C'est dans un contexte particulièrement difficile, lié aux tensions en cours au Proche-Orient, que s'est tenue la Conférence allemande sur l'islam (DIK) les 21 et 22 novembre à Berlin. Pour tenir compte des événements du 7 octobre, l'ordre du jour de la réunion, qui devait être consacrée à l'islamophobie, a été modifié pour intégrer la question de l'antisémitisme. Dans une Allemagne où la critique d'Israël est extrêmement compliqué, les organisations musulmanes ont été exhortées par le gouvernement à « promouvoir encore plus visiblement » la lutte contre l’antisémitisme et le terrorisme.
En Allemagne, les organisations musulmanes ont été sommées d’exprimer « haut et fort » leur rejet de l’antisémitisme et de l'hostilité à l'égard d'Israël. Cette injonction a été faite par la ministre fédérale de l'Intérieur, Nancy Faeser, mardi 21 novembre, à l’ouverture de la Conférence allemande sur l'islam (DIK) qui rassemble depuis 2006 des représentants des pouvoirs publics et des cadres religieux et associatifs musulmans dans le cadre de la structuration de l’islam en Allemagne.
« Il n’y a pas de "mais" aux terribles attaques terroristes du Hamas contre Israël. Cette terreur méprise tout ce que nous avons, connaissons et respectons en termes de valeurs. Israël a le droit de se défendre contre la terreur bestiale du Hamas, qui assassine des innocents, massacre sans discernement soldats et civils, hommes et femmes, personnes âgées et enfants – une terreur qui veut détruire l'État juif et ses habitants. Il n'y a pas de "mais" - il y a un "et" : des hommes, des femmes et des enfants palestiniens souffrent et meurent également dans cette guerre - eux aussi sont victimes de cette terreur qui vient du Hamas et dont ils sont responsables », a-t-elle signifié depuis Berlin. « Tout le monde mérite un espace pour pleurer la terrible violence et les nombreuses victimes civiles – israéliennes et palestiniennes. Mais peu importe à quel point nous sommes touchés, ce conflit au Moyen-Orient ne doit pas être mené dans les rues allemandes. »
Remerciant les organisations musulmanes présentes pour leur condamnation « claire et sans équivoque des actes de terreur du Hamas » et de l'antisémitisme, elle a appelé ces dernières à en faire davantage « dans les prières du vendredi, dans les communautés, lors d'événements ou sur vos propres réseaux sociaux », avec « la même formulation, que la communication soit en allemand, turc ou arabe ».
« Il n’y a pas de "mais" aux terribles attaques terroristes du Hamas contre Israël. Cette terreur méprise tout ce que nous avons, connaissons et respectons en termes de valeurs. Israël a le droit de se défendre contre la terreur bestiale du Hamas, qui assassine des innocents, massacre sans discernement soldats et civils, hommes et femmes, personnes âgées et enfants – une terreur qui veut détruire l'État juif et ses habitants. Il n'y a pas de "mais" - il y a un "et" : des hommes, des femmes et des enfants palestiniens souffrent et meurent également dans cette guerre - eux aussi sont victimes de cette terreur qui vient du Hamas et dont ils sont responsables », a-t-elle signifié depuis Berlin. « Tout le monde mérite un espace pour pleurer la terrible violence et les nombreuses victimes civiles – israéliennes et palestiniennes. Mais peu importe à quel point nous sommes touchés, ce conflit au Moyen-Orient ne doit pas être mené dans les rues allemandes. »
Remerciant les organisations musulmanes présentes pour leur condamnation « claire et sans équivoque des actes de terreur du Hamas » et de l'antisémitisme, elle a appelé ces dernières à en faire davantage « dans les prières du vendredi, dans les communautés, lors d'événements ou sur vos propres réseaux sociaux », avec « la même formulation, que la communication soit en allemand, turc ou arabe ».
