Face au génocide - Nous témoignons, la chahada de Gaza

Par Soufis unis, le 15/09/2025

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Tribune de musulman-e-s soufi-e-s

Vingt mois après le début d'un cycle d'horreurs sans précédent à Gaza, des femmes soufies se sont constituées en collectif pour élever une nouvelle voix sous forme de tribune qui se veut « un cri de conscience face à l'anéantissement du peuple palestinien ».

« Et ainsi avons-nous fait de vous une communauté de justes afin que vous puissiez témoigner. » (Coran 2/143)

« Mais qu’avez-vous donc à ne pas lutter sur le sentier d’Allah et de celui des opprimés, hommes, femmes et enfants qui disent "Seigneur ! Fais-nous sortir de cette cité où les gens sont injustes, et assigne-nous de Ta part un allié, et assigne-nous de Ta part un secoureur." » (Coran 4/75)

Que nous restera-t-il d’humanité après Gaza ?

Vingt mois que nous assistons sidérés, à l’anéantissement méthodique et barbare du peuple palestinien ; à Gaza mais aussi en Cisjordanie occupée.
Malgré le meurtre systématique de la quasi-totalité des journalistes locaux, des images nous parviennent encore. Nous sommes témoins d’un génocide qui nous glace et nous hante.

Dans nos oreilles, quotidiennement raisonnent les hurlements des mères face à leurs enfants brulés vifs, le ventre vide. Bénies soient les mains ensanglantées des pères palestiniens creusant inlassablement les décombres, tentant de sauver une vie. Et comment oublier les regards, vitrifiés, terrorisés des enfants secoués de spasmes d’horreur, mutilés ou ramassant les membres disloqués et éparpillés de leurs familles dans de pauvres sac en plastique.

Face à cette violence inouïe, inconcevable, à ce chaos organisé, face à la déshumanisation de nos semblables et au soutien qu’offrent nos gouvernements aux criminels de guerres ; face à la complicité de nos médias ; nos cerveaux bloquent, rejettent, dysfonctionnent. Nos cœurs se consument et nos mots franchissent de plus en plus rarement nos lèvres. Cependant le silence ne saurait être une option face à l’ignominie, à l’injustice et à l’impunité.

Ciel ! Mais de quoi sommes-nous donc témoins ?

Depuis vingt mois, nous avons deux vies, celle du dehors, de la banalité des actes et des mouvements et celle, souterraine liée viscéralement à Gaza. Nous avons vu les hôpitaux, les écoles et les universités voler en éclats les uns après les autres, les mosquées et les églises, les champs d’oliviers arrachés, les fermes détruites. Nous avons vu des poètes mourir en déclamant leurs derniers vers et des artistes peindre leur mort avant qu’elle ne les surprenne.

Nous avons vu les médecins faisant rempart jusqu’à leur dernier souffle pour sauver leurs patients et des humanitaires enterrés vivants par des pelleteuses alors qu’ils tentaient de porter secours à des personnes en détresse. Parmi la centaine de milliers d’enfants tués, nous avons entendu la petite Hind Rajab, âgée de cinq ans, se faire assassinée avec sa famille par l’armée coloniale. Nous avons vu et nous continuons à les fixer des yeux sans détourner le regard afin de témoigner.

En tant que communauté spirituelle, gardienne des valeurs ancestrales de l’islam, nous joignons notre voix à celle des justes de tous bords pour dénoncer les massacres commis par Israël, l’épuration ethnique en cours, la colonisation galopante des terres palestiniennes et le régime d’apartheid. Nous dénonçons également tous les soutiens gouvernementaux et civils qui permettent que ce génocide soit perpétré. Nous appelons aux responsabilités collectives et individuelles pour rassembler nos forces afin de faire cesser ce massacre.

Ce qui se joue en Palestine n’est ni éloigné, ni indépendant de nous. C’est au contraire le reflet et le symptôme de nos sociétés. Gaza est le miroir de nos renoncements et de nos accommodations. L’Europe impassible, désormais vassale des Etats-Unis, regarde avec complaisance le fascisme se propager sur ses terres. Le bouc émissaire a certes changé de visage mais l’obsession demeure la même. L’Europe a changé de sémite. Hier, il était juif ; aujourd’hui, il est musulman.

Ainsi donc, afin que la machine impérialiste infernale puisse fonctionner, faut-il désigner l’ennemi commun. Le juif, le gitan, le communiste, l’arabe, le palestinien... n’avons-nous donc rien appris ?

Le capitalisme incontrôlé a besoin du fascisme pour aboutir à la déshumanisation des peuples, à la spoliation, aux guerres et au malheur du monde.

Notre salut à tous réside dans notre prise de conscience, notre lucidité, notre discernement et notre éveil. Afin que nos actes et nos paroles soient fidèles à nos convictions profondes et puissent influer avec force et beauté pour la justice et pour la paix.

« Ce qui est blâmable dans l’Homme, ce n’est pas son être mais les actes qu’il commet. » Ibn Arabi

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