Nous Tous, un documentaire inspirant en appui à la Journée internationale du vivre ensemble en paix

Par Lionel Lemonier, le 11/05/2022

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A l’occasion de la Journée internationale du vivre ensemble en paix (JIVEP), célébrée tous les ans le 16 mai, le réalisateur Pierre Pirard lance la diffusion mondiale du documentaire « Nous Tous ». Il y mène une quête, celle d’histoires vécues inspirantes, d'expériences citoyennes dans lesquelles ouverture d’esprit et tolérance font bon ménage pour lutter contre le repli sur soi et favoriser la coexistence, en dépit d'expériences traumatisantes de la violence.

C'est à Bruxelles que Pierre Pirard fait le constat d’un « fossé de préjugés et d’intolérance entre les communautés ». « Nous vivions sur des îlots qui ne se mélangeaient pas, ne se parlaient pas, ne se connaissaient pas. J’étais vraiment très mal », explique l'ancien enseignant belge en voix off dans une séquence d’introduction tout en illustrations colorées dans Nous Tous. Un jour de mars 2016, la peur le saisit lorsqu'il vit de près l'attentat survenu dans le métro Maelbeek. « Ce jour-là, j’ai vu ce dont la haine de l’autre est capable. Depuis, j'ai peur. (...) Peur de ces discours qui pointent l'autre comme la source de nos problèmes. » Pour trouver le moyen de sortir de cette situation, il décide de partir à la recherche d’expériences réussies sur les cinq continents, des expériences ayant permis de casser le cercle de la violence et de l’intolérance.

Au préalable, il interroge Benoit Scherer, un sociologue qui décrypte les mécanismes de l’intolérance. Celle-ci se développe toujours dans « des sociétés fragmentées, atomisées, pulvérisées, où ce qui divise les gens est plus important que ce qui pourrait les rassembler », explique l’expert en prévention des conflits identitaires. « Les gens se ressentent comme victimes, ajoute-t-il. Ils ont peur du déclassement social ou culturel ou de la perte d’identité. L’autre est perçu comme menaçant. » Plus encore lorsque interviennent ceux que le sociologue nomme « des entrepreneurs politiques qui fabriquent des identités fermées et pointent des boucs émissaires pour mobiliser autour d’eux ». Un phénomène présent partout dans le monde.

Quatre parties pour une démonstration

Le tour du monde des expériences positives commence avec la rencontre de Nudzejma Softic, une Bosniaque musulmane dont la famille a été endeuillée pendant la guerre qui a déchiré l'ex-Yougoslavie dans les années 1990. Elle a créé T.I.T.O, une équipe de course à pied qui accueille des membres issus de toutes les ethnies de Bosnie-Herzégovine. Son objectif : courir, mais aussi se rencontrer et « recréer des ponts entre communautés ». Nudzejma appelle cela « s’ouvrir par le sport pour faire tomber les préjugés et ne plus avoir peur de l’autre ».

Dans le même pays, il y a Kemal, un survivant d’un camp de concentration tenu par des miliciens serbes pendant la guerre. Un camp où les anciens voisins se sont soudainement mués en tortionnaires faisant des dizaines de victimes musulmanes. Kemal a créé l’association Most Mira (Un pont pour la paix) et construit un « centre pour la paix » sur les ruines d’une maison détruite pendant la guerre dans son village. Depuis septembre 2021, le centre accueille des jeunes de toute origine pour des rencontres et évènements culturels. « Être une victime n’est pas une fatalité », explique Kemal, qui veut être utile en construisant des liens forts entre les communautés.

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Le documentaire est organisé en quatre parties. Après avoir « dépassé la victimisation », l’auteur cherche à savoir « comment faire ensemble et rendre la dignité à tous ». Il nous entraine alors auprès de Jamal Ismaïl, un médecin libanais qui soignent les réfugiés syriens, très nombreux dans son pays, qu’ils soient chiites, sunnites, druzes. Il nous amène ensuite à la rencontre de Léa Baroudi, la cofondatrice de l’association March, qui réussit à recréer des liens entre deux quartiers populaires de Tripoli, l'une sunnite, l'autre alaouite, en guerre pendant des années.

