Débaptisation du boulevard Stalingrad près de Nice : un exemple qui mériterait d’être suivi ailleurs

Par Dagun Deniev, le 23/07/2025

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La décision du conseil municipal de la commune de Drap, dans la banlieue de Nice, de rebaptiser le boulevard Stalingrad en boulevard des Rives du Paillon, du nom du fleuve local, a provoqué en ce mois de juillet des critiques hypocrites de l’ambassade de Russie en France. Se mêlant à la politique toponymique d’une petite ville dont elle venait de découvrir l’existence, la représentation diplomatique du pays en pleine guerre révisionniste aux portes de l’Europe s’est émue d’une « tentative inquiétante de réécriture de l’histoire » et d’une « déformation flagrante des faits historiques ».

« Nous tenons à rappeler (...) que c’est à Stalingrad que les forces soviétiques ont infligé une défaite décisive à la Wehrmacht (...) et contribué à la libération de l’Europe du joug du nazisme », a déclaré l’ambassade, en omettant de préciser que le joug nazi a été en partie remplacé par celui du stalinisme et que la guerre avait commencé par le partage de l’Europe en sphères d’influence nazie et bolchevique.

Déstaliniser des rues, c’est possible

En russe, le mot « Stalingrad » est perçu comme un synonyme de la destruction totale d’une agglomération. Pour signifier qu’une telle ville a été ravagée par des hostilités, un Russe peut en effet la qualifier métaphoriquement de Stalingrad. En ce sens, plusieurs villes en Ukraine et, avant cela, en Syrie ont été transformées par Moscou en autant de Stalingrad. Ce terme ne renvoie pas nécessairement à l’idée d’un triomphe militaire.

Si l’on tient absolument à perpétuer la mémoire des victoires sur les nazis à travers des noms de lieux, d’autres alternatives existent. La bataille de Koursk, à l’été 1943, a marqué ainsi un tournant non moins important dans la conduite de la guerre, mais ni l’ambassade russe ni ses « idiots utiles » incarnés par les communistes drapois ne semblent envisager cette possibilité, pas plus que celle qui consisterait à donner au boulevard le nom de Volgograd, car depuis 1961, c’est le vrai nom de cette ville située au sud-est de la Russie d’Europe, au bord de la Volga. L’appellation « Stalingrad », quant à elle, lui avait été donnée en 1925, le nom d’origine, Tsaritsine, sonnant très vieux régime pour les bolcheviks.

En tout état de cause, à l’époque où l’on parle de « féminiser » l’espace public en rebaptisant des lieux dédiés à des hommes en l’honneur de femmes, l’existence de toponymes faisant référence au tyran sanguinaire, responsable de millions de morts, tous genres, âges et nationalités confondus, y compris des Français, est un scandale absolu. Sachant que de nombreux communistes figurent parmi ces victimes, s’arc-bouter sur Staline revient, de la part des communistes de France et d’ailleurs, à faire preuve de masochisme et à s’assimiler à des cafards qui glorifient l’usine de pesticides... J’emprunte cette métaphore à l’historien français Éric Aunoble, enseignant à Genève qui, il est vrai, fait partie de ceux qui cherchent plutôt à minimiser les crimes soviétiques. Du moins, c’est l’impression que j’en garde.

« Hypermnésie » des crimes hitlériens et « amnésie » des crimes staliniens

L’existence, en Europe de l’Ouest, de ces rues, boulevards et places aux noms évoquant Staline est révélatrice de ce que le soviétologue Alain Besançon a qualifié d’« hypermnésie » du nazisme et d’« amnésie » du communisme. Pour expliquer ce deux poids, deux mesures, les « amnésiques » prétendent que les actions nazies, contrairement à celles des bolcheviks, étaient « irrationnelles », raciales et dépourvues de l’idéal d’« émancipation humaine ».

