Les lourdes accusations de l'Etat contre l'IESH, qui a fait le choix de l'autodissolution

Par Hanan Ben Rhouma, le 04/09/2025

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Une énième structure musulmane disparaît du paysage cultuel français, et non des moindres. Le gouvernement a annoncé, en cette rentrée de septembre 2025, la dissolution de l'Institut européen des sciences humaines (IESH) de Château-Chinon. Mais ses dirigeants avaient deja procédé à l'autodissolution de l'association face à une décision gouvernementale qui leur paraissait inéluctable. De quoi l'IESH est-il accusé ? Zoom sur les reproches faits à l'établissement.

La lutte contre « l'entrisme islamiste » engagée sous l'ère Macron continue tous azimuts. Alors que le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a fièrement annoncé, mercredi 3 septembre, la dissolution administrative de l’Institut européen des sciences humaines (IESH) de Château-Chinon, dans la Nièvre, Saphirnews apprend que la structure avait procédé dès le 8 juillet dernier à son autodissolution. Ses dirigeants avaient pris les devants après la notification de l'engagement de la procédure de dissolution le 16 juin.

Si l'association a bel et bien procédé à une dissolution volontaire, reconnaissent les autorités, « cette dissolution intervenue en urgence et aux seules fins d'échapper à une dissolution administrative, a été adoptée en méconnaissance de plusieurs dispositions de ses statuts de sorte qu'elle ne peut être considérée comme régulière », fait-on part dans le décret paru jeudi 4 septembre dans le Journal officiel.

Ce que reprochent les services de l'Etat à l'IESH

L'IESH est ainsi accusé d'avoir continué son activité, « qu'il s'agisse du maintien de ses réseaux sociaux ou de la programmation de ses formations ». Pourtant, aucune activité n'a été organisée cet été au sein des locaux de l'IESH et les seuls posts parus sur les réseaux sociaux à notre connaissance informaient de l'annulation des séminaires que l'établissement avait l'habitude d'organiser durant la période estivale.

Le fait est que le gouvernement porte des accusations graves contre l'IESH, accusations qui éclaboussent directement la fédération Musulmans de France (MF). L'association se présentant comme « l'un des satellites de (MF), principale représentation de la mouvance frériste en France, laquelle prône une idéologie islamiste radicale visant à l'avènement d'une société régie par la loi islamique », ses dirigeants sont désignés comme impliqués dans des instances affiliées à la mouvance frériste dont celles fondées par Yusuf Al-Qaradawi, ancien guide spirituel des Frères musulmans, et comme ayant « exercé des responsabilités importantes au sein d'associations activement impliquées dans le financement d'associations satellites du Hamas ».

Surtout, accusent les autorités, « l'association assure en réalité, auprès des élèves qu'elle accueille, y compris des mineurs, ou à distance, la promotion d'une idéologie qui légitime les agissements violents à l'encontre des personnes, provoque à la discrimination, à la haine et à la violence à l'égard des non-musulmans, des femmes, des homosexuels et légitime la guerre sainte » et « ces théories sont diffusées dans les locaux mêmes de l'association ou au travers de formations à distance, à l'appui d'ouvrages au programme et de fascicules de cours qui prônent, sans exception, une vision radicale de l'islam ».

Il ressort, selon le décret, que « des supports pédagogiques réalisés par les équipes de l'institut pour leur exploitation et mis à la disposition des élèves, y compris des mineurs accueillis dans le cadre de stages, que, l'association, à partir d'une lecture littérale de ces textes, sans aucune recontextualisation ni démarche critique moderne et au nom d'un islam fondamentaliste, incite à des actes de violence tels que l'amputation des voleurs et des fauteurs de troubles, voire la mise à mort en cas de récidive, ou encore la flagellation, la lapidation et la mise à mort en cas de relations sexuelles hors mariage ». « Ce faisant, l'IESH provoque, en la légitimant dans ses enseignements, au recours à la violence physique, présentée comme obligatoire pour les musulmans, comme sanction de l'inobservation de la loi divine », martèlent les autorités.

En plus de promouvoir « une lecture de l'islam haineuse, discriminatoire et violente à l'encontre des non-musulmans », l'IESH est accusé de « se livre(r), sur le territoire français, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger ». En ce sens, les cours et la formation idéologique et religieuse dispensés par l'établissement sont présentés comme ayant constitué « une étape déterminante dans le processus de radicalisation violente de plusieurs de ses anciens élèves avant qu'ils ne s'engagent dans des entreprises à caractère terroriste ou en fassent la propagande ».

Une inquiétude qui redouble parmi les acteurs du culte musulman

Des reproches aussi lourdes interrogent, sachant que l'institut existe depuis 1992. Trois décennies au cours desquelles l'IESH a brillé sans être inquiété, jusqu'à ces dernières années. Sa direction s'est toujours défendue des attaques qui lui ont été faites, tout comme MF, qui s'est indigné dans un communiqué de la dissolution. « Qualifier une telle institution d'outil de radicalisation constitue une grave dérive », selon la fédération, qui appelle « à la mesure et au dialogue ».

Une vingtaine de Conseils départementaux du culte musulman (CDCM) et de structures associatives musulmanes engagées dans le dialogue avec l'Etat s'étaient insurgés en juin dernier de la probable dissolution de l'IESH. « Dissoudre cet espace de formation serait un acte à la fois symbolique et structurellement dangereux. Symbolique, car il envoie un signal de rejet à une partie visible, paisible et investie du culte musulman ; structurel, car il ouvrirait la voie à des espaces non régulés, à des contenus échappant à tout contrôle, sur les réseaux ou à l’étranger », avaient-ils plaidé.

« Non seulement une telle décision ne répondrait pas aux enjeux sécuritaires, mais elle pourrait également contribuer à les aggraver ; c’est pourquoi nous appelons à ne pas confondre la vigilance sécuritaire nécessaire avec la suspicion institutionnelle systématique. » Sans succès, ce qui est de nature à accroître l'inquiétude parmi les musulmans de France.

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