Le poids des traditions, c'est celui dont auraient voulu se défaire Saïd et Hadjira mais auquel ils se sont pliés en acceptant bon gré mal gré de s'unir l'un à l'autre alors qu'ils ne se connaissent pas. Mais avec un époux qui se trouve être gay, le mariage arrangé est très mal engagé... Avec un scénario qui se défait des clichés habituels sur les familles arabo-musulmanes, « L'air de la mer rend libre » est une œuvre cinématographique touchante à découvrir en salles.
Alea jacta est. Les dés sont jetés. Voilà Saïd (Youssouf Abi-Ayad) et Hadjira (Kenza Fortas) unis pour une vie à deux qu'ils n'ont pas choisie. On a dit à Saïd que « ça ne se fait pas chez nous de rester célibataire ». On a expliqué à Hadjira que c'est « une chance » à ne pas rater après sa sortie de prison consécutive à sa relation avec un dealer qui l'a fait plonger. Aucun n'a trouvé la force de se rebeller en rejetant le mariage arrangé par leurs familles, les mères en tête. A la mairie de Rennes, l'ambiance n'est pas à la joie pour les deux protagonistes qui ne s'étaient jamais rencontrés jusque-là. Elle ne le sera pas plus aux sacro-saintes réunions familiales du dimanche qui suivront les youyous.
Les unions arrangées, monnaie courante dans la culture maghrébine, peuvent très bien fonctionner sur le moyen et long terme. Mais dans le cas présent, tout dit que le couple a signé pour une vie malheureuse. Car en réalité, ce que ne sait pas Hadjira, c'est que Saïd est gay. Un secret de polichinelle pour ses proches mais une vérité impossible à assumer lorsqu'on est issu d'une famille maghrébine qui veut garder les apparences saines et sauves.
Les unions arrangées, monnaie courante dans la culture maghrébine, peuvent très bien fonctionner sur le moyen et long terme. Mais dans le cas présent, tout dit que le couple a signé pour une vie malheureuse. Car en réalité, ce que ne sait pas Hadjira, c'est que Saïd est gay. Un secret de polichinelle pour ses proches mais une vérité impossible à assumer lorsqu'on est issu d'une famille maghrébine qui veut garder les apparences saines et sauves.
L'hypocrisie, un éternel vernis à la vérité
Devant l'obsession de Zineb (Saadia Bentaïeb) et de Mahmoud (Zinedine Soualem) de montrer au monde qu'ils sont « des gens bien », la hantise d'être rejeté par sa famille finit par l'emporter du côté de Saïd. C'est à reculons qu'il entre dans le moule du mariage, comme son frère et sa sœur avant lui. A ceci près que leurs mariages ne semblent en rien arrangés... Et voilà qu'à la contrainte du mariage s'ajoute vite une autre pression : celui d'avoir un enfant, de fonder un foyer.
Si c'est la suite « logique » pour Hadjira, elle ne l'est pas autant pour Saïd, qui préfère fuir sa réalité en lâchant prise lors de sorties nocturnes très olé olé, maquillées devant sa femme en « joggings » pour lutter contre ses « problèmes d'insomnie ».
Pendant ce temps, Hadjira se voit contrainte d'attendre. Voile sur la tête, elle s'est réfugiée dans la religion après son chagrin d'amour mais elle n'a pas totalement perdue son effronterie d'antan. Elle dévoile des éléments intimes de sa vie dès le début de la relation avec Saïd, quand lui préfère s'enfoncer dans le mensonge pour ne pas perdre sa fierté. Son choix : celui de se voiler la face, de la même maniere que ses parents qui, devant le « célibat » de leur fils, le pousse à se marier.
L'air de la mer rend libre met en lumière l'hycrocrisie sociale qui régit bien des relations dans les communautés maghrébines face aux sujets tabous, ici l'homosexualité. Dans un monde fait de faux-semblants, le souci de nombreux parents de taire les « qu'en-dira-t-on » prime sur le bonheur de leurs enfants à qui on ne dit vouloir que « leur bien ». Y compris pour Rabia, l'excentrique mère de Hadjira (Lubna Azabal), très forte au jeu du « Fais ce que je dis, pas ce que je fais ».
Si c'est la suite « logique » pour Hadjira, elle ne l'est pas autant pour Saïd, qui préfère fuir sa réalité en lâchant prise lors de sorties nocturnes très olé olé, maquillées devant sa femme en « joggings » pour lutter contre ses « problèmes d'insomnie ».
Pendant ce temps, Hadjira se voit contrainte d'attendre. Voile sur la tête, elle s'est réfugiée dans la religion après son chagrin d'amour mais elle n'a pas totalement perdue son effronterie d'antan. Elle dévoile des éléments intimes de sa vie dès le début de la relation avec Saïd, quand lui préfère s'enfoncer dans le mensonge pour ne pas perdre sa fierté. Son choix : celui de se voiler la face, de la même maniere que ses parents qui, devant le « célibat » de leur fils, le pousse à se marier.