Les musulmans appelés à être à la hauteur de la « responsabilité » allemande face à l'antisémitisme
Lors de cette réunion organisée sur deux jours, consacrée principalement à la lutte contre l'antisémitisme et l’islamophobie « en période de division sociale » et à laquelle deux instances musulmanes n’ont pas été invitées (voir encadré), Nancy Faeser a alerté sur la flambée du racisme visant les juifs, en forte hausse en Allemagne comme ailleurs en Europe depuis le 7 octobre. Une situation qui a poussé Olaf Scholz à promettre aux juifs qu'ils ne souffriraient « plus jamais » d'antisémitisme en Allemagne, à l'occasion de la commémoration des 85 ans de la Nuit de Cristal qui a lancé une série de pogroms antijuifs à travers le Reich les 9 et 10 novembre 1938.
La culpabilité allemande découlant des crimes de la Shoah « fait naître une responsabilité pour nous tous : l’existence de la vie juive ne doit plus jamais être menacée. Mais ce n’est pas seulement l’affaire de l’État. C'est aussi la responsabilité de l’ensemble de la société allemande. Chaque personne en Allemagne vit avec cette responsabilité. Tout le monde », a-t-elle affirmé. Et les musulmans ne font pas exception.
Alors que « le ressentiment particulièrement dirigé contre Israël est beaucoup plus répandu parmi les musulmans en Allemagne que dans la société moyenne », « nous devons reconnaître que nous avons un problème d’antisémitisme en Allemagne, qui vient également des musulmans. Nous devons tous nous y opposer de manière décisive, en tant que démocrates ! », a-t-elle lancé. Car « nous constatons actuellement que pour certains, il suffit d’une étincelle pour que les paroles de haine soient suivies d’actes de violence. Nous devons également en parler ouvertement, ici et maintenant ».
Toutefois, « en aucun cas les musulmans d’Allemagne ne doivent être tenus pour responsables du terrorisme islamiste. Parce que la plupart des musulmans sont profondément enracinés depuis longtemps dans notre société démocratique. Ils sont tout aussi choqués que nous tous par les images de la violence effrénée du Hamas ».
La culpabilité allemande découlant des crimes de la Shoah « fait naître une responsabilité pour nous tous : l’existence de la vie juive ne doit plus jamais être menacée. Mais ce n’est pas seulement l’affaire de l’État. C'est aussi la responsabilité de l’ensemble de la société allemande. Chaque personne en Allemagne vit avec cette responsabilité. Tout le monde », a-t-elle affirmé. Et les musulmans ne font pas exception.
Alors que « le ressentiment particulièrement dirigé contre Israël est beaucoup plus répandu parmi les musulmans en Allemagne que dans la société moyenne », « nous devons reconnaître que nous avons un problème d’antisémitisme en Allemagne, qui vient également des musulmans. Nous devons tous nous y opposer de manière décisive, en tant que démocrates ! », a-t-elle lancé. Car « nous constatons actuellement que pour certains, il suffit d’une étincelle pour que les paroles de haine soient suivies d’actes de violence. Nous devons également en parler ouvertement, ici et maintenant ».
Toutefois, « en aucun cas les musulmans d’Allemagne ne doivent être tenus pour responsables du terrorisme islamiste. Parce que la plupart des musulmans sont profondément enracinés depuis longtemps dans notre société démocratique. Ils sont tout aussi choqués que nous tous par les images de la violence effrénée du Hamas ».
La lutte contre l’antisémitisme ne peut servir de prétexte à la haine des musulmans
La ministre de l'Intérieur, qui attend donc des organisations musulmanes qu’elles promeuvent « encore plus visiblement » la lutte contre l’antisémitisme au sein de leurs communautés, a souligné dans le même temps l’absolue nécessité de ne pas se servir de ce combat pour faire le lit de la haine contre les musulmans. « Nous ne devons pas laisser de place à ceux qui font des musulmans la cause de tous les maux », a-t-elle martelé. « Ceux qui créent aujourd'hui un climat hostile aux musulmans sous prétexte de lutter contre l'antisémitisme veulent nous diviser et non nous unir. Ces gens n’ont certainement pas à l’esprit le bien-être des juifs. »
« Les musulmans d’Allemagne sont quotidiennement confrontés à du ressentiment et à des préjugés négatifs. Dans les médias, dans les débats politiques et au pub, on parle encore plus des musulmans qu'avec eux. (…) Mais le sentiment antimusulman ne s’arrête pas au rejet et à la discrimination. Cela devient aussi de la haine et de l’incitation. Et dans le pire des cas, cela conduit à la violence », a reconnu la ministre, remerciant au passage les experts indépendants chargés d'enquêter sur l'islamophobie en Allemagne pour leur rapport rendu en juin.
