Autour du recensement de l’absentéisme scolaire pendant l’Aïd : réponse à court et à long terme

Par Fatima Adamou, le 02/06/2023

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La requête des renseignements territoriaux aux établissements scolaires concernant le taux d’absentéisme le jour de la célébration de la fin du mois de Ramadan est injustifiable. La réponse à court terme va de soi : demander des explications, en plus haut lieu par les fédérations musulmanes, et envisager une plainte.

Maintenant, la question qui se pose : que voulons-nous, Français musulmans, à long terme ? La réponse à cette interrogation déterminera nos agissements face aux provocations, aux préjugés et aux discriminations.

J’ose imaginer que la majorité souhaite vivre paisiblement en compagnie des autres citoyens français, quelle que soit leur ethnicité, leur religion, leur orientation sexuelle, leurs tenues vestimentaires, leur goût culinaire, etc.

Nous sommes bien d’accord, aucune célébration de fêtes religieuses, aucune absence et aucun congé pour fête religieuse ne représente de danger. Alors nous devons comprendre comment et pourquoi des fonctionnaires ont cru bon d’associer une fête religieuse à un risque pour le territoire français.

Une vision problématique des musulmans

Beaucoup de journalistes, de femmes et d’hommes politiques, vraisemblablement mal informés ont repris à leur compte des discours d’islamistes. Ainsi, tous les musulmans seraient identiques, avec une pensée unique, des pratiques similaires, vêtues de manière semblable. Le musulman et la musulmane type selon des islamistes, et répété par des journalistes, des politiciens et politiciennes, correspond à un homme avec une barbe et une femme avec un voile.

Chez les islamistes, celles et ceux qui ne cochent pas leurs cases sont relégués à la catégorie de non-musulmans. Dans le monde politico-médiatique, les musulmans que des islamistes valident comme tels sont catalogués comme de potentiels « extrémistes » (alors que peu partagent leurs idéologies). Les autres n’appliqueraient pas totalement l’islam et sont donc des « modérés ».

Cette dichotomie entre musulmans « modérés » et musulmans « extrémistes » – terminologies quasi exclusives aux musulmans puisqu’on ne parle, pour ainsi dire, jamais de juifs, de chrétiens ou d’hindous modérés en France – pose d’autant plus problème que nous contribuons malgré nous à renforcer cette image au sein même de nos communautés. Certains musulmans admettent difficilement ou n’acceptent pas l’existence d’une diversité d’interprétations, de compréhension de texte, de différence dans nos pratiques, dans nos façons de nous vêtir.

Les extrémistes politiques et religieux ne survivent pas dans un environnement dans lequel la concertation prospère.

Avant le 11 septembre 2001, des musulmans vivaient en France, certains priaient cinq fois par jour, d’autres pas, certains jeunaient, d’autres pas, certains se rendaient uniquement aux prières du vendredi, etc. Toute personne s’identifiant comme musulmane l’était.

Aujourd’hui, vus de l’extérieur, des musulmans basculent vers une forme d’extrémisme, non pas que ce soit vrai, mais ce qui relevait autrefois d’une pratique intime se transforme en une pratique publique. Par exemple, les prières ne s’effectuent plus essentiellement dans l’intimité, dans un espace propice à la spiritualité à l’abri des regards, mais à la va-vite sous des cages d’escalier d’établissements, proche des toilettes dans un centre commercial ou dans des placards à balais. Les nouvelles technologies à disposition aujourd’hui devraient permettre d’expliquer au plus grand nombre de musulmans et de musulmanes toute la souplesse qu’offre l’islam dans nos pratiques au quotidien.

Vous pouvez donc imaginer la crainte d’une personne exposée à des reportages de journalistes peu ou mal informés sur l’islam rattachant la prière rituelle à une forme d’extrémisme.

Informer sur l’islam, voilà ce qu’il faut ! Certes, c’est trop nous demander. Cependant, des fonctionnaires et de toute évidence des fonctionnaires des renseignements territoriaux doivent être sensibilisés sur ce qu’est l’islam et les fêtes qui lui sont attachées.

Pourquoi ? D’abord parce que visionner des documentaires sur le parcours d’islamistes n’instruit absolument pas sur l’islam. Ensuite parce que les extrémistes de tous bords politiques et religieux progressent et guettent toutes opportunités d’exploiter les colères et les déceptions. Tout va très vite avec les réseaux sociaux ! Ces extrémistes de tous bords peuvent capitaliser en conséquence.

C’est pourquoi le dialogue, le rappel du droit à l’absentéisme pour fête religieuse et la réflexion, le cas échéant, avec toutes les institutions et fédérations concernées sur la manière de relayer par exemple au grand public des informations comme celle qui nous occupe sont décisifs. Les extrémistes politiques et religieux ne survivent pas dans un environnement dans lequel la concertation prospère.

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Fatima Adamou, auteure de « Noire et musulmane. Grandir dans la minorité », a été chercheuse bénévole à l’association Christian Muslim Forum.

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