Est-ce à dire que de gigantesques tueries perpétrées par les bolcheviks étaient, elles, rationnelles et justifiées ? Qu’affamer les uns, enfermer les autres, fusionner ceux-ci, gazer ceux-là et ainsi de suite, était une manière d’émanciper les humains – tout comme restaurer de facto le servage, pourtant aboli par la monarchie en 1861 ? Est-ce que les cadres bolcheviks, dont beaucoup étaient d’anciens bagnards des tsars, étaient animés par des considérations humanistes en exposant les détenus du goulag à des conditions de vie telles que la monarchie apparaît, en comparaison, comme la championne de la philanthropie et des droits de l’Homme ? Traiter ses prisonniers politiques, le plus souvent innocents, plus durement que l’on ne l’a été soi-même – n’y a-t-il pas là un je ne sais quoi de vilainement mesquin et sale ?

Si les objectifs des bolcheviks étaient nobles, pourquoi falsifiaient-ils la vérité auprès des proches des fusillés, en leur faisant croire que leur mari, femme ou enfant avait été condamné à « 10 ans de camp de travail sans droit de correspondance ni de colis » avant de succomber à une maladie ? On croit rêver en lisant une note du KGB de 1962 sur la « procédure en vigueur pour communiquer des données fictives (sic !) concernant les citoyens innocents exécutés sur décision d’organes extrajudiciaires » de l’ère stalinienne.

Enfin, s’agissant du critère racial, que font les « amnésiques » des dizaines de peuples « ethniquement et socialement suspects » déportés entièrement ou partiellement loin de leurs terres natales « pour l’éternité » (навечно), avec l’interdiction formelle de franchir les limites des camps para-concentrationnaires où ils avaient été parqués ? Dans le cas des peuples déportés dans leur totalité, souvent des musulmans du Caucase, il s’agissait pour Moscou de « régler définitivement » leur compte.

En clair, ces peuples devaient disparaître complètement en tant qu’entités ethniques, par assimilation forcée et suppression de leur histoire, langue et religion. Si, par chance, ils s’éteignaient aussi physiquement, ce qui devait logiquement se produire dans des conditions où il n’y avait ni à manger ni à dormir, ça aurait été encore mieux vu de Moscou : « Si ces affamés meurent, ce n’en fera que moins d’ennemis pour le pouvoir soviétique ! » Mais l’histoire en a décidé autrement. N’empêche que ce qu’on appelle pudiquement « déportations » a provoqué de véritables hécatombes dues à la faim, au froid et aux maladies, sans parler des cortèges d’exécutions sommaires et des atrocités qui ont accompagné ces transferts forcés de populations.

Le peu de patrimoine matériel qui leur restait après leur longue et calamiteuse conquête par l’Empire russe aux XVIIIe-XIXe siècles a été perdu à jamais : même les cimetières ont été détruits par le régime que l’on cherche à nous présenter comme porteur de l’idéologie humaniste. Côté bilan, un Livre blanc paru en 1991, après un demi-siècle de blackout imposé par le Kremlin sur le sujet, avance le chiffre de 200 000 morts rien que pour les Tchétchènes (soit près de la moitié du peuple), mais aucune estimation précise n’est possible, le KGB lui-même ayant parfois tout le mal du monde à établir le nombre exact de ses victimes dans telle ou telle opération, comme en Ukraine dans la deuxième moitié de 1938.

Staline et Hitler : deux faces de la même médaille

Cette double dimension – raciale et sociale – de la machine répressive du communisme soviétique en fait un « nazisme puissance deux », selon l’expression de l’historien Hassan Bakaïev.

Les caractéristiques communes des deux systèmes totalitaires se retrouvent également dans les personnalités des deux dictateurs. L’historien Victor Souvorov, ancien transfuge des services de renseignement soviétiques, les détaille ainsi :

« Hitler avait un drapeau rouge. Staline aussi avait un drapeau rouge.

Hitler gouvernait au nom de la classe ouvrière, et son parti s’appelait le Parti des travailleurs. Staline gouvernait également au nom de la classe ouvrière, et son régime était appelé la dictature du prolétariat.

Hitler détestait la démocratie et la combattait. Staline détestait la démocratie et la combattait.

Hitler construisait le socialisme. Staline aussi construisait le socialisme.

