Coupe du monde : après l’exploit du Maroc au Qatar, le football plus que jamais sport roi dans le monde arabe

Par Hanan Ben Rhouma, le 15/12/2022

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Le football est de loin le sport le plus populaire au monde. Il l’est tout autant dans le monde arabe qui regorge de nations fans de foot. Avec le temps, la passion a tout autant gagné le Qatar, pays hôte d’une Coupe du monde oscillant entre déconvenues et fiertés pour les peuples arabes, marqués par le parcours historique du Maroc.

La Coupe du monde est souvent l’occasion de voir des surprises surgir du paquet comme jamais les compétitions régionales n’en produisent. Le Mondial 2022 au Qatar n’a pas fait exception à la règle. La victoire tonitruante (2 à 1) de l’Arabie Saoudite contre l’Argentine, partie grande favorite du tournoi, lors de la phase de poules, est désormais inscrite dans les annales de l’histoire du football. L’exploit saoudien face à l’Albiceleste menée par Lionel Messi est tel que le prince héritier Mohammed Ben Salmane (MBS) avait décidé de faire du 23 novembre un jour férié dans son royaume, pour le plus grand bonheur des fans saoudiens. Cette victoire, saluée dans les pays arabes, avait même donné à voir une scène impensable jusqu’à récemment après des années de boycott régional du Qatar : l’émir Tamim Ben Hamad Al-Thani brandissant ostensiblement le drapeau de son voisin qui était (et reste encore) un sérieux rival dans le Golfe. Une illustration nette de la force réconciliatrice du football.

Depuis, cet épisode footballistique est quasi effacé par le fabuleux parcours du Maroc. Sortie première de sa poule après sa victoire contre le Canada et surtout la Belgique, l’équipe nationale emmenée par Walid Regragui a bluffé, match après match, non seulement les Marocains mais aussi le monde. Après sa victoire contre l’Espagne aux tirs aux buts puis le Portugal (1à 0), les Lions de l’Atlas ont su se hisser en demi-finale de la compétition.

Parce que jamais une équipe arabe et africaine n’est allée aussi loin en Coupe du monde, le Maroc a déclenché une ferveur historique. Pour la demi-finale, un pont aérien a même été mis en place par Royal Air Maroc pour acheminer des supporters vers Doha, contribuant à la marée rouge qui a envahi depuis des jours tout le Qatar. Si les Lions de l’Atlas ont finalement buté face aux Bleus (2 à 0) qui eux, filent en finale avec l’Argentine, les coéquipiers du capitaine Romain Saïss, consacrés héros nationaux, ont gagné les cœurs, le respect et bien plus encore.

Une pratique tardive mais très populaire

Ces quelques éléments mis bout à bout en disent long sur le rapport très étroit entretenu par le monde arabe au football. Car très loin des idées reçues, les populations arabes du Maghreb comme du Machrek nourrissent une passion pour le ballon rond alors même que la pratique de ce sport s’est développée plus tardivement qu’ailleurs en Europe et en Amérique du Sud. La question du boycott de la Coupe du monde au Qatar, très débattue en France et en Europe les derniers mois précédant le rendez-vous sportif, n’a pas été un sujet dans le monde arabe. « Il faut dénoncer l’hypocrisie de l’Occident et de ses relais médiatiques (…) dont la seule préoccupation est de gâcher le premier Mondial qui se déroule en territoire arabe et musulman », avait estimé le quotidien algérien El Khabar.

En mettant de côté les dernières réalisations du Maroc, les sélections arabes, qui ont eu l’occasion de s’affronter en décembre 2021 au Qatar pour la 10e Coupe arabe des nations sous l’égide de la FIFA, comme les sélections africaines sont globalement loin de briller pendant la Coupe du monde face à des équipes plus expérimentées et aguerries qu’elles. Le Qatar a d’ailleurs été la première nation éliminée de son Mondial, fait inédit pour un pays hôte. Il a fini bon dernier de sa poule après avoir enregistré trois défaites face à l'Equateur, aux Pays-Bas et au Sénégal.

Ces mêmes sélections n’en sont toutefois pas moins suivies, appréciées et encouragées des populations locales. En outre, elles comptent dans leurs rangs de nombreuses pépites évoluant dans des clubs prestigieux en Europe, à l’image de l’Egyptien Mohamed Salah (Liverpool), du Sénégalais Sadio Mané (Bayern Munich), de l’Algérien Riyad Mahrez (Manchester City) ou encore du Marocain Achraf Hakimi (PSG), renforçant ainsi la popularité du football dans des sociétés où le sport est indéniablement un outil au service du patriotisme, un ferment même des nationalismes.

« Le football, c’est bien plus que du sport. Une réalité qui se vérifie aussi dans le monde arabe, où ce sport revêt une dimension sociale et politique si importante dans certains pays qu’il peut constituer un facteur de stabilité ou de déstabilisation d’un régime », écrivait en 2019 l’universitaire Beligh Nabli pour L’Economiste Maghrébin. Le football, devenu ces dernières années un levier central de soft power pour le Qatar, est loin d’avoir achevé son développement dans le monde arabe comme africain. Avec de belles perspectives d'avenir après la démonstration de force d’un Maroc déterminé à compter parmi les grandes nations du foot.

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En partenariat avec Salamnews dont le numéro 81 est consacré à la Coupe du monde au Qatar.

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