Le Conseil départemental du culte musulman (CDCM) du Loiret, qui a dévoilé début juillet les résultats d’un sondage réalisé par ses soins auprès des fidèles de ses mosquées, lance l’alerte sur la montée de l’islamophobie auprès des pouvoirs publics tout en appelant les musulmans à leur responsabilité. Deux responsables locaux expliquent auprès de Saphirnews la genèse de la démarche et les suites à donner face à des constats alarmants.
Comment les musulmans du Loiret perçoivent-ils le rapport sur les Frères musulmans et l’islamisme politique en France ? Plus globalement, quelles sont leurs expériences personnelles de l’islamophobie et comment y font-ils face ? Tels étaient les grandes questions posées aux fidèles des mosquées membres – une trentaine – du Conseil départemental du culte musulman (CDCM) du Loiret dans le cadre d’une étude réalisée sur 10 jours, du 4 au 14 juin dernier, et que Saphirnews a pu consulter dans son intégralité. Et les conclusions, présentés aux services de l’Etat à l’occasion des Assises territoriales de l’islam de France (ATIF) organisées à la préfecture d’Orléans le 21 juin dernier, sont sans appel.
Sur les 1 074 répondants issus d'une population musulmane âgée de 14 à 83 ans et originaires de 53 communes du département, trois quarts (75,4 %) perçoivent le rapport comme « visant à stigmatiser les musulmans », tandis que 15,8 % d'entre eux considèrent qu’il s’agit d’une « base pour des mesures politiques », alors qu’un nouveau conseil de défense a été convoqué ce lundi 7 juillet à l’Elysée pour formuler de nouvelles propositions visant à lutter contre « l’entrisme frériste ».
Lire aussi : Contre « l'entrisme islamiste », Macron prône le renforcement de « mesures d'entrave »
Sur les 1 074 répondants issus d'une population musulmane âgée de 14 à 83 ans et originaires de 53 communes du département, trois quarts (75,4 %) perçoivent le rapport comme « visant à stigmatiser les musulmans », tandis que 15,8 % d'entre eux considèrent qu’il s’agit d’une « base pour des mesures politiques », alors qu’un nouveau conseil de défense a été convoqué ce lundi 7 juillet à l’Elysée pour formuler de nouvelles propositions visant à lutter contre « l’entrisme frériste ».
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Une profonde inquiétude sur les suites du rapport
« L'analyse des données révèle un déficit de confiance significatif envers les conclusions présentées dans le rapport », note le CDCM, puisque 71 % des sondés déclarent n’y accorder « aucune crédibilité ». Plus de la moitié d’entre eux (58,1 %) ont aussi ressenti une « injustice face aux conclusions et à la méthodologie employée dans le rapport ». Près de 15 % ont même confié un sentiment de « colère ».
Une majorité écrasante des répondants (88 %) estiment que « la publication de ce rapport engendrera des tensions accrues au sein de la société française », ce qui traduit « une inquiétude profonde quant aux répercussions sociales potentielles du document ». Par ailleurs, « le sentiment d'une foi sous surveillance ou sujette à suspicion est largement partagé parmi les participants », avec près de trois quarts des répondants (74,3 %) qui affirment ressentir cette surveillance « de manière constante ».
« Nous avons eu le malheur de subir des drames ces derniers mois », fait part auprès de Saphirnews Fouad et Youssef, membres du CDCM Loiret,* pour expliquer la genèse de cette étude. Sont cités, entre autres, l’incendie criminelle de la mosquée de Jargeau en février et l’affaire des stickers islamophobes retrouvés en mai dans les rues d'Orléans proclamées « zones interdites aux musulmans ».
Puis, « avec l’assassinat barbare et terroriste de notre frère Aboubakar Cissé, on est arrivé à un paroxysme de violence avec le sang d’un fidèle qui est versé directement au sein d'une mosquée dans une ville de campagne de 5 000 habitants, très similaire à celles qu'on a dans le Loiret », appuie Youssef.
A cet instant, « nous avons eu des marques d'affection d’élus locaux et même de la préfète » de région, Sophie Brocas, qui s’est rendue à un rassemblement d’hommage au fidèle organisé fin avril à Orléans, avant un autre à Montargis organisé le 2 mai par le CDCM. En revanche, « les réactions politiques nationales n'ont pas été à la hauteur de ce qu'on aurait pu voir pour d'autres événements similaires ou d'autres cultes », estime Youssef. Et voilà que très vite après le drame sort le rapport sur les Frères musulmans en France, « le comble ». Sa publication a été vécue comme la goutte d'eau qui fait déborder un vase plein d’un sentiment de stigmatisation prégnant depuis des années.
