« Douce France », ou comment les musiques de l’immigration ont enrichi le paysage musical français

Par Lina Farelli, le 15/12/2021

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De quelle manière le paysage musical français s’est enrichi grâce à la diversité ? C’est le sujet central abordé dans l’exposition-événement « Douce France. Des musiques de l’exil aux cultures urbaines » à découvrir au Musée des arts et métiers (CNAM) jusqu’en mai 2022.

Après Guingamp, Paris ! Le Musée des arts et métiers (CNAM) ouvre ses portes depuis mardi 14 décembre au grand public pour « Douce France. Des musiques de l’exil aux cultures urbaines », une exposition nous invitant à la découverte des chansons de l'exil qui ont contribué à l'émergence des cultures urbaines dans l’Hexagone.

« Douce France » revisite, des mots du CNAM, « l’émergence artistique de la génération dite "beur", symbole de l’intégration métissée et joyeuse d’une jeunesse issue de l’immigration » à travers la trajectoire singulière du chanteur franco-algérien Rachid Taha, décédé brutalement d'un arrêt cardiaque dans son sommeil en septembre 2018. Un choix que les commissaires de l'exposition défendent bien, en présentant le musicien comme « un artiste engagé de renommée internationale qui a donné ses lettres de noblesse au rock arabe » et qui a « ouvert la voie à toute une galaxie d’artistes qui incarnent aujourd’hui le talent et la créativité française ».

Le titre de l’exposition se réfère d’ailleurs à la reprise de la célèbre chanson de Charles Trenet par Carte de séjour, un groupe original formé dans les années 1980, le premier en France à faire fusionner le rock et le raï. Leur interprétation du titre remporta alors un franc succès et valut au groupe comme à Rachid Taha, sa figure de proue, une belle reconnaissance.

De la nécessité d’inclure tous les récits dans le roman national

L’exposition, conçue par les historiennes Naïma Yahi et Myriam Chopin, nous embarque dans une aventure qui débute dans les années 1960 « où l’on écoute les chansons de l’exil dans des cabarets orientaux ou des cafés immigrés ». Les années 1970 ont marqué « un tournant, dans le sillage des mobilisations pour l’égalité, avec l’arrivée d’une génération d’artistes engagés qui sortent de l’invisibilité et accèdent à l’espace médiatique ».

Dans les années 1980, « la jeunesse "Beur is beautiful" se trouve à l’avant-garde culturelle » tandis que les années 1990 ont vu « l’émergence de la culture des "banlieues" et l’avènement d’une France Black Blanc Beur ». Puis, « à partir des années 2000, alors que les enfants de l’immigration sont désormais pleinement impliqués dans la vie de la nation, l'heure est à la promotion d’une France multiculturelle », fait-on savoir. « Il s'agit là de la transmission d'un récit qu'on a besoin de connaître, affirme Myriam Chopin à l’AFP. Tant que l'on ne l'aura pas inclus dans le récit national, il n'y aura pas de "Douce France" ».

Le parcours chrono-thématique de l’exposition, qui mêle vidéos, photos, affiches, objets, enregistrements audio, archives publiques et privées, vient mettre en exergue « les grandes séquences de la carrière de l’artiste à la lumière de l’histoire de l’immigration maghrébine en France et des enjeux de l’interculturalité ». Pour joindre l’utile à l’agréable, les visiteurs sont invités à participer à un « karaoké du bled » pour chanter en français, en arable ou en kabyle, « les succès de notre patrimoine musical ». Voici donc une visite culturelle à placer dans l’agenda jusqu’au 8 mai 2022.