Reçu à Saphirnews
L'avis de Saphirnews
Ces dernières semaines, les articles sur le départ à l’étranger de Français musulmans, lassés de « l’islamophobie d’atmosphère », foisonnent à la faveur de la parution, fin avril, du livre La France, tu l’aimes mais tu la quittes. Dirigée par les chercheurs Olivier Esteves, Alice Picard et Julien Talpin, l’enquête sur l’exil souvent contraint de la diaspora française musulmane met le doigt sur un phénomène qui est loin d'être nouveau, mais qui s’est accéléré depuis les années 2015-2016 face à l’exacerbation des stigmatisations. Il méritait bien que le monde académique se penche enfin dessus.
Sur la base d’un échantillon quantitatif d'un millier de personnes et de 139 entretiens approfondis, le livre signé à six mains revient sur les raisons qui ont poussé et poussent encore ces Français à partir et à s’installer, pour la plupart, dans une démocratie anglophone (Royaume-Uni et Canada), au Québec et aux Emirats arabes unis. Le racisme et les discriminations sont les raisons les plus fréquemment invoquées, de même que la difficulté de vivre sereinement sa religion en France.
Si l'idée de partir à l'étranger a, au moins un jour, caressé un nombre conséquent de citoyens de confession ou de culture musulmane, peu ont la possibilité de passer à l'acte en réalité selon nos observations. La grande majorité des personnes interrogées qui ont sauté le pas appartient à une élite hautement qualifiée, soulignent les auteurs. Issus de familles populaires, elles ont connu des trajectoires d'ascension sociale et ont préféré, bien qu’elles se sentent françaises, partir pour ne plus avoir à supporter les frustrations, les vexations du quotidien ou encore l’ambiance devenue à leurs yeux trop pesante, délétère, envers l’islam et les musulmans.
Le phénomène est bien difficile à quantifier mais ils sont « des milliers », selon les chercheurs, à prendre le chemin de l’exil sans envisager un retour dans le pays qui les a vus naître et grandir. C’est aussi paradoxalement à l’étranger qu’ils parviennent souvent à se réapproprier la francité qui leur a été déniée. Cette « fuite des cerveaux » d'une « élite culturelle et économique » était hier silencieuse ; elle fait aujourd'hui du bruit au travers d’un livre témoignant d'expériences multiples vécues par une population rongée par un inquiétant malaise auquel nombre de responsables politiques ne se soucient pas au mieux, l’accentuent au pire.
Sur la base d’un échantillon quantitatif d'un millier de personnes et de 139 entretiens approfondis, le livre signé à six mains revient sur les raisons qui ont poussé et poussent encore ces Français à partir et à s’installer, pour la plupart, dans une démocratie anglophone (Royaume-Uni et Canada), au Québec et aux Emirats arabes unis. Le racisme et les discriminations sont les raisons les plus fréquemment invoquées, de même que la difficulté de vivre sereinement sa religion en France.
Si l'idée de partir à l'étranger a, au moins un jour, caressé un nombre conséquent de citoyens de confession ou de culture musulmane, peu ont la possibilité de passer à l'acte en réalité selon nos observations. La grande majorité des personnes interrogées qui ont sauté le pas appartient à une élite hautement qualifiée, soulignent les auteurs. Issus de familles populaires, elles ont connu des trajectoires d'ascension sociale et ont préféré, bien qu’elles se sentent françaises, partir pour ne plus avoir à supporter les frustrations, les vexations du quotidien ou encore l’ambiance devenue à leurs yeux trop pesante, délétère, envers l’islam et les musulmans.
Le phénomène est bien difficile à quantifier mais ils sont « des milliers », selon les chercheurs, à prendre le chemin de l’exil sans envisager un retour dans le pays qui les a vus naître et grandir. C’est aussi paradoxalement à l’étranger qu’ils parviennent souvent à se réapproprier la francité qui leur a été déniée. Cette « fuite des cerveaux » d'une « élite culturelle et économique » était hier silencieuse ; elle fait aujourd'hui du bruit au travers d’un livre témoignant d'expériences multiples vécues par une population rongée par un inquiétant malaise auquel nombre de responsables politiques ne se soucient pas au mieux, l’accentuent au pire.
Une triste exception française à regarder en face
L’enquête pointe ainsi « une exception française » qui est « d'abord institutionnelle, politique ». « La France se singularise par sa réticence, voire son hostilité, à reconnaître la spécificité de l'islamophobie comme forme de racisme, alors mêle qu'elle abrite le plus grand groupe musulman au sein de l'Union européenne », soulignent les auteurs.
Par ailleurs, « la question de la lutte contre les discriminations raciale et religieuse est au point mort depuis plusieurs années. C'est la deuxième exception française : alors que les discriminations et actes antimusulmans y sont les plus élevés d'Europe, elle est aussi le pays où la prise en compte du phénomène par les autorités publiques est la moins volontariste, quand ce ne sont pas les organisations qui cherchent à remédier au problème qui sont elles-mêmes combattues ».
« Pour ne pas avoir à affronter la réalité de la discrimination en France, pour ne pas avoir à assumer le coût symbolique d’une prise en compte réelle des discriminations qui touchent nos concitoyens de confession musulmane, nous avons des acteurs politiques et médiatiques qui refusent de la regarder en face, comme pour se convaincre que tout va bien », explique en ce sens à Saphirnews le politologue Haoues Seniguer.