L'air de la mer rend libre met en lumière l'hycrocrisie sociale qui régit bien des relations dans les communautés maghrébines face aux sujets tabous, ici l'homosexualité. Dans un monde fait de faux-semblants, le souci de nombreux parents de taire les « qu'en-dira-t-on » prime sur le bonheur de leurs enfants à qui on ne dit vouloir que « leur bien ». Y compris pour Rabia, l'excentrique mère de Hadjira (Lubna Azabal), très forte au jeu du « Fais ce que je dis, pas ce que je fais ».
Une histoire de mariage arrangé qui sort des sentiers battus
Le scénario du film semble en apparence simple mais il est en réalité très travaillé. Le thème du mariage arrangé est abordé avec originalité, bien loin des clichés habituellement servis sur les familles maghrébines. D'une part, les familles que le réalisateur Nadir Moknèche met en scène sont bien intégrées en France : il n'est pas question d'un retour au bled pour célébrer le mariage ni d'importer une femme depuis l'autre rive de la Méditerranée.
D'autre part, l'union n'est pas uniquement arrangée pour la femme ; elle n'est pas seule victime des traditions auxquelles les mères jouent ici un rôle actif dans leur perpétuation. Hadjira semble même mieux gérer sa résignation que Saïd.
D'autre part, l'union n'est pas uniquement arrangée pour la femme ; elle n'est pas seule victime des traditions auxquelles les mères jouent ici un rôle actif dans leur perpétuation. Hadjira semble même mieux gérer sa résignation que Saïd.
Autre élément, la place donnée à l'islam en tant que culte dans le choix des familles est mineure. Il est même de l'ordre du folklorique dans la vie des personnages, à l'exception de Hadjira. La religion qu'elle pratique n'est pas envahissante. Elle n'en fait pas un porte-étendard identitaire qu'elle impose aux autres, ni ne lui sert pour se couper du monde, comme en témoigne l'amitié qu'elle noue avec Fariza (Zahia Dehar), une mère de famille qui a un style de vie et un physique aux antipodes de Hadjira. Des scènes de vie réalistes que Nadir Moknèche dit inspirées de ses ballades à Paris, où il a souvent constaté « l'amitié complice de femmes voilées et non voilées ».
L'air de la mer rend libre porte enfin en lui une ambition, celle pour le réalisateur de Viva Laldjérie et de Goodbye Marocco de réparer une « injustice » sur la représentation des garçons gays, arabes et français aujourd'hui. « J'ai toujours travaillé à tordre le cou aux clichés et à déconstruire les poncifs pour proposer une autre représentation des Maghrébins en France », explique le réalisateur, qui a mis en scène un jeune franco-arabe « pris dans un étau culturel » où « son homosexualité le marginalise dans sa famille mais ses origines l'aident sur le marché du sexe, à condition de mimer la racaille qu'il n'est pas. Saïd profite des clichés pour pouvoir draguer. Il en est victime et les utilise à la fois ». Une réalité parfaitement incarnée par Youssouf Abi-Ayad dont la performance est très réussie pour son premier grand rôle au cinéma. A ses côtés, il peut compter sur une Kenza Fortas césarisee du meilleur espoir féminin en 2019 pour son rôle dans Shéhérazade
Le duo se retrouve enfermé dans un mariage, comme les poissons de Saïd dans l'aquarium. Mais il finira par se libérer. On imagine alors un dénouement triste, voire tragique. Mais le réalisateur prend là encore le contre-pied de ce à quoi on s'attend devant pareille scénario, avec une fin qui ouvre un nouveau chapitre dans la vie de Saïd et Hadjira.
L'air de la mer rend libre porte enfin en lui une ambition, celle pour le réalisateur de Viva Laldjérie et de Goodbye Marocco de réparer une « injustice » sur la représentation des garçons gays, arabes et français aujourd'hui. « J'ai toujours travaillé à tordre le cou aux clichés et à déconstruire les poncifs pour proposer une autre représentation des Maghrébins en France », explique le réalisateur, qui a mis en scène un jeune franco-arabe « pris dans un étau culturel » où « son homosexualité le marginalise dans sa famille mais ses origines l'aident sur le marché du sexe, à condition de mimer la racaille qu'il n'est pas. Saïd profite des clichés pour pouvoir draguer. Il en est victime et les utilise à la fois ». Une réalité parfaitement incarnée par Youssouf Abi-Ayad dont la performance est très réussie pour son premier grand rôle au cinéma. A ses côtés, il peut compter sur une Kenza Fortas césarisee du meilleur espoir féminin en 2019 pour son rôle dans Shéhérazade
Le duo se retrouve enfermé dans un mariage, comme les poissons de Saïd dans l'aquarium. Mais il finira par se libérer. On imagine alors un dénouement triste, voire tragique. Mais le réalisateur prend là encore le contre-pied de ce à quoi on s'attend devant pareille scénario, avec une fin qui ouvre un nouveau chapitre dans la vie de Saïd et Hadjira.
L'air de la mer rend libre, de Nadir Moknèche
Avec Youssouf Abi-Ayad, Kenza Fortas, Saadia Bentaïeb, Zinedine Soualem, Lubna Azabal, Zahia Dehar
France, 1h31
Sortie en salles le 4 octobre 2023
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