« Sa sortie nous a dégoûtés car on fait des efforts quotidiens pour lutter contre les préjugés mais on nous fait faire des dizaines de pas en arrière », renchérit Fouad, très inquiet des conséquences du rapport sur l’ensemble des musulmans. Youssef, quant à lui, déplore « l’accompagnement médiatique » du document : « Si, comme c'est dit, son objectif était très précis, avec une dimension chirurgicale pour traiter une frange particulière d’une minorité (de musulmans), alors il aurait fallu mieux accompagner la sortie en précisant mieux la cible, et ne pas laisser le rapport se répandre sur la place publique (…) de sorte à ne pas servir de tremplin à des idéologies qui se donnent à cœur joie de stigmatiser les musulmans. »
Lire aussi : Rapport sur les Frères musulmans : vigilance face aux dérives
L’avis des responsables du CDCM est tranché dessus, mais « plutôt que d’émettre des hypothèses à notre échelle, et face au constat des violences qu'on a pu subir », l’idée d’une consultation, « inédite à l’échelle du département », a été mise sur la table afin d’interroger la communauté musulmane à l’échelle du Loiret sur son ressenti face à cette actualité mais aussi face à l’islamophobie.
Une majorité écrasante des répondants (88 %) estiment que « la publication de ce rapport engendrera des tensions accrues au sein de la société française », ce qui traduit « une inquiétude profonde quant aux répercussions sociales potentielles du document ». Par ailleurs, « le sentiment d'une foi sous surveillance ou sujette à suspicion est largement partagé parmi les participants », avec près de trois quarts des répondants (74,3 %) qui affirment ressentir cette surveillance « de manière constante ».
« Nous avons eu le malheur de subir des drames ces derniers mois », fait part auprès de Saphirnews Fouad et Youssef, membres du CDCM Loiret,* pour expliquer la genèse de cette étude. Sont cités, entre autres, l’incendie criminelle de la mosquée de Jargeau en février et l’affaire des stickers islamophobes retrouvés en mai dans les rues d'Orléans proclamées « zones interdites aux musulmans ».
Puis, « avec l’assassinat barbare et terroriste de notre frère Aboubakar Cissé, on est arrivé à un paroxysme de violence avec le sang d’un fidèle qui est versé directement au sein d'une mosquée dans une ville de campagne de 5 000 habitants, très similaire à celles qu'on a dans le Loiret », appuie Youssef.
A cet instant, « nous avons eu des marques d'affection d’élus locaux et même de la préfète » de région, Sophie Brocas, qui s’est rendue à un rassemblement d’hommage au fidèle organisé fin avril à Orléans, avant un autre à Montargis organisé le 2 mai par le CDCM. En revanche, « les réactions politiques nationales n'ont pas été à la hauteur de ce qu'on aurait pu voir pour d'autres événements similaires ou d'autres cultes », estime Youssef. Et voilà que très vite après le drame sort le rapport sur les Frères musulmans en France, « le comble ». Sa publication a été vécue comme la goutte d'eau qui fait déborder un vase plein d’un sentiment de stigmatisation prégnant depuis des années.
« Sa sortie nous a dégoûtés car on fait des efforts quotidiens pour lutter contre les préjugés mais on nous fait faire des dizaines de pas en arrière », renchérit Fouad, très inquiet des conséquences du rapport sur l’ensemble des musulmans. Youssef, quant à lui, déplore « l’accompagnement médiatique » du document : « Si, comme c'est dit, son objectif était très précis, avec une dimension chirurgicale pour traiter une frange particulière d’une minorité (de musulmans), alors il aurait fallu mieux accompagner la sortie en précisant mieux la cible, et ne pas laisser le rapport se répandre sur la place publique (…) de sorte à ne pas servir de tremplin à des idéologies qui se donnent à cœur joie de stigmatiser les musulmans. »
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L’avis des responsables du CDCM est tranché dessus, mais « plutôt que d’émettre des hypothèses à notre échelle, et face au constat des violences qu'on a pu subir », l’idée d’une consultation, « inédite à l’échelle du département », a été mise sur la table afin d’interroger la communauté musulmane à l’échelle du Loiret sur son ressenti face à cette actualité mais aussi face à l’islamophobie.
Un malaise palpable parmi les musulmans
Alors que 72,4 % des personnes interrogées disent avoir vécu une ou plusieurs situations d’islamophobie, dans la rue, les transports, à l'école ou au travail, 77,2 % d’entre eux disent n’avoir jamais signalé ces faits à la police ou à la gendarmerie, « par peur ou par manque de confiance envers les autorités », souligne le CDCM. Seuls 8 % ont déclaré les actes dont ils disent avoir été victimes. « Le sous-signalement massif des actes islamophobes constitue un problème majeur dans la lutte contre cette forme de discrimination », soulignent les responsables.
Face à ce phénomène, près d'un quart des sondés (23,3 %) adopte « une posture combative face aux difficultés anticipées ». Dans le même temps, un autre quart (25,2 %) envisage de quitter la France, « révélant un sentiment profond de désillusion et une remise en question de leur avenir dans le pays ».