« Une troisième exception française tient à la centralité dans le débat public hexagonal de la "laïcité" comme arme discursive ciblant l'islam », écrivent les chercheurs. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si de nombreuses femmes portant le voile, lassées de l’exclusion sociale et professionnelle et du traitement politco-médiatique à leur égard ont aussi choisi de s’en aller, à la quête d'un « droit à l’indifférence » qui leur est refusé en France.
Le travail académique engagé par Olivier Esteves, Alice Picard et Julien Talpin offre un premier aperçu objectif du phénomène ; il mérite d’être davantage poussé grâce notamment à la participation d’un panel plus large et plus diversifié afin de mesurer son ampleur réel d'une part, et d'explorer les raisons profondes de l'exil d'autre part. L'enquête peut néanmoins déjà servir de ressource utile pour interpeler la classe politique sur le sujet et l'inciter à regarder en face les problèmes qu'il pose à la société toute entière.
Par ailleurs, « la question de la lutte contre les discriminations raciale et religieuse est au point mort depuis plusieurs années. C'est la deuxième exception française : alors que les discriminations et actes antimusulmans y sont les plus élevés d'Europe, elle est aussi le pays où la prise en compte du phénomène par les autorités publiques est la moins volontariste, quand ce ne sont pas les organisations qui cherchent à remédier au problème qui sont elles-mêmes combattues ».
« Pour ne pas avoir à affronter la réalité de la discrimination en France, pour ne pas avoir à assumer le coût symbolique d’une prise en compte réelle des discriminations qui touchent nos concitoyens de confession musulmane, nous avons des acteurs politiques et médiatiques qui refusent de la regarder en face, comme pour se convaincre que tout va bien », explique en ce sens à Saphirnews le politologue Haoues Seniguer.
« Une troisième exception française tient à la centralité dans le débat public hexagonal de la "laïcité" comme arme discursive ciblant l'islam », écrivent les chercheurs. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si de nombreuses femmes portant le voile, lassées de l’exclusion sociale et professionnelle et du traitement politco-médiatique à leur égard ont aussi choisi de s’en aller, à la quête d'un « droit à l’indifférence » qui leur est refusé en France.
Le travail académique engagé par Olivier Esteves, Alice Picard et Julien Talpin offre un premier aperçu objectif du phénomène ; il mérite d’être davantage poussé grâce notamment à la participation d’un panel plus large et plus diversifié afin de mesurer son ampleur réel d'une part, et d'explorer les raisons profondes de l'exil d'autre part. L'enquête peut néanmoins déjà servir de ressource utile pour interpeler la classe politique sur le sujet et l'inciter à regarder en face les problèmes qu'il pose à la société toute entière.
Présentation de l'éditeur
Ils s’appellent Mourad, Samira, Karim, ou bien Sandrine et Vincent. Ils sont nés et ont grandi partout en France, la plupart sont diplômés de l’enseignement supérieur, mais ils ont décidé de s’installer à Londres, Dubaï, New York, Casablanca, Montréal ou Bruxelles... Discriminés sur le marché de l’emploi et stigmatisés pour leur religion, leurs noms ou leurs origines, ces Français de culture ou de confession musulmane trouvent à l’étranger l’ascension sociale qui leur était refusée en France. Ils y trouvent aussi le « droit à l’indifférence » qui leur permet de se sentir simplement français.
Appuyée sur un échantillon quantitatif de plus de 1000 personnes et sur 140 entretiens approfondis, cette enquête sociologique sans précédent met au jour pour la première fois un phénomène qui travaille la société française à bas bruit. En interrogeant ces élites minoritaires, elle détaille leur formation, comment elles se sentent et sont perçues comme musulmanes, les raisons de leur départ, le choix des destinations, l’expérience de l’installation et de la vie à l’étranger, le regard qu’elles portent sur la France, leurs perspectives de retour… Ce n’est pas seulement une fuite des cerveaux que l’ouvrage documente : se révèlent en creux les effets délétères de l’islamophobie qui, vus d’ailleurs, semblent bel et bien constituer une exception française.
Appuyée sur un échantillon quantitatif de plus de 1000 personnes et sur 140 entretiens approfondis, cette enquête sociologique sans précédent met au jour pour la première fois un phénomène qui travaille la société française à bas bruit. En interrogeant ces élites minoritaires, elle détaille leur formation, comment elles se sentent et sont perçues comme musulmanes, les raisons de leur départ, le choix des destinations, l’expérience de l’installation et de la vie à l’étranger, le regard qu’elles portent sur la France, leurs perspectives de retour… Ce n’est pas seulement une fuite des cerveaux que l’ouvrage documente : se révèlent en creux les effets délétères de l’islamophobie qui, vus d’ailleurs, semblent bel et bien constituer une exception française.
Les auteurs
Olivier Esteves est professeur des universités (université de Lille), spécialiste du monde anglophone, de l’ethnicité et de l’immigration.
Alice Picard est enseignante agrégée de sciences économiques et sociales et chercheuse associée au laboratoire Arènes (UMR 6051).
Julien Talpin est directeur de recherche au CNRS (Ceraps, université de Lille), spécialiste du racisme et de l'engagement dans les quartiers populaires.
Alice Picard est enseignante agrégée de sciences économiques et sociales et chercheuse associée au laboratoire Arènes (UMR 6051).
Julien Talpin est directeur de recherche au CNRS (Ceraps, université de Lille), spécialiste du racisme et de l'engagement dans les quartiers populaires.
Olivier Esteves, Alice Picard, Julien Talpin, La France, tu l'aimes mais tu la quittes. Enquête sur la diaspora française musulmane, Seuil, avril 2024, 320 pages, 23 €