Adieu saint père François, le sens de la fraternité universelle chevillé au cœur

Par Mustapha Chérif, le 22/04/2025

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Le souverain pontife François, paix à son âme, avait gagné la sympathie de beaucoup de croyants et d’humanistes, chrétiens bien sûr, mais aussi des musulmans. Une grande figure spirituelle nous quitte. Nous garderons de lui un souvenir fort.

Nous avions besoin d’une vision politique sage. Le fait que le pape se soit fait appeler François, en référence au saint mystique, moine d’Assise, qui a dialogué en 1219 en toute amitié avec le sultan Malik Al-Kamil en Égypte et respecté l’islam, était un signe d’espérance.

Sept ans après ma rencontre avec Benoît XVI, le pape François m’a reçu le 20 mars 2013, au Vatican, dans la salle d’audience. Un privilège apprécié par ceux qui œuvrent pour le dialogue interreligieux et le rapprochement entre les peuples. Le dialogue, m’a-t-il dit, est indispensable pour sauver le vivre ensemble.

Une attention particulière pour les frères abrahamiques

Le nouveau pape était plein de promesses. Il a instauré un nouveau ton. Rencontrer le pape François, en tant qu’intellectuel musulman, a été une nouvelle occasion pour présenter le vrai visage de la voie muhammadienne et émettre un message d’espoir pour la jeunesse, afin qu’elle s’engage pour le dialogue et le vivre ensemble.

De son vrai nom Jorge Mario Bergoglio, jésuite de formation, citoyen argentin, « venu de si loin » comme il l’a précisé… Cette origine lui a permis d’avoir du recul et sans doute le sens de l’ouvert.

L’élection du nouveau pape avait suscité dans le monde musulman des attentes face à la crise internationale, le besoin d’améliorer les rapports avec le Vatican et entre l’Occident et le monde musulman, si proches, imbriqués et entremêlés. Il n’a pas déçu.

Le pape François m’avait affirmé qu’il était « important de promouvoir l’amitié et le respect entre les différentes traditions religieuses pour réaliser la coexistence pacifique entre les peuples ». Il a souligné que, pour mener à bien sa mission, il avait « besoin des prières et du soutien de tous ». Il a ensuite fait part « de l’estime réciproque et du travail commun à accomplir pour le bien de l’humanité ».

Ces paroles s’inscrivaient en droite ligne des recommandations du concile Vatican II en 1965 et celles émises par les différentes rencontres islamo-chrétiennes. Cependant, vu le contexte de crise dans lequel se trouvait le monde toujours en cours, dites par le nouveau souverain pontife elles revêtaient encore plus de poids.

Le pape a montré une attention particulière pour les autres monothéismes, frères abrahamiques, notamment les musulmans. Il avait une certaine connaissance de l’islam, notamment de sa mystique.

Un allié de ceux qui défendent le respect de la dignité humaine

Avec le souverain pontife, il s’agissait de faire face aux défis communs. L’attachement au sens spirituel de l’existence, le combat contre les injustices du système mondial dominant déshumanisant et les dérives des extrémistes de tous bords, nous ont réuni.

Le chef de l’Église catholique constatait que de plus en plus de gens souffrent. De ce fait, il se voulait le pape des pauvres et des opprimés. Pour cela aussi, il était un allié de ceux qui, comme nous, défendent le respect de la dignité humaine.

Le pape François mettait en garde contre les dangers de la xénophobie et de l’intolérance, et laissait clairement entendre que les notions de « conquête », de prosélytisme, ainsi que les bavardages et médisances sur autrui sont à bannir du vocabulaire des croyants. A juste titre, le pape invitait à ne pas juger autrui, mais à dialoguer.

Durant son pontificat, il a visité plusieurs pays musulmans et était touché par la ferveur de l’accueil. Pour la première fois dans l’histoire du Vatican, il a autorisé la cérémonie de béatification des 19 prêtres martyrs de l’Algérie, célébrée en décembre 2018 dans le sanctuaire de Santa Cruz, à Oran, la première du genre dans le monde arabo-musulman en reconnaissance aux sacrifices consentis dans les dures épreuves communes. Il a élevé récemment au rang de cardinal l’archevêque d’Alger, terre de Saint Augustin et de l’émir Abdelkader.

Son engagement pour la paix et la justice dans le monde, pour la préservation des vies humaines innocentes, notamment à Gaza, sont les signes forts que l’Histoire retiendra. Nos pensées fraternelles vont à nos sœurs et frères catholiques en cette épreuve. Adieu saint père François.

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Mustapha Chérif, philosophe et islamologue, est cofondateur du Groupe d’amitié islamo-chrétien (GAIC) et du Forum mondial islamo-catholique, lauréat du prix Unesco du dialogue des cultures. Il est l’auteur du podcast « Cultures et islam, les trésors du savoir », une « invitation à explorer l’histoire, la philosophie et la spiritualité, avec un regard particulier sur l’islam et le soufisme. Disponible sur Spotify.

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