Hitler considérait que sa voie vers le socialisme était la seule qui soit bonne, et que toutes les autres étaient des perversions. Staline aussi considérait que sa voie vers le socialisme était la seule qui soit bonne, et que toutes les autres étaient des déviations de la ligne directrice.
Les camarades de parti qui s’écartaient du bon chemin (...) étaient impitoyablement éliminés par Hitler. Staline aussi éliminait impitoyablement tous ceux qui s’écartaient du bon chemin.

Hitler avait un plan de quatre ans. Staline avait des plans quinquennaux.

Avec Hitler, il n’y avait qu’un parti au pouvoir, les autres étaient en prison. Avec Staline aussi, il n’y avait qu’un parti au pouvoir, les autres étaient en prison.

Sous Hitler, le parti était au-dessus de l’État, et le pays était dirigé par les chefs du parti. Sous Staline aussi, le parti était au-dessus de l’État, et le pays était dirigé par les chefs du parti. (...)

Les principales fêtes de l’empire de Staline étaient le 1er mai et le 7-8 novembre. Dans l’empire d’Hitler, c’étaient le 1er mai et le 8-9 novembre.

Hitler avait les Hitlerjugend – les jeunes hitlériens. Staline avait le Komsomol – les jeunes staliniens.

Staline était officiellement appelé le Führer, et Hitler, le Vojd... Désolé, c’est Staline qui était le Vojd, et Hitler, le Führer. Une fois traduit, c’est la même chose. (...)

La femme qu’aimait Hitler, Geli Raubal, avait 19 ans de moins que lui. La femme qu’aimait Staline, Nadejda Allilouïeva, avait 22 ans de moins que lui. Geli Raubal a mis fin à ses jours. Nadejda Allilouïeva aussi. Geli Raubal s’est suicidée avec le pistolet d’Hitler. Nadejda Allilouïeva avec celui de Staline.

Les circonstances de la mort de Geli Raubal sont mystérieuses. Il existe une théorie selon laquelle elle aurait été tuée par Hitler. Les circonstances de la mort de Nadejda Allilouïeva sont mystérieuses. Il existe une théorie selon laquelle elle aurait été tuée par Staline.

Hitler disait une chose et en faisait une autre. Tout comme Staline.

Hitler a commencé son règne sous le slogan "L’Allemagne veut la paix", puis il a envahi la moitié de l’Europe. Staline luttait pour "la sécurité collective" en Europe, (...) ensuite, il a envahi la moitié de l’Europe.

Hitler avait la Gestapo. Staline avait le NKVD.

Hitler avait Auschwitz, Buchenwald, Dachau. Staline avait le Goulag. (...) Hitler exterminait les gens par millions. Staline aussi, par millions. (…)

Staline était sans barbe, mais avec ses célèbres moustaches. Hitler était sans barbe, mais avec ses célèbres moustaches.

Alors, où est la différence ? La différence est dans la forme des moustaches. Et encore en ceci : le monde détestait Hitler, alors qu’étrangement, il éprouvait de la sympathie pour Staline.

Les actions d’Hitler étaient perçues comme le mal absolu. Les actions de Staline, en revanche, étaient vues comme une lutte pour la paix et le progrès, même si le moins qu’on puisse dire c’est que les Allemands sous Hitler vivaient un tantinet mieux que les Russes sous Staline. (...)

Contrairement à Hitler, Staline commettait ses crimes de manière à ce que certains à l’Ouest cherchent et trouvent des explications et des justifications pour les rivières de sang qu’il a fait couler.

Hitler a envahi la moitié de l’Europe, et le reste du monde lui a déclaré la guerre. Staline a envahi la moitié de l’Europe, et le reste du monde lui envoyait des salutations. »


La liste, déjà longue, des parallèles entre le fléau brun et le fléau rouge pourrait être étendue, d’autant plus que Victor Souvorov n’est pas le seul à s’être penché sur la question. D’autres l’ont fait avant et après lui, mais un seul nom, celui de Stéphane Courtois, s’est imposé en premier lieu dans le débat.