Pour Nancy Faeser, « une chose est claire : les extrémistes de droite détestent les juifs et les musulmans. (…) L’extrémisme de droite est et reste l’une des plus grandes menaces pour notre démocratie. Pour nous tous ! Nous devons prendre très au sérieux son potentiel de menace ».
« Les musulmans d’Allemagne sont quotidiennement confrontés à du ressentiment et à des préjugés négatifs. Dans les médias, dans les débats politiques et au pub, on parle encore plus des musulmans qu'avec eux. (…) Mais le sentiment antimusulman ne s’arrête pas au rejet et à la discrimination. Cela devient aussi de la haine et de l’incitation. Et dans le pire des cas, cela conduit à la violence », a reconnu la ministre, remerciant au passage les experts indépendants chargés d'enquêter sur l'islamophobie en Allemagne pour leur rapport rendu en juin.
Pour Nancy Faeser, « une chose est claire : les extrémistes de droite détestent les juifs et les musulmans. (…) L’extrémisme de droite est et reste l’une des plus grandes menaces pour notre démocratie. Pour nous tous ! Nous devons prendre très au sérieux son potentiel de menace ».
Des critiques formulées sur le discours ministériel
Alors que l'extrême majorité des actes antisémites reste aujourd'hui le fait de l'extrême droite, des citoyens musulmans déplorent, depuis l'attaque du 7 octobre, un focus de la classe politique allemande sur « l'antisémitisme musulman » qui alimente une suspicion généralisée à l'encontre de la minorité religieuse (5,5 millions d'âmes), de même que des défenseurs de la cause palestinienne.
Des participants à la DIK ont aussi peu goûté au discours de Nancy Faeser. Au cours des ateliers, des participants ont fait savoir, selon Deutsche Welle, qu'ils s'étaient sentis « comme des écoliers » devant une professeure et ont souligné le manque de reconnaissance par l’Etat de leurs nombreuses années de travail. Aucune possibilité n’a été offerte de formuler ouvertement un commentaire critique des déclarations faites par la ministre, partie avant que la première question ait pu être posée, ont-ils aussi déploré.
Autre critique, celle formulée par le président du Conseil islamique de la République fédérale d'Allemagne (Islamrat) Burhan Kesici, qui a déclaré aussi à DW que « l'idée de traiter l'antisémitisme en même temps que l'islamophobie était bonne ». Toutefois, « l'antisémitisme a pris plus de place » alors qu’il aurait été « préférable » que l’islamophobie ait « au moins reçu le même poids », dans un contexte où nombre de musulmans d’Allemagne ressentent plus que jamais un fort sentiment d’insécurité. Des discussions avec le gouvernement sur les recommandations du groupe d'experts contre l'islamophobie sont toujours en cours ; des mesures devraient être annoncées pour 2024.
Des participants à la DIK ont aussi peu goûté au discours de Nancy Faeser. Au cours des ateliers, des participants ont fait savoir, selon Deutsche Welle, qu'ils s'étaient sentis « comme des écoliers » devant une professeure et ont souligné le manque de reconnaissance par l’Etat de leurs nombreuses années de travail. Aucune possibilité n’a été offerte de formuler ouvertement un commentaire critique des déclarations faites par la ministre, partie avant que la première question ait pu être posée, ont-ils aussi déploré.
Autre critique, celle formulée par le président du Conseil islamique de la République fédérale d'Allemagne (Islamrat) Burhan Kesici, qui a déclaré aussi à DW que « l'idée de traiter l'antisémitisme en même temps que l'islamophobie était bonne ». Toutefois, « l'antisémitisme a pris plus de place » alors qu’il aurait été « préférable » que l’islamophobie ait « au moins reçu le même poids », dans un contexte où nombre de musulmans d’Allemagne ressentent plus que jamais un fort sentiment d’insécurité. Des discussions avec le gouvernement sur les recommandations du groupe d'experts contre l'islamophobie sont toujours en cours ; des mesures devraient être annoncées pour 2024.
Deux importantes organisations musulmanes n’ont pas été invitées à participer à la session du DIK. Pourquoi ?
