De Paris à Marseille, hommage à Baya, icône de la scène artistique algérienne

Par Lina Farelli, le 16/05/2023

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Après l’Institut du monde arabe (IMA), c’est au tour du Centre de la Vieille Charité à Marseille d’accueillir l’exposition hommage à une artiste algérienne singulière du XXe siècle connue sous le nom de Baya.

« Baya, une héroïne algérienne de l'art moderne. » C’est sous ce nom qu’une exposition entièrement dédiée à l’œuvre de l’artiste algérienne Fatma Haddad, connue aujourd’hui sous le pseudonyme de Baya, a fait son apparition à Marseille, au Centre de la Vieille Charité (CVC) depuis samedi 13 mai.

Jusqu’au 24 septembre 2023, les amateurs d’art et les amoureux de la culture pourront découvrir les œuvres et la trajectoire artistique d’une femme qui a très tôt accédé à la notoriété – à l’âge de 16 ans ! – grâce à la peinture. Un destin incroyable lorsque l’on sait que Fatma Haddad est née en Algérie en 1931, à une époque où il était encore bien difficile pour les femmes de se faire un nom par elles-mêmes. A plus forte raison du fait, pour Baya, de sa condition sociale difficile qu'elle est parvenue à déjouer.

Une autodidacte qui a su se démarquer

Orpheline de père à 6 ans, de mère à 9 ans, Fatma Haddad est alors recueillie par sa grand-mère. Elle travaille avec elle dans une ferme horticole appartenant à des colons lorsqu'elle est prise sous l’aile de Marguerite Caminat, une amatrice d’art venue en Algérie en 1940 pour fuir la France occupée. Ayant remarqué son talent alors qu’elle avait à 11 ans, celle qui devient sa mère adoptive embauche alors une institutrice qui lui apprend à lire et à écrire, tout en l'encourageant à conserver et à développer son patrimoine culturel algérien auprès de familles musulmanes de ses amis, présente l'Institut du monde arabe (IMA) :

« Le galeriste Aimé Maeght, qui avait découvert son talent au cours d’un voyage à Alger, lui organise une première grande exposition à Paris dès 1947 : Baya éblouit les amateurs d’art et entre de plain-pied sur la scène artistique, légitimée par de grands personnages tutélaires dont André Breton – non sans ambivalence, entre curiosité pour une artiste en devenir et paternalisme, en une approche de l’altérité empreinte d’orientalisme. Dès l'été 1948, Baya revient en France pour réaliser des sculptures ; sa créativité dans le travail de l’argile est remarquée par Picasso, dans l’atelier de céramique Madoura de Vallauris. »

Après son mariage en 1953 avec un musicien de 30 ans son aîné, Fatma Haddad s’arrête de peindre pour se consacrer à sa vie familiale. Entre 1955 et 1970, elle aura six enfants. Après la guerre d’indépendance en 1962, elle reprendra son travail artistique, avec l’aide du peintre Jean de Maisonseul, nouveau directeur du musée national des Beaux-Arts d’Alger, qui expose ses œuvres dès 1963 et en acquiert certaines qui font encore la fierté de ce musée.

Consacrée comme l’une des pionnières de l’art algérien, elle obtint en 1969 le Grand Prix de peinture de la ville d’Alger. Baya continua de travailler en faisant évoluer sa peinture, et sa production prolifique fut appréciée à l’international. Elle décède en 1998, à l’âge de 66 ans, à Blida, ville qu’elle n’avait pas quittée depuis 1952.

C’est tout naturellement que l’Institut du monde arabe (IMA) a accueilli le projet monographique de Claude Lemand, Anissa Bouayed et Djamila Chakour du 8 novembre 2022 au 26 mars dernier. A Marseille cette fois, l’exposition, constituée d’une centaine d’œuvres, permet au grand public d’apprécier les nombreuses facettes du travail artistique de Baya, entre peinture, dessin et céramique. « Porteuse d’une vision de la culture en tant que source d’émancipation de l’individu et outil d’ouverture au monde et à sa diversité, l’exposition s’accompagne de nombreux programmes de médiation spécifiques, proposés aux publics les plus larges et notamment scolaires », fait savoir le CVC.

Baya. Une héroïne algérienne de l'art moderne
Centre de la Vieille Charité
Du 13 mai au 24 septembre 2023
Tarifs : 6 € (plein)/ 3 € (réduit)

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