Quand les chercheurs se font la guerre avec des enfants interposés

Ce spécialiste du communisme, contributeur au Livre noir du communisme (1997), est abhorré par les « amnésiques » de tous les pays, qui semblent s’être unis contre lui, comme pour mieux appliquer la fameuse devise du Manifeste du Parti communiste de Karl Marx, qui ornait le blason de l’URSS.

Sa faute ? Il a osé condamner le communisme au même titre que le national-socialisme, a estimé le nombre total des victimes des dictatures communistes à cent millions de personnes, et a commis un « blasphème » en affirmant qu’un petit Ukrainien affamé à mort par Staline « valait » un petit Juif affamé à mort par Hitler.

Les réactions à cette « formule choc » de la part des contradicteurs de Stéphane Courtois laissent pantois : « Pourquoi n’avoir pas pris pour symbole l’enfant cambodgien tué par les Khmers rouges ? Parce qu’il n’aurait pas fait aussi bien l’affaire, ayant l’inconvénient d’être postérieur à la Shoah » (Benoît Rayski rapporté par Le Monde), « les victimes de famines causées par la stupidité et l’incompétence d’un régime (ces morts comptent pour plus de la moitié des “100 millions de victimes” de Courtois) peuvent-elles être mises sur le même plan que le gazage délibéré des juifs ? » (John Arch Getty). « Ce décompte portant sur des pays où les circonstances et les cultures n’ont pas été les mêmes revient à additionner des carottes et des navets... L’extermination de six millions de juifs fait pâle figure à côté des “cent millions de victimes” du communisme » (Jean-Jacques Becker). « Si les systèmes communistes sont en soi criminels, qu’est-ce qui a poussé tant de millions d’hommes à travers le monde à y adhérer ? » (idem).

Que penser de ces questions surréalistes ? Si des adultes – qui plus est, des chercheurs chargés d’instruire la jeunesse – ignorent que les innocents exécutés sont, par définition, égaux, quel que soit le pays ou l’époque ; qu’ils ne sont pas des carottes et des navets additionnés ; qu’on ne les hiérarchise pas selon le mode d’exécution – un supplicié abattu d’une balle dans la nuque par le NKVD n’étant pas plus chanceux qu’un autre asphyxié dans un camion à gaz du même NKVD, et inversement ; qu’on ne débat pas de leur « commensurabilité » ou « incommensurabilité » comme des adolescents pubères cherchant à prouver qui en a la plus grosse –, si ces chercheurs ignorent tout cela, alors il est sans doute trop tard pour le leur apprendre.

Si un enseignant, qui a passé toute sa vie dans un beau pays « bourgeois » comme la France, croit que s’emparer manu militari du pouvoir, noyer dans le sang la population et lui arracher l’obéissance par une terreur tous azimuts signifie adhérer au communisme, alors qui pourra lui ouvrir les yeux et lui expliquer que jamais un seul million de personnes ne s’est rallié librement à cette doctrine en Europe, ce qui fut d’ailleurs démontré par l’effondrement précipité du camp socialiste baptisé par oxymore « démocraties populaires ». Comme le rappelait René Rémond dans son Introduction à l’histoire de notre temps, « dans aucun de ces huit pays du bloc soviétique (Pologne, Roumanie, Bulgarie, Hongrie, Tchécoslovaquie, Yougoslavie, Albanie et République démocratique allemande), les communistes ne sont arrivés au pouvoir à la suite d’une consultation libre par laquelle le suffrage universel leur aurait démocratiquement donné la majorité : la conquête du pouvoir s’est faite partout sous la protection de l’armée soviétique et la tutelle de ses diplomates, par la pression, l’intrigue, l’élimination physique des adversaires et même des partenaires ».