Une troisième partie, « Apprendre de l’autre » nous fait visiter le Campus de Brookville, une paroisse devenu depuis 2006 un site multiconfessionnel dans lequel trois responsables religieux, un musulman, un juif et une protestante, réalisent une cohabitation surprenante entre leurs religions, tout en apprenant les uns des autres. Sans éviter les critiques de certains membres de leurs communautés respectives. Puis nous allons en Floride à la rencontre d’un couple mixte. Lui est musulman, elle est juive, et leurs enfants sont élevés dans les deux religions.

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Un documentaire positif en phase avec la JIVEP

Enfin, dans la quatrième partie, « Enseigner l’autre », nous débarquons dans l’archipel des Moluques, en Indonésie, où les communautés musulmane et chrétienne se sont fait la guerre il y a une vingtaine d’années. Nous y faisons la connaissance du mouvement des « Peace Provocateurs » de Jacky Manuputty. Activement soutenue par les enseignants, cette association organise des rencontres folkloriques entre jeunes de diverses confessions pour les transformer en « ambassadeurs de paix auprès des familles » et susciter des amitiés entre enfants de différentes communautés.

De temps en temps, Amin Maalouf, écrivain et membre de l’Académie française, nous rappelle quelques vérités affirmées notamment dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme, « des éléments fondamentaux avec lesquels on ne peut pas transiger » : « Tout être humain nait libre, peut décider de sa vie, (...) et a droit au respect de sa dignité. » Centré sur les exemples de sortie d’un conflit intercommunautaire, le documentaire se termine par une visite à Palmarin, au Sénégal. Dans ce village, chrétiens et musulmans vivent en harmonie, se marient et prospèrent tous ensemble, dans le respect des croyances de chacun.

Documentaire positif, Nous Tous est un outil d’éducation à la paix et à la tolérance intéressant auprès des jeunes générations. Mais suffit-il d’une bonne volonté pour combattre l’intolérance ? Difficultés économiques, préjugés historiques, petits intérêts politiques ou gros intérêts financiers, tous ces éléments, sans lien avec la religion et qui créent des situations favorables aux poussées de la haine, ne sont pas vraiment abordés. Mais Pierre Pirard veut démontrer que « la foi peut déplacer les montagnes ». La foi en l'autre, en l'humanité. Citant Amin Maalouf, si « notre regard enferme souvent les autres dans leurs plus étroites appartenances, c'est notre regard aussi qui peut les libérer », fait part le réalisateur.

Le documentaire sera diffusé gratuitement sur le Web à l'occasion de la Journée internationale du vivre ensemble en paix (JIVEP) le 16 mai, proclamée en décembre 2017 par l’Assemblée générale des Nations Unies et adoptée par 193 pays, avec le concours actif, entre autres, de l'Association internationale soufie alâwiyya (AISA). Une journée utile pour mobiliser les efforts de la communauté internationale « en faveur de la paix, de la tolérance, de l’inclusion, de la compréhension et de la solidarité », alors que plus de 29 conflits sont recensés dans le monde depuis 2019 selon une étude de l’université de Hambourg. Des conflits auxquels on peut aussi ajouter la guerre en Ukraine qui fait rage depuis plusieurs semaines.

« Surmonter nos préjugés et détestations n’est pas inscrit dans la nature humaine. Accepter l’autre n’est ni plus ni moins naturel que le rejeter. Réconcilier, réunir, adopter, apprivoiser, pacifier sont des gestes volontaires, des gestes de civilisation qui exigent lucidité et persévérance, des gestes qui s’acquièrent, qui s’enseignent, qui se cultivent. » Amin Maalouf, Le dérèglement du monde.