Le premier tour de l'élection présidentielle 2022 a été caractérisé par un engagement fort des classes populaires – dont un grand nombre de musulmans – en faveur de Jean-Luc Mélenchon. Retour sur le phénomène avec Claude Dargent, agrégé de sciences sociales et docteur en science politique. Professeur de sociologie à l’université Paris 8 de Saint-Denis, il est également chercheur associé au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Ses recherches portent sur trois domaines : les religions, les facteurs sociaux et culturels des comportements politiques, et les opinions, attitudes et valeurs.
Saphirnews : Les appels pour convaincre les musulmans de voter Jean-Luc Mélenchon se sont multipliés sur les réseaux sociaux dans les derniers jours précédant le premier tour de l’élection présidentielle. Le « vote musulman » existe-t-il ?
L’apparition d’électeurs se réclamant de la religion musulmane est d’ailleurs assez récente. Elle date du début des années 2000. Les immigrés présents en France dans les années 1960, 1970 et 1980 ne se revendiquaient pas de l’islam. Les électeurs qui se réclament aujourd'hui de l’islam dans les enquêtes sociologiques sont des enfants ou petits-enfants d’immigrés. Leurs parents cherchaient à se fondre dans la société française, ce qui ne les a pas empêchés de vivre des formes multiples de discrimination.
Renvoyés à leurs origines, leurs descendants affirment leur différence jusque dans la religion. Mais s’ils votent à gauche, c’est plutôt en réponse aux discriminations dont ils sont victimes et en fonction de leurs caractéristiques sociales individuelles.
69 % des musulmans ont voté Jean-Luc Mélenchon le 10 avril 2022. Est-ce une surprise ? Qu’est-ce que cela dit de la communauté musulmane ?
Catholiques ou musulmans, le fait d’appartenir et de pratiquer une religion semble engendrer une forme d’intégration sociale qui pousse à participer aux scrutins électoraux.
Peut-on anticiper le vote des électeurs vivant dans les quartiers populaires – notamment ceux de Jean-Luc Mélenchon – au second tour ?
Mais un grand nombre de gens se décident au dernier moment. C’est d’ailleurs une caractéristique du vote des Français : la cristallisation des votes est de plus en plus tardive. On peut juste prédire que la tentation abstentionniste sera plus ou moins forte selon les positions prises par l’actuel Président de la République pendant cette campagne du deuxième tour.
Les autorités religieuses ont adopté un positionnement différent concernant le second tour de la présidentielle. Alors que des fédérations musulmanes appellent à voter Emmanuel Macron au deuxième tour, les évêques de France sont beaucoup plus réservés. Qu’en pensez-vous ?
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