Dans la rhétorique des « amnésiques », un détail saute toujours aux yeux : la légèreté avec laquelle ils semblent prendre la famine et la mort qui en résulte. Ils sont sincèrement persuadés que, s’ils parviennent à imputer une partie des victimes à des famines, alors il n’y a pas mort d’homme. Qu’une personne lambda ayant toujours eu de quoi manger, car née dans un pays capitaliste avec une cuillère d’argent dans la bouche, ne comprenne rien à rien au supplice ultime infligé par la faim, cela peut s’excuser. Mais que des chercheurs n’y pigent rien non plus, voilà qui est autrement plus inquiétant. Pourtant, un minimum de culture générale suffit pour savoir qu’il y eut dans l’histoire des figures condamnées à ce châtiment moyenâgeux pour avoir défié l’autorité – comme la boyarde Morozova, vénérée comme martyre par les schismatiques orthodoxes. Si un individu mort de faim pour ses idées peut être reconnu comme martyr, ne faudrait-il pas témoigner aussi un peu de respect à des millions d’innocents emportés par l’inanition – et ce, faute de carottes et de navets, réquisitionnés au nom d’un idéal humaniste qu’ils n’avaient jamais appelé de leurs vœux ?

« Il n’y a pas de peuple élu dans la souffrance »

En butte à « ce qu’il faut bien appeler un intégrisme de la mémoire », Stéphane Courtois assume dans Communisme et totalitarisme : « Le génocide des Juifs d’Europe n’a pas été plus “exceptionnel” que l’extermination par la famine organisée de millions de paysans ukrainiens par Staline en 1932-1933 ou que l’assassinat de près d’un quart de la population cambodgienne par les Khmers rouges de 1975 à 1979. Tenter d’établir, comme le fait le PCF, un classement dans l’horreur et une concurrence des victimes à seule fin de couvrir sa propre responsabilité n’est tout simplement pas digne d’un parti démocratique. »

Les propos aphoristiques de Jean Daniel, cités par Courtois, selon lesquels « il n’y a pas de peuple élu dans la souffrance », résument bien le fond du débat. Les « amnésiques » doivent reconnaître à toute vie une valeur égale, car en refusant de le faire, ils se placent paradoxalement dans la même logique qu’Hitler et ses semblables, qu’ils prétendent pourtant clouer au pilori.

Toute tentative de défendre le caractère « singulier », « exceptionnel », « exclusif », « inégalé », « le plus extrême » de certaines tragédies pour relativiser les autres est vouée à l’échec.

Il est également temps d’enterrer ce serpent de mer qui consiste à fantasmer sur les enfants des uns et des autres, car là aussi, la partie est perdue d’avance pour les antagonistes de tous bords. À l’historien Norman M. Naimark, qui affirme que « l’enfant ukrainien vivant dans les campagnes soviétiques ou celui qui se retrouvait au Goulag avait une chance de survivre », tandis que « l’enfant juif des camps de la mort était condamné à mourir » (Les génocides de Staline, 2012), un Caucasien pourrait objecter : l’enfant juif pouvait espérer échapper au camp grâce à des gens courageux susceptibles de le mettre à l’abri ; il avait aussi la chance d’avoir de grandes diasporas de congénères habitant sur des continents et dans des pays hors de contrôle du Troisième Reich, et de pouvoir voir son peuple se perpétuer, en conservant sa langue, ses croyances, ses coutumes, jusqu’à fonder un État ; tandis que l’enfant caucasien déporté par Staline était comme inexistant pour la communauté internationale et avait la malchance d’appartenir à des peuples entièrement aux mains des Russes, si bien que lui et ses contemporains étaient les « derniers des Mohicans », condamnés à disparaître de la surface de la terre en tant que communautés nationales – et ce, sans laisser de traces, au sens propre du terme, puisque toutes les traces de leur existence précédente ont été effacées par la « Troisième Rome ».

On le voit : ces comparaisons allégoriques, d’emblée stériles, peuvent se prolonger ad nauseam. Raison de plus pour en finir et reconnaître une fois pour toutes que l’homme naît – et meurt – égal.

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Dagun Deniev est diplômé en Master de langue, littérature et civilisation russes à l'Université de Genève. D'origine tchétchène, ce réfugié russe en Suisse est l’auteur de Carnets d'un requérant d'asile débouté (Edilivre, 2020).

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