Lire aussi : La France, tu l'aimes mais tu la quittes : l'enquête sur l'exil silencieux des Français musulmans qui fait du bruit
Au sein du CDCM, « nous avons été scotchés face à ce résultat. A l'échelle nationale, un quart n'est pas un chiffre anodin » au regard du nombre de musulmans en France estimé entre 4 et 6 millions, nous indique Youssef. « Si on prend 25 % de ces statistiques, c'est un pan non négligeable des forces vives du pays qui est potentiellement dans cet état d’esprit. »
Toutefois, « il ne faut pas se voiler la face, et nous l'avons défendu comme tel devant la préfecture lors des assises territoriales : en général, dans ces situations-là, les premiers à partir ne sont pas les ouvriers et les classes les plus modestes, mais les cadres, les intellectuels et c’est ce qui particulièrement alarmant. Ce sont de purs produits français, à très forte valeur ajoutée, qui part et voir de la matière grise songer à s'expatrier vers d'autres terres est désolant », indique-t-il.
Face à ce phénomène, près d'un quart des sondés (23,3 %) adopte « une posture combative face aux difficultés anticipées ». Dans le même temps, un autre quart (25,2 %) envisage de quitter la France, « révélant un sentiment profond de désillusion et une remise en question de leur avenir dans le pays ».
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Au sein du CDCM, « nous avons été scotchés face à ce résultat. A l'échelle nationale, un quart n'est pas un chiffre anodin » au regard du nombre de musulmans en France estimé entre 4 et 6 millions, nous indique Youssef. « Si on prend 25 % de ces statistiques, c'est un pan non négligeable des forces vives du pays qui est potentiellement dans cet état d’esprit. »
Toutefois, « il ne faut pas se voiler la face, et nous l'avons défendu comme tel devant la préfecture lors des assises territoriales : en général, dans ces situations-là, les premiers à partir ne sont pas les ouvriers et les classes les plus modestes, mais les cadres, les intellectuels et c’est ce qui particulièrement alarmant. Ce sont de purs produits français, à très forte valeur ajoutée, qui part et voir de la matière grise songer à s'expatrier vers d'autres terres est désolant », indique-t-il.
Inciter les musulmans à signaler les actes islamophobes
S’agissant du très faible taux de signalement des actes antimusulmans, le CDCM entend agir à son niveau en sensibilisant les fidèles de ses mosquées sur l’importance de récolter des preuves et de déposer plainte. Bien que le recul de confiance envers les autorités soit un facteur expliquant la résignation des victimes, se taire sur l'inacceptable n’est pas une réponse adéquate pour les responsables musulmans. « Il ne faut surtout pas banaliser l'islamophobie, c'est essentiel car la réalité est affolante, surtout pour les femmes qui portent le voile », signifie Fouad. Les prochains rassemblements hebdomadaires du vendredi seront donc des occasions, nous dit-on, de porter ce message aux fidèles et de présenter les moyens à leur disposition. « Il y a un effort de pédagogie à faire sur la marche à suivre », insiste Youssef.
Les autorités ont aussi leur rôle à jouer pour accompagner et rassurer les Français musulmans face à la haine. « On voit de plus en plus un effet de repli communautaire qui va s'accélérer à vitesse grand V si rien n'est fait des pouvoirs publics car les musulmans se sentiront plus en sécurité avec les leurs et ce n'est pas normal », affirme Fouad.
L’enquête, qui se voulait « la plus solide possible » en limitant sa diffusion à des canaux privés pour garantir des retours « sains », le dit clairement : 49 % souhaitent un engagement explicite des pouvoirs publics dans la lutte contre les discriminations visant les musulmans, quand 17,1 % demandent même « une reconnaissance officielle de l'islamophobie comme forme spécifique de discrimination au même titre que l'antisémitisme ». Enfin, une large majorité des répondants (68,2 %) estime que la lutte contre les discriminations doit être une priorité nationale pour « renforcer la cohésion sociale ».
Lire aussi : L'Etat français appelé à reconnaître l'islamophobie comme « une menace majeure pour notre République »
Etude en main, le CDCM s’est aussi d’ores et déjà lancé dans un travail de sensibilisation des élus et députés de leur région pour attirer leur attention sur ce phénomène « qui n’a rien de fantomatique ». « On a souvent vu la communauté musulmane être dans la réaction, parfois épidermique, face à chaque acte dramatique ou triste, déclare Youssef. Nous, on veut pousser les sujets pour qu’ils soient traités sur les plans local et national, susciter des débats sur les solutions visant à contrer la montée de l’islamophobie, faire condamner les discours islamophobes qui se déversent chaque jour dans les mass médias car ils ont un impact psychologique qui se traduisent par des actes malheureux. »
*Fouad et Youssef ont souhaité demeurer anonymes de leur nom.
Lire aussi :
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*Fouad et Youssef ont souhaité demeurer anonymes de leur nom.
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