, on viendra plus tôt ! », promet-elle.

Les organisateurs entendent bien réitérer l'opération pour une troisième édition en 2024. Avec l’intention intacte de « créer des passerelles » entre les citoyens, pour que « le vivre ensemble ne soit pas qu'un discours », plaide le président de l’ASDIC. Un pari réussi à Stains mais aussi ailleurs en France, dans bien plus de communes que ce que le pessimisme ambiant veut nous laisser croire.

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