Lilia : « Il était parfait, j’ai vite déchanté une fois mariée »

Par Lalla Chams En Nour, le 23/07/2022

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J’ai 30 ans et cela fait cinq ans que je suis avec mon mari. On s'est mariés religieusement six mois après notre rencontre, et le mariage à la mairie a eu lieu un an après.

La première année, on ne se voyait que les week-ends car nous étions à 1h30 de route l'un de l'autre. Soit il venait chez mes parents, soit j'allais chez les siens. Tout se passait bien, je ne voyais que des belles qualités en lui, pieux, gentil, hnine, affectueux, sportif, attentionné, belle complicité, investi dans la relation... Mais j'ai vite déchanté une fois la mairie passée. Vraiment, c'est aller super vite à partir du moment où on vivait ensemble.

Les choses avaient mal commencé : il n'a pas tenu les promesses qu'il m'avait faites. Il devait arrêter de travailler en déplacement, il avait la responsabilité de trouver un logement, il m'avait dit qu'il ne fumait plus, etc. Sauf qu'en vivant avec lui, j'ai vu l'envers du décor. J'ai vécu deux ans chez ma belle-mère – très gentille hamdoulillah – mais c'était vraiment pas évident tous les jours, surtout que lui était en déplacement la semaine et rentrait uniquement les week-ends. Et il ne m'accordait que très peu de temps, il était plutôt avec ses amis.

Je me suis rendue compte qu'il ne priait pas, et qu'il fumait encore et pas que la cigarette. Qu'il avait aussi des problèmes de gestion de l'argent. Les disputes se sont déclenchées rapidement et fréquemment. Je mentionne surtout que nos relations sexuelles étaient très compliquées, avec notre chambre collée à celle de sa mère, et il n’était là que les week-ends. Soit on était en dispute, soit j'avais les menstruations… enfin bref, c'était deux fois par mois voire une. Dieu merci, j'ai quand même réussi à avoir un bébé.

Je pensais que ce problème sexuel était lié au domicile mais ça fait deux ans qu'on a notre logement et c'est pire. Tout le long de ma grossesse, et jusqu'au 10 mois du bébé, nous n'avons pas eu de rapport donc depuis plus d'un an et demi. Depuis, c'est une fois tous les quatre, cinq, six mois. Il faut savoir que j'aime le dialogue et, depuis le début de notre mariage, je lui en parle, je lui fais comprendre que ça ne peut pas durer, que je ne suis pas comblée, pas satisfaite... Mais rien n’a changé.

Aujourd'hui, c'est pire car depuis quelques mois, je suis devenue très frustrée, très aigrie, très méchante. Le fait qu'il me délaisse et me rejette quand je viens vers lui, ça me met hors de moi. Il est toujours fatigué quand il rentre du travail sauf si c’est pour sortir après voir ses amis bien sûr. Mais il ne se rattrape pas le week-end ou un autre soir où il est plus en forme, rien du tout.

A l'heure actuelle, j'ai contacté une avocate. Vraiment, je suis prête à divorcer. Je suis déçue pour moi, car ce n’est pas ce que j'aurais imaginé comme vie, et surtout pour mon fils, mais je ne peux plus vivre comme ça, j'ai l'impression d'être avec un coloc.

J'ai besoin d'un homme présent, d'avoir une épaule sur qui compter, d'avoir de l'affection... J'ai à peine 30 ans mais j'ai l'impression d'en avoir 90. Je lui ai dit à plusieurs reprises, il me répond qu'il va changer mais rien ne change et je n'ai pas envie de le forcer à venir vers moi, ce n’est pas ça l'amour. Et honnêtement, je pense que je ne l'aime plus. Il n’est pas l'homme que j'ai connu. Là, ce n’est que de l'habitude.

Je précise que je ne suis pas parfaite non plus, mais j'ai respecté mes engagements, et je tiens mon rôle de femme et de maman. Je l'ai aussi beaucoup aidé financièrement malgré mon petit salaire. J'ai trop de choses à dire mai en un mail, c’est compliqué, mais déjà à travers tout ça, avez-vous des conseils à me donner ? Car vraiment, je craque.

Lalla Chems En Nour, psychanalyste

Chère Lilia,

Non, vous n’avez pas besoin de conseils particuliers, vous avez pris la décision de divorcer. Merci pour votre témoignage qui peut avertir des femmes qui foncent sur le mariage avec une naïveté certaine et peut-être un manque de psychologie. C’est nécessaire de tester la personne, cela se sent si elle est fiable ou non, avec un peu d’attention. Et pourquoi pas faire des mises à l’épreuve pour bien tester la sincérité de l’homme (ou de la femme) qu’on va choisir pour construire une famille ? Et ne pas prendre ses rêves pour la réalité.

Ce scénario du nouveau mari qui passe ses loisirs avec les copains rend bien des femmes malheureuses. Qui ne sait pas gérer l’argent et compte sur sa femme pour vivre. Qui n’arrive pas à trouver sa place d’homme. On peut se demander d’ailleurs pourquoi il y a tant d’hommes qui s’évertuent à se construire des vies misérables, sans amour, sans générosité, en se dégageant de leurs responsabilités. C’est là un sujet brûlant qui, selon moi, vient de la relation qu’établissent de nombreuses mères musulmanes (et pas que…) avec leur fils. Ce sont plus tard, pour certains, de piètres maris. Mais ces mamans, elles-mêmes mariées sans amour, sont frustrées du manque de relation avec leur mari, et se rattrapent dans la possession de leurs fils. Et dans tout ça, vous avez de la chance, votre belle-mère est gentille…

Votre mari a besoin de grandir, de devenir adulte, responsable. Divorcés ou non, il lui faudra devenir père et prendre sa place auprès de son fils pour ne pas perpétuer la… malédiction.


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