Aboubakar Cissé : Il y va de la survie de notre République que de lutter contre la haine des musulmans

Par Christian Delorme, le 12/05/2025

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L'assassinat, par un jeune qui a grandi dans la métropole de Lyon, du jeune musulman d'origine malienne Aboubakar Cissé dans la mosquée de La Grand-Combe, nous bouleverse, nous révolte, nous inquiète. Cet assassinat, qui a plongé dans la douleur une famille, et qui suscite la peur dans toute la communauté musulmane de France, constitue un échec de notre République, une faillite de notre culture nationale qui, jusqu'il y a peu, vivait encore des idéaux que nous avait légués le Conseil national de la résistance. Une France raciste n'est pas la France, mais une trahison de la France. Une France antimusulmane ne peut pas être la France, pas plus que ne peut l'être une France antisémite ou une France antichrétienne ou une France de quelque discrimination que ce soit.

A Lyon, un monument est érigé sur les lieux mêmes où ont été fusillés par les nazis, le 27 juillet 1944, René Bernard, Albert Chambonnet, Francis Chirat, Gilbert Dru et Léon Pfeffer. Les uns étaient des chrétiens, les autres juifs ou francs-maçons. Tous ont donné leur vie pour que nous vivions dans une France de la liberté et de la fraternité, et ce n'est pas pour rien que nous sommes ici.

Ces quarante dernières années, malheureusement, nous avons assisté à une dégradation progressive de notre conscience nationale. La peur de l'islam, liée à un contexte international souvent dramatique, à des phénomènes migratoires difficiles à gérer et à des problèmes sociaux réels, n'a cessé d'être cultivée, entretenue, instrumentalisée, notamment par des magnats de la presse dont certains se prétendent catholiques.

Des responsables politiques ont cru pouvoir, à leur tour, s'en saisir, pensant de manière irresponsable que la xénophobie et un discours hostile aux musulmans et à l'islam, feraient d'eux des « grands Français », et leur permettraient de devenir des « hommes ou des femmes d'Etat ». Tel n'est pas le cas. Tous n'ont rien fait d'autre qu'inoculer du poison dans le sang de la France. Les jardiniers de la haine ne pourront jamais apporter autre chose que de la mort. Ils sont les fossoyeurs de notre pays.

Antisémitisme, islamophobie, même combat

Ils sont aussi d'une cécité malhonnête. Car ils ne connaissent pas la France d'aujourd'hui. On peut avoir le sentiment qu'ils ne se rendent jamais ni dans les hôpitaux, ni dans les groupes scolaires et les universités, ni dans les casernes, ni dans les entreprises, ni dans les conseils municipaux, pour ne pas parler de tous les autres lieux qui font vivre, survivre, guérir, promouvoir la France. Car ils sont des centaines de milliers, ces musulmans de France qui, aujourd'hui, nous soignent et nous sauvent dans les hôpitaux, nous partagent leurs connaissances au sein des établissements scolaires et dans les universités, qui prennent le risque de verser leur sang - et parfois le versent - sur des théâtres d'opérations militaires où la France est engagée, ou qui encore font fonctionner nos municipalités. Il y a, aussi, des membres du corps préfectoral musulmans, des procureurs de la République musulmans, des commissaires de police musulmans, des gradés de la gendarmerie musulmans... Comment peut-on ainsi les mépriser journellement, sur certaines chaînes de télévision et dans certains discours politiques ?

Mes amis, de même que la guerre doit être menée contre l'antisémitisme dont nous savons tous, malheureusement, qu'il ressurgit, très vivace, sous diverses formes, nous devons de même mener le combat contre toute propagande, contre toute politique, contre tout acte antimusulman. Ce doit absolument devenir une cause nationale. Nous devons tous exiger la mise en place, le plus rapidement possible maintenant, d'un plan national de lutte contre la haine des musulmans. Il y va de la survie de notre identité nationale, de la survie de notre République.

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Christian Delorme, figure engagée dans le dialogue islamo-chrétien, est prêtre du diocèse de Lyon. Cette tribune est extraite de son appel lancé fin avril lors d'une manifestation à Lyon organisée après l'assassinat d'Aboubakar Cissé.

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