La Ditib, qui dépend du Diyanet, la Direction turque des Affaires religieuses, se voit reprocher par les autorités son manque de prise de distance avec les actes perpétrés par le Hamas. Ce dernier est présenté par Recep Tayyip Erdogan comme un « groupe de libérateurs qui protègent leur terre » tandis qu’Israël est qualifié d’« État terroriste ».
Le Conseil central des musulmans en Allemagne (ZDM) s’est étonné de la non-invitation, estimant, par la voix de son secrétaire général Abdassamad El Yazidi, qu’il est « insultant » de présenter sa fédération comme un soutien du Hamas. Le ZDM a en effet bien condamné les attaques du mouvement islamiste mais a aussi dénoncé, au lendemain du 7 octobre, les attaques israéliennes envers les Palestiniens, ce qui n’a pas été du goût des autorités. Un signe patent qu'il est extrêmement difficile de critiquer l'Etat hébreu en Allemagne. Notons que la sécurité d’Israël y est déclarée « raison d’État » en raison de sa responsabilité historique dans la Shoah, a réaffirmé devant le Bundestag le chancelier fédéral, Olaf Scholz, après l’attaque du Hamas.
Il est aujourd’hui surtout reproché au ZDM son lien avec le Centre islamique chiite de Hambourg (IZH), accusé de soutenir le Hezbollah et d’inciter à l’antisémitisme et à l’hostilité envers Israël. Surveillé de longue date par les autorités, il a fait l’objet d’une perquisition le 16 novembre. Ce même jour, le ZDM avait alors annoncé, dans un communiqué, la suspension de l’adhésion de l’IZH avec qui étaient menées « depuis longtemps des discussions intensives (…) concernant les allégations portées contre lui, dans le but de préserver la mosquée vieille de plus de 60 ans et la longue tradition de la vie chiite en Allemagne ». « La présomption d'innocence s'applique et nous avons pleinement confiance en notre État de droit », avait fait savoir l’instance.
La Ditib, qui dépend du Diyanet, la Direction turque des Affaires religieuses, se voit reprocher par les autorités son manque de prise de distance avec les actes perpétrés par le Hamas. Ce dernier est présenté par Recep Tayyip Erdogan comme un « groupe de libérateurs qui protègent leur terre » tandis qu’Israël est qualifié d’« État terroriste ».
Le Conseil central des musulmans en Allemagne (ZDM) s’est étonné de la non-invitation, estimant, par la voix de son secrétaire général Abdassamad El Yazidi, qu’il est « insultant » de présenter sa fédération comme un soutien du Hamas. Le ZDM a en effet bien condamné les attaques du mouvement islamiste mais a aussi dénoncé, au lendemain du 7 octobre, les attaques israéliennes envers les Palestiniens, ce qui n’a pas été du goût des autorités. Un signe patent qu'il est extrêmement difficile de critiquer l'Etat hébreu en Allemagne. Notons que la sécurité d’Israël y est déclarée « raison d’État » en raison de sa responsabilité historique dans la Shoah, a réaffirmé devant le Bundestag le chancelier fédéral, Olaf Scholz, après l’attaque du Hamas.
Il est aujourd’hui surtout reproché au ZDM son lien avec le Centre islamique chiite de Hambourg (IZH), accusé de soutenir le Hezbollah et d’inciter à l’antisémitisme et à l’hostilité envers Israël. Surveillé de longue date par les autorités, il a fait l’objet d’une perquisition le 16 novembre. Ce même jour, le ZDM avait alors annoncé, dans un communiqué, la suspension de l’adhésion de l’IZH avec qui étaient menées « depuis longtemps des discussions intensives (…) concernant les allégations portées contre lui, dans le but de préserver la mosquée vieille de plus de 60 ans et la longue tradition de la vie chiite en Allemagne ». « La présomption d'innocence s'applique et nous avons pleinement confiance en notre État de droit », avait fait savoir l’instance.
Lire aussi :
Allemagne : face à l'islamophobie, des autorités fédérales très attentives
De premiers ateliers franco-allemands qui dressent le portrait d’un islam qui s’enracine aux pays de Goethe et d’Hugo
Un islam de France sur le modèle allemand ? Zoom sur une gestion inspirante du culte musulman en Europe